Mannequins sportifs

« Ça bouge et dans une bonne direction »

Présidente et fondatrice de Specs – la première agence de mannequins à avoir signé la Charte québécoise pour une image corporelle saine et diversifiée –, Marie Josée Trempe a 35 ans d’expérience dans la mode. La Presse l’a jointe pour une discussion musclée.

Que pensez-vous de l’emploi d’athlètes dans le magazine promotionnel Fusion, de Sports Experts ?

À court terme, je trouve ça plate parce qu’ils m’appellent moins souvent ! (Rires) Dans le fond, comme agent qui a toujours fait la promotion de la diversité corporelle et de la santé, je me dis : « C’est le fun ». On n’est pas obligés de représenter des gens qui ont l’air malades au nom de la beauté. Un beau corps, pour moi, c’est un corps en santé. Et quand on fait du sport, on développe du muscle.

Est-ce que les standards de beauté ont changé au point qu’on considère comme jolie une cuisse de femme musclée ?

Pour moi, il n’y a pas juste un modèle de corps de femme. Je me suis battue pour ça. Un corps tonifié, plus sportif, je trouve ça intéressant. Si Sports Experts met de l’avant des corps musclés, c’est parce qu’ils sentent que les consommateurs sont prêts.

Sports Experts est un de nos clients depuis 20 ans, et ils nous ont toujours demandé des mannequins qui pratiquaient vraiment des sports, qui étaient en santé. Les grandes mannequins filiformes qu’on envoie à l’international, ce ne sont pas celles qu’ils emploient. C’est pareil pour un autre client, qui fait des publicités de fitness à la télé. Il me dit : « Quand tu m’envoies des filles, n’envoie pas des petites maigres, envoie-moi des filles qui ont du body. » Alors je pense que ça change. Parfois à pas de tortue, mais ça change.

Même quand on envoie des filles à l’étranger, il faut qu’elles soient en forme. J’ai recruté dernièrement une jeune fille de 17 ans, qui mesure cinq pieds 10 pouces et demi (1,79 m). Sa maman est très grande et élancée, son papa aussi. Elle n’est pas musclée comme les filles dans Fusion, mais elle est quand même en forme, elle fait de la danse, du yoga, un petit peu de course.

Représentez-vous des mannequins aussi musclées que des athlètes ?

Non. Le problème, c’est que si j’ai juste un ou deux clients pour ce genre de profil, je ne peux pas faire vivre la fille. À New York, j’ai des filles qui se font dire : « Tes jambes sont trop musclées ». Moi, je les regarde et je me dis : « Ben voyons donc ! » Ces filles ne sont pas musclées, elles sont tonifiées. Mais ils veulent encore le côté maigrichonne. Il y a encore beaucoup, beaucoup de ça dans notre industrie. On travaille un peu à contre-courant. On a tellement vu un seul modèle de beauté, depuis 10-15 ans…

Croyez-vous que cela va évoluer ?

Ça change depuis deux, trois, quatre ou cinq ans. Beaucoup d’entreprises essaient de faire partie de la solution. Je trouve que le Fusion de Sports Experts envoie un message fort aux jeunes filles : « Tu peux faire du sport, du CrossFit, être musclée, et apparaître dans une brochure. »

Aujourd’hui, beaucoup de vedettes de la mode sont des blogueurs, qui n’ont pas nécessairement le même gabarit qu’un mannequin international. On voit aussi monter la grogne chez les femmes, les jeunes femmes. We’re fighting back.

Je suis peut-être une éternelle optimiste, mais ça fait 35 ans que je suis dans l’industrie de la mode, et je pense que les choses ont changé. On a encore du travail à faire, mais ça bouge et dans une bonne direction.

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