Vente des quotidiens régionaux de Gesca
« À nous de piloter notre destinée »
La Presse
L’ex-ministre fédéral Martin Cauchon espère redonner « indépendance » et « personnalité » aux six quotidiens régionaux de Gesca, qu’il vient d’acquérir avec son entreprise Groupe Capitales Médias (GCM). Une transaction assez bien reçue, mais qui laisse plusieurs questions en suspens.
« On devient le seul regroupement indépendant dont le mandat sera les régions, a dit M. Cauchon pendant une entrevue. L’avenir nous appartient. On ne peut pas prétendre qu’on sera enseveli par
, car nous ne sommes plus dans le groupe [Gesca]. On a notre personnalité : c’est à nous maintenant de piloter notre propre destinée. »La transaction annoncée hier matin fera passer
(Québec), (Trois-Rivières), (Ottawa), (Sherbrooke), (Saguenay) et (Granby) dans le giron de GCM. Martin Cauchon est l’unique actionnaire de cette entreprise enregistrée officiellement mardi.Claude Gagnon, qui dirigeait les quotidiens régionaux de Gesca depuis 2009, devient le grand patron de GCM, en plus de conserver ses fonctions de président et éditeur du
. Les équipes de direction de chacun des quotidiens resteront aussi les mêmes., le plus important quotidien de Gesca, n’est pas visée par l’acquisition et demeure la propriété de Power Corporation. Gesca continuera de miser toutes ses ressources sur le développement de sa plateforme numérique , a indiqué Guy Crevier, président et éditeur de .
Les détails financiers de l’entente n’ont pas été divulgués. Martin Cauchon, ancien ministre fédéral de la Justice et associé au cabinet d’avocats DS Welch Bussières, a aussi refusé de dire qui sont les investisseurs derrière cette acquisition. « Comme toute transaction privée, il y a mille et une façons de financer une transaction », s’est-il contenté de dire.
DEPUIS UN AN
Les discussions avec des acheteurs potentiels ont commencé au printemps 2014, peu après des commentaires formulés par les deux principaux dirigeants de Power Corporation, André Desmarais et Paul Desmarais, jr., pendant l’assemblée des actionnaires du groupe. Ceux-ci avaient alors déclaré que les quotidiens régionaux de Gesca devraient trouver le moyen de se redéfinir, au risque de disparaître.
« Au moins deux personnes » se sont par la suite montrées intéressées par les actifs régionaux de Gesca, a indiqué Guy Crevier en entrevue.
« On regardait ça, mais on n’a pas été actifs à appeler des gens. Ça n’a pas été un processus structuré, on n’a pas pris un investment banker. »
— Guy Crevier, président et éditeur de
Les discussions avec Martin Cauchon ont commencé il y a quatre mois et se sont déroulées rondement, a précisé M. Crevier. La transaction a été finalisée cette semaine.
Au
, le principal quotidien régional de Gesca, la nouvelle a été reçue avec « surprise » hier matin. Les syndiqués – et leurs patrons – ont appris la transaction 15 minutes avant son annonce officielle, a indiqué Jean-François Néron, président du syndicat des employés de la rédaction.Même si plusieurs inquiétudes persistent, les travailleurs se sont montrés rassurés par les propos de Martin Cauchon sur l’importance de la presse régionale, selon M. Néron. « On laisse la chance au coureur, mais il faudra que les bottines suivent les babines. »
PLAN DE 100 JOURS
Martin Cauchon et l’équipe de GCM – qui aura son siège social dans les bureaux du
– ont mis en place un « plan de 100 jours » pour digérer l’acquisition. L’ex-ministre fera une tournée des six quotidiens régionaux et il prévoit aussi rencontrer les maires et les chambres de commerce des villes où se trouvent ces publications.Les contrats de travail sont échus depuis le 31 décembre dernier dans les six quotidiens régionaux de Gesca. Martin Cauchon affirme qu’il est trop tôt pour dire si de nouvelles compressions sont à prévoir.
« Mon premier échéancier important, c’est qu’on entre en négociations avec les syndicats. On devrait avoir la première rencontre à la fin de mars. »
— Martin Cauchon
M. Cauchon penche par ailleurs en faveur d’un modèle « hybride » pour ces journaux, qui combinerait éventuellement l’édition papier avec une version tablette. Rien n’est encore arrêté, insiste-t-il.
La Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) a salué cette transaction dans un communiqué. « On assiste rarement à l’émergence d’un nouveau groupe de presse. Ces dernières années, c’est plutôt la tendance contraire qu’on a observée avec une concentration entre quelques mains. »
La FPJQ se demande toutefois si Martin Cauchon a les moyens de faire prospérer les journaux qu’il vient d’acquérir. Marc-François Bernier, spécialiste des médias à l’Université d’Ottawa, s’inquiète pour sa part de « l’opacité » entourant les détails financiers de la transaction.
Le professeur se demande aussi si les visées politiques du nouveau magnat de la presse régionale – qui visait la direction du Parti libéral du Canada en 2013 – risquent d’influer sur sa façon de gérer ses quotidiens.
« Ça m’inquiète toujours quand un politicien de carrière achète des journaux. Il va falloir surveiller ça de près. »
— Marc-François Bernier, spécialiste des médias à l’Université d’Ottawa
Martin Cauchon réplique qu’il maintiendra « l’autonomie » des salles de nouvelles et la « philosophie » de non-intervention déjà appliquée par Gesca. « Je vais devoir la maintenir peut-être avec plus de rigueur et de rigidité. »
Enfin, M. Cauchon a voulu écarter les propos tenus sur Twitter par le député péquiste – et actionnaire de contrôle de Québecor – Pierre Karl Péladeau. Celui-ci a affirmé que la « famille Desmarais s’est trouvée un “faux-nez” pour la fermeture des quotidiens Gesca. La question qui tue : Quand ? »
« L’idée qu’il émet est une idée qui témoigne peu de confiance à l’égard des régions, a tranché Martin Cauchon. Je trouve ça malheureux, surtout de la part d’un politicien. Moi, j’ai un angle qui est complètement différent. Je crois aux régions et je crois qu’on va réussir. Peut-être qu’avec M. Péladeau, il y a en ce moment ce que j’appelle une confusion de chapeaux. »