Éducation

Chères sorties

Lors des journées pédagogiques, l’école du Bois-Joli propose cette année 12 sorties, facturées de 30 $ à 37 $ chacune aux parents. Pour un total salé de… 385,30 $ par enfant. L’école du Bois-Joli n’est pourtant pas une institution privée d’un quartier huppé. C’est une école primaire publique de Sainte-Anne-des-Plaines.

« Pour l’instant, notre fille fait la plupart des sorties, dit Claude Dubé, père de Mellianne, 6 ans, élève au Bois-Joli. Mais quand son frère ira aussi à l’école, on en laissera tomber quelques-unes. »

M. Dubé n’est pas le seul à constater que les activités offertes lors des nombreuses journées pédagogiques – on en compte 20 par an, dans la plupart des commissions scolaires – ne sont pas données. À l’école Saint-Étienne, dans le quartier Rosemont à Montréal, des sorties de glissade à 38,25 $, d’escalade à 33,80 $, à la cabane à sucre à 28,40 $ et en croisière à 37 $ sont prévues d’ici juin. « Certaines sorties sont bien, mais je trouve que c’est cher », observe Emmanuelle Burguière, dont la fille de 8 ans fréquente l’école Saint-Étienne.

« PAS LES MOYENS DE PAYER »

« Il y a des écoles où des sorties très dispendieuses sont organisées à chaque journée pédagogique, constate Mélanie Robinson, commissaire-parent au primaire à la Commission scolaire de Montréal (CSDM). C’est sûr qu’il y a des secteurs de la ville qui sont favorisés, mais il reste que dans chaque école, il y a des poches de pauvreté. Il y a des familles qui n’ont pas les moyens de payer ces sorties. »

« À une époque, tout était abordable, et tout le monde allait aux sorties, se souvient Éric Pronovost, président de la Fédération du personnel de soutien scolaire, qui représente les éducateurs en service de garde. Maintenant, tout a augmenté. Le transport scolaire ne coûte plus ce qu’il coûtait il y a cinq ans. On n’a rien pour rien, aujourd’hui. On est un peu pris dans ce rouleau-là. »

FACTURER LE COÛT RÉEL

Mais est-ce légal de demander plus que les 7,30 $ par jour – 8,00 $ par jour à compter du 1er avril – que les parents déboursent habituellement pour le service de garde ? Oui, répond le ministère de l’Éducation (MELS).

« Les activités spéciales durant les journées pédagogiques, telles que les sorties éducatives et récréatives, peuvent nécessiter une contribution supplémentaire, précise le MELS sur son site internet. Toutefois, dans tous les cas, cette contribution doit être raisonnable, compte tenu des coûts réels des activités. » Reste à savoir ce que veut dire « raisonnable »…

Qui sélectionne les activités proposées ? « Le choix des sorties et leur coût sont décidés par le service de garde, en fonction du coût réel de l’activité, répond Josée Plante, directrice générale de l’Association des services de garde en milieu scolaire du Québec. Ils doivent être approuvés par le conseil d’établissement. » Le conseil d’établissement – qui compte des parents – a donc son mot à dire. « On a le droit de refuser une sortie parce que trop chère, souligne Mme Robinson. Mais je ne crois pas que beaucoup de conseils le font. »

RESTER À L’ÉCOLE POUR 7,30 $

Une solution de rechange imparfaite existe. De plus en plus d’écoles offrent la possibilité aux parents de laisser leurs enfants sur place pour 7,30 $ par jour, au lieu de les envoyer en sortie. « Cela tient compte de la capacité de payer du parent », fait valoir Mme Plante.

Résultat : dans la même école, les enfants qui paient le gros tarif vont faire de l’équitation ou du trampoline, tandis que les autres se contentent de regarder les autobus jaunes partir. Le ministère de l’Éducation ne prévoit pas d’aide financière pour les familles qui ne peuvent pas payer plus de 7,30 $ par jour. « Certaines écoles ont la chance d’avoir des fondations, qui font des dons pour diminuer les coûts des activités », précise toutefois Marie-José Mastromonaco, commissaire à la CSDM.

À DEUX VITESSES… DANS L’ÉCOLE

« En milieu défavorisé, une école peut décider de faire venir plus d’activités à l’école même, pour ne pas avoir à payer les coûts pour les autobus », suggère Catherine Giroux, conseillère en communications à la Commission scolaire Marie-Victorin (CSMV). Le problème reste entier : seuls les enfants dont les parents paient le supplément vont, par exemple, voir les animaux d’Éducazoo au gymnase de l’école, laissant les autres à leurs bricolages.

« C’est sûr que quand tu divises les enfants, que des enfants se sentent étiquetés, ça crée une ambiance qui n’est pas idéale, reconnaît Corinne Payne, présidente par intérim de la Fédération des comités de parents du Québec. Il faut adapter les sorties à son milieu. »

L’école des enfants de Mme Payne, à Saint-Eustache, a déjà proposé trois sorties à 30 $ chacune, trois semaines d’affilée.

« On a mis une balise : dans le futur, s’il y a des journées pédagogiques collées, on peut faire une plus grosse sortie, mais les autres doivent être plus accessibles », indique-t-elle.

« On est au courant que des familles ont des difficultés financières, souligne M. Pronovost. Notre Fédération représente des gens qui gagnent en moyenne 28 000 $ par an. » Envoient-ils leurs enfants en sortie ? « Nos employés font leurs choix, répond-il. Moi, j’ai deux enfants, ils vont en sortie, et effectivement, ça me coûte les yeux de la tête. Mais ils font de très belles sorties, que les parents n’ont pas toujours le temps de faire avec eux. »

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