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Le Fred Savard nouveau

Difficile de voir le gars grognon si souvent dépeint par ses camarades. Il est arrivé le sourire accroché au visage, le verbe leste, le débit rapide (mais ça, il l’a toujours eu). Il n’y a pas de doute, Fred Savard est dans une forme resplendissante. Attablé devant un café, il m’a parlé du projet qui l’anime en ce moment : une émission de radio qu’il offrira à compter de demain sous forme de balado. Il est aussi revenu sur « l’après-Soirée » et sur l’équilibre qu’il vise dans sa vie.

Moins d’un an après avoir quitté l’équipe de l’émission de radio La soirée est (encore) jeune, Fred Savard continue sa transformation extrême. Aux autres projets qui l’occupent depuis quelques mois, il ajoute celui d’une émission de réflexions et de débats suscités par l’actualité. Chaque semaine, l’ex-Zapartiste réunira autour de lui des gens qui aborderont, chacun à leur façon, divers sujets.

« J’ai quitté La soirée est (encore) jeune avec le sentiment d’avoir fait le tour de la formule chronique. J’avais envie d’animer une émission et que celle-ci soit facile à faire. À Radio-Canada, comme je touchais à l’actualité, on me trouvait edgy. Je n’ai pas senti de réponse de leur part. C’est là que j’ai eu l’idée d’un balado. »

Campagne réussie

Pour parvenir à cet objectif, Fred Savard a lancé une campagne de sociofinancement qui a obtenu un vif succès. L’homme reconnaît que l’approche du sociofinancement le séduit. « Quand tu te rends compte que tu consultes plein de sites d’informations et que cette information n’est pas gratuite, ça change ta perception. J’ai donc commencé à donner à certains médias. »

Plus de 350 personnes ont fait un don au projet de balado de Fred Savard. Une somme de 30 000 $ a été atteinte en quelques semaines. Cet argent servira à payer les coûts liés à la recherche et à l’enregistrement de l’émission (par Transistor), qui aura lieu tous les jeudis à Ma Brasserie. Le balado sera ensuite offert au public le vendredi.

Pour cette émission, Fred Savard a réuni autour de lui Hélène Faradji, Godefroy Laurendeau, Manal Drissi, Simon Jodoin, Guy A. St-Cyr, Barbara Judith-Caron et Geneviève Garon. L’animateur ne veut pas tomber dans ce qu’il appelle « la tyrannie du rire » dans cette émission qui durera environ 60 minutes. « J’ai envie qu’on parle de l’actualité intelligemment. Et qu’on y aille de façon macro. »

Au pays de la nuance

Lorsqu’il faisait partie du quatuor de La soirée est (encore) jeune, Fred Savard était reconnu pour être le cynique et le baveux du groupe. Un rôle qu’il n’a plus tellement envie d’endosser aujourd’hui. « J’étais devenu prisonnier d’un personnage, dit-il. Parfois je disais des choses (non pas que je ne les pensais pas) qui sortaient exagérément cyniques. »

Ce n’est un secret pour personne : Fred Savard a des idées sociales et politiques nettement plus à gauche. Mais, pour ce balado, il ne veut pas qu’on tienne les choses pour acquises. 

« Je ne veux pas que ça soit gau-gauche à cinq cennes. » 

— Fred Savard, au sujet de son balado 

« Je n’ai pas encore trouvé, pour le moment, la personne de droite que j’aimerais avoir, poursuit-il. Je pense que c’est moi qui vais jouer ce rôle-là. Durant les discussions, il va y avoir un élément sonore qui va commander un switch. On va s’amuser avec ça. »

Fred Savard au pays de la nuance ? Toute une transformation pour celui qui, en quelques mois, a cessé de boire, éliminé la viande de son alimentation et découvert les bienfaits de la méditation. « Je pense qu’on est rendu plus loin que le clivage gauche-droite, reprend-il. Moi, qui suis de gauche, je me reconnais de moins en moins dans la gauche identitaire. Je ne suis pas en train de dire que je suis maintenant plus à droite, mais je crois que cette dichotomie-là existe de moins en moins. Plus on va avancer, moins on va avoir à choisir. La ligne est floue. Des fois, j’écoute le discours d’une certaine gauche et je les trouve plus crinqués qu’à droite, plus réactionnaires qu’à droite. »

Je cite l’exemple de Normand Baillargeon, qui a récemment osé faire une mise en garde contre la censure qu’exerce la gauche. « Je sais, c’est fou ! lance Fred Savard. Qu’est-ce qui s’est passé pour qu’un gars de gauche se fasse traiter de facho par certains ? C’est parce qu’il n’est pas assez identitaire ? »

« Je pense que Richard Martineau a raison. Il est encore à gauche, mais la gauche a bougé. Il exagère, mais bon… », dit-il en riant. Sur ces paroles, j’avoue que j’ai dû prendre quelques gorgées de cappuccino avant de reprendre la discussion.

Ce genre de sujet épineux, c’est en plein ce que veut aborder Fred Savard dans son émission. En les « lubrifiant » et en les rendant « digestes ». Le seul souhait qu’il émet est que le public soit le plus varié possible. « Des jeunes du secondaire m’ont déjà dit qu’ils ont commencé à s’intéresser à la politique grâce à moi. C’est la plus belle chose qu’on peut me dire. Je ne vise pas que les jeunes. Mais j’espère que ceux qui sont curieux du “vivre ensemble” seront à l’écoute. »

Une séparation difficile

Fred Savard n’hésite pas à revenir sur la difficile séparation vécue avec ses trois camarades de La soirée est (encore) jeune. Ni amer ni nostalgique, il regarde les choses avec détachement. « J’avais moins de fun. C’est très prenant la chronique. Jean-Philippe [Wauthier] a des recherchistes, et c’est un workaholic. Moi, je ne suis pas comme ça. Ça a été une décision difficile à prendre, car je savais que je quittais une tribune extraordinaire. »

Si le quatuor qu’il a formé avec Jean-Philippe Wauthier, Jean-Sébastien Girard et Olivier Niquet a toujours semblé faire le crawl dans l’euphorie et le rire, Fred Savard avoue que les derniers mois ont été très difficiles pour lui.

« Je me dirigeais vers un burn-out. Je me levais le jeudi matin, je pensais à l’émission du samedi et j’avais comme une boule… J’étais rendu au bout. »

— Fred Savard

Nombreux sont les auditeurs qui s’ennuient de la présence du trouble-fête qu’était Fred Savard à La soirée. « On m’en parle presque tous les jours », affirme-t-il. Quand je lui dis que ses ex-camarades l’évoquent souvent sous le couvert de l’humour à l’émission, il répond tout simplement : « Il paraît en effet… Je n’écoute pas vraiment l’émission. Les rares fois où je l’ai écoutée, il y avait des blagues sur Olivier qui ne parle pas et sur Jean-Philippe qui est partout… Je suis tombé sur une story de Rebecca Makonnen où on voit Olivier chanter une chanson de Passe-Partout. J’ai trouvé ça cute. Mais écouter les quatre heures de l’émission, non. J’ai autre chose à faire le week-end. »

Il reconnaît que son départ n’a pas été facile à vivre. « C’est comme une rupture. Il y a toujours une période où l’on se parle moins. Je ne sais pas si ça va revenir. Je pense, cela dit, que le fait que je sois parti leur a permis de se renouveler. On m’a dit qu’au début ce n’était pas facile. Mais bon, personne n’est irremplaçable. Je suis sûr qu’ils ont réussi à revoir le concept. »

Quand il a décidé de quitter La soirée est (encore) jeune, Fred Savard n’avait rien devant lui. Il s’est complètement lancé dans le vide. « J’étais même prêt à quitter entièrement ce milieu si le téléphone ne sonnait pas », avoue-t-il. Mais, quelques jours après l’annonce publique de son départ, Marc Labrèche lui a proposé de se joindre à l’équipe de Cette année-là (Télé-Québec). Puis, il y a eu l’invitation de Jean-Charles Lajoie de TVA Sports.

Fred Savard est visiblement un homme nouveau. Il a envie de foncer sans trop regarder en arrière. Il a soif d’idées et de projets. « Bon, je vais tomber dans le cucul un peu, mais tout cela est venu grâce à la méditation et au fait que j’ai cessé de boire. Ça a changé mon regard sur ma vie. Et sur le travail. »

On pourra juger de ce nouveau « regard » à compter de demain grâce à ce balado, qui promet d’être bouillonnant.

Pour télécharger le balado de Fred Savard, consulter Google Play ou iTunes.

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