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UNIVERSITÉS La chanson des mal-aimées

Je regardais dernièrement une entrevue télévisée avec la ministre de l’Enseignement supérieur. Sur l’écran, on pouvait lire : « Les universités, ces mal-aimées ? » De ce sous-titre, je retiens surtout le point d’interrogation.

Mal-aimées ? Vraiment ? Comment un réseau universitaire qui est, du moins en partie, responsable d’instruire ceux et celles qui enseigneront à nos élèves du primaire et du secondaire, nourriront les amateurs de musique, soigneront des patients dans les hôpitaux, dessineront les plans de nos ponts ou écriront nos lois peut-il être mal-aimé ? 

Comment un établissement comme l’Université de Montréal, qui est fréquenté chaque jour par près de 70 000 étudiants et étudiantes, peut-il être mal-aimé ?

Et pourtant oui, nos universités sont mal-aimées. Pas parce qu’on trouve périodiquement à redire sur le salaire des dirigeants (parmi les plus bas du pays), sur les sabbatiques des professeurs (qui n’ont rien d’un congé), sur les droits payés par les étudiants (il en coûte moins cher pour étudier au Québec que presque partout ailleurs en Amérique), sur la marchandisation du savoir (toutes les universités du Canada, à une seule exception près, sont publiques), sur la bureaucratie, et j’en passe.

Non, pas à cause de ces clichés qu’on retrouve dans l’opinion publique de la plupart des sociétés. Mais parce que, au Québec plus qu’ailleurs, on tend à réduire nos universités à ces seuls clichés, qu’on utilise ensuite pour se dédouaner de ne pas soutenir convenablement nos établissements.

De mal-aimées à sous-financées

Chaque automne, le magazine Maclean’s publie un numéro spécial sur les universités. Chaque année, il donne la dépense par étudiant dans chaque établissement du Canada. Et chaque année, c’est la même histoire : les universités québécoises figurent, sans exception ou presque, au bas de la liste.

Dans son numéro de l’an dernier, Maclean’s nous apprenait que l’Université de Montréal dépensait 9582 $ par étudiant ; l’Université de Toronto, 13 817 $ ; et l’Université de la Saskatchewan, 17 243 $. Et je peux tout de suite vous dire que ce sera la même situation que décrira le prochain numéro cet automne. Même en tenant compte du coût de la vie, qui est souvent plus élevé ailleurs au pays, et de l’aide financière aux études, qui est à la charge des établissements dans les autres provinces, l’écart demeure considérable.

Cette année, le gouvernement du Québec réinjecte 128 millions dans le réseau universitaire.

En dépit de ce réinvestissement, que nous avons salué, le financement public par étudiant est à peine plus élevé qu’en 2012, voire qu’en 1997, comme nous l’apprenait dernièrement un reportage de Radio-Canada. Pendant ce temps, les universités canadiennes ont poursuivi leur croissance.

On peut se doter d’un modèle de financement qui soit propre au Québec – c’est le cas. Mais je rappelle que nos programmes d’études sont soumis aux mêmes exigences d’agrément ou de qualité qu’ailleurs au Canada et que les étudiants québécois ont les mêmes attentes que leurs camarades des autres provinces en ce qui touche à la qualité de leur expérience d’études sur les campus qu’ils fréquentent.

La seule solution que nous avons trouvée récemment pour financer nos universités, c’est d’augmenter les droits de scolarité des étudiants étrangers. Québec, en effet, a décidé de libéraliser progressivement les droits de scolarité des étudiants qui nous viennent d’ailleurs, sauf pour les étudiants d’origine française et belge, qui continueront de payer des tarifs préférentiels.

C’est une mauvaise solution à un vrai problème.

S’en remettre aux étudiants étrangers pour financer nos universités, c’est attirer des jeunes sur nos campus pour des motifs plus économiques que proprement universitaires. C’est un aveu d’échec.

D’ailleurs, dans les autres provinces, certains commencent à s’inquiéter de la trop grande dépendance des établissements universitaires aux revenus engendrés par de forts contingents d’étudiants venus d’ailleurs. Nous devrions entendre leurs préoccupations.

Tous les enjeux soulevés dans le cadre de la présente campagne électorale peuvent trouver une solution dans nos universités : francisation des immigrants, qualité du système de santé, soutien à la réussite des élèves du primaire et du secondaire, développement de technologies vertes, etc.

On a beaucoup dit ces derniers jours qu’on ne parle pas suffisamment des universités en cette période électorale. Je ne suis pas tout à fait d’accord : nous en parlons. Ce qui manque au Québec, ce n’est pas de parler d’éducation, c’est d’agir pour notre système éducatif et d’accorder nos actes à nos paroles.

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