Essais

René Lévesque, le chroniqueur

Au début des années 70, alors que le Québec traverse une période mouvementée, René Lévesque a 48 ans et tient une chronique dans laquelle il commente l’actualité. Système de santé, crise d’Octobre, système électoral, mouvement syndical… L’ancien journaliste devenu politicien explique, analyse, prend position. On retrouve l’intégralité de ses textes dans le deuxième tome de ses Chroniques politiques. Entrevue avec l’historien Éric Bédard, directeur de l’ouvrage avec son collègue Xavier Gélinas.

Pourquoi publier les chroniques de René Lévesque aujourd’hui ?

René Lévesque est constamment invoqué comme une référence politique et morale. Mais avant de l’invoquer, il faudrait le connaître. Il y a eu des biographies, dont celle de Pierre Godin, mais le découvrir dans le texte, c’est encore mieux. René Lévesque a énormément écrit. Il a tenu une chronique hebdomadaire dans Le Clairon de Saint-Hyacinthe, puis dans Dimanche-Matin. Ensuite, Pierre Péladeau lui a offert une chronique quotidienne dans Le Journal de Montréal. Jamais un premier ministre n’a autant écrit avant de prendre le pouvoir. C’est une source incroyable.

Vous avez choisi de tout publier. Pourquoi ?

Québec Amérique avait publié un recueil des chroniques de René Lévesque en 1988, mais c’était une sélection aléatoire, un survol. Nous avons choisi de tout publier. Dans les chroniques hebdomadaires, le style est plus travaillé. Quand il écrit tous les jours, c’est plus nerveux, il écrit à chaud. Il écrivait six jours par semaine, ce qui nous a surpris. C’est beaucoup. Il n’avait pas toujours le temps de réfléchir.

Quel genre de commentateur était René Lévesque ?

Il avait un style percutant, du souffle, une voix particulière. Son style se fait encore plus vif dans les années 70. Il avait aussi une grande liberté de ton. Cela causait parfois des problèmes, car il vivait surtout à Montréal, et son aile parlementaire, qui se trouvait à Québec, découvrait ses propos le matin, dans le journal.

Ce qui est frappant, c’est que même s’il est politicien, il n’est pas purement partisan. Ce n’est pas juste la cassette ou la langue de bois. Il est pédagogue, il propose des analyses, des mises en contexte. Le journaliste n’est jamais loin.

Y a-t-il des chroniques qui vous ont particulièrement marqué ?

Il y en a vraiment beaucoup, mais soulignons les chroniques sur la crise d’Octobre, qui sont très virulentes. Il joue gros. D’une part, il dénonce la ligne dure des pouvoirs en place, mais de l’autre, il dénonce la violence. Il marche sur une fine glace. Les chroniques sur la santé sont également intéressantes. En 1970, il y a une grève des médecins spécialistes. C’est l’instauration du paiement à l’acte, un système que Lévesque trouve scandaleux. Ce sont des écrits qui sont encore d’actualité.

Dans le contexte actuel, où le Parti québécois (PQ) traverse une période difficile, en quoi ces textes peuvent-ils être éclairants ?

On sort d’une période où Jean-François Lisée a tenté une alliance avec Québec solidaire. Or, si on recule dans le temps, les années 70 sont marquées par des frictions entre le PQ et la gauche, qu’on retrouvait surtout autour du journal Québec-Presse et qui ne se gênait pas pour critiquer le Parti québécois.

Au moment de la grève de La Presse, ça brasse beaucoup et Louis Laberge est tabassé dans une manifestation. Lévesque ne veut pas que ses membres participent, mais un député péquiste, Robert Burns, issu de la CSN, fera à sa tête et cela causera des frictions. Déjà dans ces années-là, on voit que le PQ ne veut pas être un parti strictement idéologique, il y a un malaise. Toutes ces tensions avec la gauche – qui auront perduré tout au long de l’histoire du parti – sont objet de préoccupation et de réflexion pour René Lévesque.

Est-ce que les chroniques nous aident à mieux comprendre le politicien qu’il est devenu par la suite ?

Durant cette période, il s’intéressait beaucoup aux PME, à la qualité de l’information (on retrouve plusieurs textes sur le sujet dans le premier tome). Il écrit aussi beaucoup sur la régénération de la vie politique. Il sentait que la jeunesse et la classe moyenne souhaitaient des changements. Il tenait un discours très dur en faveur de l’assainissement des mœurs politiques, car il était inquiet que les jeunes soient tentés par une utopie ou un idéal révolutionnaire. Lévesque était opposé à toute violence. Bref, on retrouve dans ses écrits plusieurs thèmes de son premier mandat.

Pourquoi relire les chroniques de René Lévesque aujourd’hui ?

Quand on s’intéresse à l’histoire, on peut lire des ouvrages de synthèse ou on peut faire un plongeon en profondeur, creuser une période, un moment. Bien sûr, cela demande une certaine patience. Les années 70 ont été une époque chargée et c’est passionnant de revivre une époque par son actualité.

Chroniques politiques, tome 2 – 1970-1971

René Lévesque, sous la direction d’Éric Bédard et de Xavier Gélinas

Hurtubise

1132 pages

Essais

Nos amis les animaux

Lettre ouverte aux animaux (et à ceux qui les aiment)
Frédéric Lenoir
Fayard
209 pages

Au Québec, où les animaux ne sont plus considérés comme des biens meubles depuis 2015, une femme vient d’être accusée de cruauté envers son chien pour l’avoir laissé suffoquer dans sa voiture. Un peu partout sur la planète, on s’interroge sur notre rapport aux animaux. C’est dans ce contexte que le prolifique philosophe Frédéric Lenoir publie un plaidoyer en faveur d’une collaboration respectueuse entre les deux races, animale et humaine. Soulignant nos contradictions — nous adorons notre chien, mais acceptons qu’un agneau soit tué pour s’en régaler —, Lenoir milite pour qu’on reconnaisse le rôle des bêtes dans la société. Pensons seulement à toutes les chouettes expériences de zoothérapie menées dans les écoles et auprès des personnes âgées. Il propose aussi la création d’un secrétariat d’État à la condition animale. Pas bête !

Essais

Montréal vintage

Promenade dans le passé de Montréal
Plus de 275 photos tirées des archives de La Presse
Dinu Bumbaru et Laurent Turcot
Éditions La Presse
309 pages

En vacances, les jours de pluie sont souvent consacrés à la lecture. Or, ce livre est une belle invitation à oublier la météo pour se plonger durant des heures dans les archives photographiques de La Presse, mises en valeur par un grand défenseur du patrimoine, Dinu Bumbaru, et Laurent Turcot. Les deux historiens ont sélectionné près de 300 photographies qui racontent Montréal sous plusieurs angles. Le quotidien, le divertissement, la construction… chaque thème est abondamment illustré et devrait satisfaire n’importe quel amateur d’histoire. Les photos sont parfois amusantes (la démonstration des pompiers au parc La Fontaine durant la guerre), parfois nostalgiques (le Jardin des merveilles au même parc), ou carrément spectaculaires (le chantier du métro au parc Viger). Captivant d’une couverture à l’autre, ce livre est une belle façon de souligner le 375e anniversaire de notre métropole.

Essais

Des plumes marginales

Sentinelles – 25 ans d’écriture à L’Itinéraire
L’Itinéraire
209 pages

L’Itinéraire a 25 ans et ses camelots font tellement partie du paysage montréalais qu’on oublie à quel point leur arrivée, il y a un quart de siècle, a été une petite révolution dans la vie de la métropole. Au fil des ans, plusieurs de ces camelots ont courageusement pris la plume afin de se raconter. Ce recueil comporte 100 textes qui nous font découvrir un large éventail des talents de ces camelots-journalistes. Durs, touchants, à fleur de peau, crus, réalistes, optimistes, leurs textes sont tout ça. Ces auteurs viennent de loin, ils ont un bagage incroyable et ont trouvé « les mots pour le dire », pour reprendre les mots de Marie Cardinal. On peut sans se tromper parler d’écriture thérapeutique. La moindre des choses qu’on puisse faire, c’est de prendre le temps de les lire.

Le livre est en vente au coût de 25 $ dans les librairies partenaires : L’Euguélionne, Zone libre, Librairie du Square, Olivieri, Le Port de tête, La Flèche rouge, COOP UQAM.

Essais

L’économie pour les nuls

Économix
Michael Goodwin et Dan E. Burr
Les Arènes
344 pages

Si, comme plusieurs, l’économie vous rebute, mais que vous aspirez tout de même à comprendre ses fondements et ses soubresauts, cette bande dessinée est peut-être pour vous. Publiée une première fois en 2013 (et 2012 en version originale anglaise), il s’agit de la réédition revue et augmentée d’un ouvrage qui explique clairement et avec intelligence l’histoire de l’économie des derniers siècles. Industrialisation, naissance du capitalisme, mouvements sociaux, Keynes, Malthus, Greenspan… les auteurs ont trouvé une façon plus digeste de présenter une somme d’information qui peut paraître intimidante à première vue. Un livre à mettre dans les mains de n’importe quel néophyte qui souhaite se familiariser – en douceur – avec le sujet.

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