Vaccin contre le VPH

La santé publique s’inquiète de l’effet des critiques

Le directeur national de santé publique du Québec, le Dr Horacio Arruda, est inquiet des prises de position de certains chercheurs, qui ont remis en question cette semaine l’efficacité et l’innocuité du vaccin contre le virus du papillome humain (VPH).

« Ces critiques ne tiennent pas compte du consensus scientifique sur ce vaccin. Ça peut créer des craintes chez les parents. Mon rôle est de bien informer la population. Et des informations comme celles-là, ça m’inquiète », a dit le Dr Arruda à La Presse.

Selon lui, les critiques entendues cette semaine « s’apparentent à ce que l’on a vu dans le cas du vaccin contre la rougeole » que certains ont injustement associé à l’autisme.

Lundi, les chercheuses Geneviève Rail, Luisa Molino et Abby Lippman ont publié une lettre dans Le Devoir demandant un moratoire sur le vaccin contre le VPH, administré depuis 2008 aux Québécoises de 9 à 17 ans.

Les chercheuses mentionnent notamment que « des effets secondaires graves semblent être présents pour un pourcentage non négligeable de jeunes filles vaccinées », dont la mort. Selon elles, il n’existe pas d’étude longitudinale fiable sur l’innocuité du vaccin. « Plusieurs études ont été financées par les compagnies qui commercialisent les vaccins. Il faut un moratoire pour étudier la fiabilité, l’innocuité et la nécessité de ce vaccin-là », explique Mme Rail.

Ces affirmations font frémir la communauté scientifique.

« C’est toujours les mêmes balivernes qui reviennent, et ça manque de sérieux. »

— Marc Steben, président du conseil d’administration du Réseau canadien de prévention du VPH 

Le Dr Steben mentionne que plus de 200 millions de doses de vaccin contre le VPH ont été administrées jusqu’à maintenant dans le monde. « Les effets dramatiques dont elles parlent, on ne les voit pas », dit-il.

Médecin-conseil à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), la Dre Chantal Sauvageau assure que plus d’une vingtaine d’études ont prouvé l’innocuité du vaccin. « Et pas toutes financées par les compagnies pharmaceutiques. Il y en a, des recherches indépendantes », assure-t-elle.

Dans une réplique publiée hier dans Le Devoir, un groupe de plus de 60 scientifiques estiment que Mme Rail et ses acolytes « confondent la coïncidence avec la causalité » en parlant de décès. « En effet, après la vaccination contre le VPH, certaines personnes pourraient avoir gagné à la loterie. Est-ce dire que le vaccin a causé ces heureux gains ? Certes pas ! », écrivent-ils.

AILLEURS DANS LE MONDE

Mme Rail mentionne que certains pays ont cessé de recommander le vaccin contre le VPH à cause des doutes sur ses effets secondaires. « D’autres ont mis sur pieds des cliniques pour traiter les jeunes qui ont été blessés par le vaccin. Comme le Danemark, où 1200 filles ont été enregistrées », note-t-elle.

La Dre Sauvageau réplique que le seul pays qui a suspendu sa recommandation systématique du vaccin VPH est le Japon, en 2014 : « Depuis, des recherches ont été menées pour étudier les effets secondaires rapportés et on a prouvé qu’ils n’étaient pas causés par le vaccin. Mais le Japon n’a pas changé d’idée. Ça laisse la communauté scientifique perplexe. »

Le Danemark a quant à lui mis sur pied cinq centres pour colliger les cas de filles disant avoir eu des effets secondaires liés au vaccin. « De chercher ces cas, ça peut juste permettre d’améliorer la sécurité du vaccin. Mais ça ne veut pas dire qu’il y a un réel problème », dit-elle.

UNE FAUSSE PRIORITÉ

Mme Rail et ses cosignataires plaident que le vaccin contre le VPH est destiné à une problématique qui n’est pas une priorité de santé publique. « Une personne et demie sur 100 000 décède du cancer du col de l’utérus chaque année, note-t-elle. Et 90 % du temps, les VPH disparaissent d’eux-mêmes. On prend un risque sur la santé des jeunes filles sous prétexte de diminuer un cancer qui entraîne le décès de très peu de gens. »

Le Dr Steben affirme qu’au Québec, la majorité des coûts liés au VPH sont causés par les condylomes, les cancers du col, de la vulve, des nodules aux cordes vocales, les lésions… Chaque année, 53 000 Québécoises reçoivent aussi un résultat anormal de test du dépistage du cancer du col de l’utérus et plusieurs doivent se faire traiter, ce qui n’est pas sans conséquence.

300

Nombre de nouveaux cas de cancer du col de l’utérus chaque année au Québec

75

Nombre de décès

Mme Rail soutient qu’il n’a jamais été prouvé que le vaccin contre le VPH prévient le cancer. Un fait reconnu par les scientifiques. « Mais peut-on attendre 30 ans que des cancers se développent pour prouver l’efficacité du vaccin ? demande la Dre Sauvageau. Quelle femme voudrait participer à cette étude ? On a déjà noté une baisse drastique de la circulation des VPH avec le vaccin. »

Pour le Dr Steben, la position exposée par Mme Rail et ses collègues est irresponsable. « D’autant plus qu’aucune étude sérieuse ne vient confirmer leurs dires », dit-il.

Mme Rail reconnaît que l’étude qu’elle mène actuellement auprès de filles vaccinées et de leur famille n’est pas encore terminée. « Mais ce qu’on a trouvé est suffisamment problématique à notre sens pour qu’on aille de l’avant tout de suite avec notre critique, dit-elle. À part les compagnies pharmaceutiques, personne ne peut être contre une étude indépendante et un moratoire. »

Le Dr Arruda refuse d’envisager un tel moratoire. « Ça priverait 40 000 jeunes filles d’une protection efficace. On ne peut pas faire ça », dit-il.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.