Fiscalité

Netflix, Google et Facebook pas inquiétés

Le ministre des Finances, Bill Morneau, insiste sur l’importance d’avoir un « régime fiscal équitable pour tous les Canadiens », mais son budget 2018 ne contient aucune mesure en vue de soumettre les géants étrangers du web, comme Facebook, Google et Netflix, aux mêmes obligations que leurs concurrents canadiens.

« Il n’y a rien de spécifique de prévu », a confirmé hier un haut fonctionnaire du ministère des Finances, en marge de la présentation du budget à Ottawa.

Google et Facebook – les deux acteurs dominants de l’industrie numérique – ont réalisé des recettes publicitaires d’environ 5,8 milliards l’an dernier au Canada. En vertu des lois actuelles, ils n’ont pas à percevoir un seul dollar en taxes de vente ni à payer d’impôts des sociétés à la hauteur de leurs revenus.

L’entreprise de télédiffusion américaine Netflix est pour sa part exemptée de percevoir des taxes de vente au pays, ce qui prive Ottawa et les provinces d’environ 100 millions en recettes fiscales chaque année. Les sociétés canadiennes de même nature, comme illico ou Tou.tv, sont tenues de facturer les taxes à leurs clients.

« À géométrie variable »

« Il n’y a rien de concret sur Netflix ou sur la question du commerce en ligne dans le budget, et je peux comprendre que les propriétaires de PME canadiens puissent à certains égards ressentir de l’injustice, a dénoncé Martine Hébert, vice-présidente principale de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI). On n’a pas la même notion d’équité fiscale. On dirait plutôt une équité à géométrie variable. »

Pour justifier son refus de taxer les géants étrangers du web, Bill Morneau répète depuis des mois ne pas vouloir augmenter le fardeau fiscal de la classe moyenne. Son attitude contraste avec les règles adoptées par de plus en plus de pays, qui cherchent plutôt à réglementer davantage l’industrie numérique. Singapour a notamment annoncé la semaine dernière une taxation des services comme Netflix.

Le ministre Morneau semble néanmoins ouvert à en apprendre un peu plus sur le sujet. Il a annoncé hier un investissement de 3 millions par année à partir de 2018-2019 pour permettre à Statistique Canada « de combler des lacunes » dans sa collecte de données sur les industries numériques. Cela pourrait lui permettre « d’élaborer des politiques fondées sur des éléments probants ».

25 milliards ?

Le budget 2018 met aussi en lumière les investissements réalisés dans l’Agence du revenu du Canada (ARC) pour lutter contre l’évasion et l’évitement fiscaux. Ottawa indique avoir établi que 25 milliards lui sont dus, mais est incapable de confirmer combien d’argent a été récupéré jusqu’à maintenant.

Le gouvernement investira 90,6 millions supplémentaires sur cinq ans pour traquer les stratagèmes d’évasion fiscale plus complexes, ce qui devrait se traduire par des centaines de nouvelles embauches à l’ARC. Quelque 42 millions seront injectés pendant la même période dans les tribunaux fédéraux, incluant la Cour canadienne de l’impôt, pour traiter le volume accru de dossiers fiscaux.

Ottawa s’engage enfin à réinvestir 206 millions sur cinq ans dans l’ARC pour améliorer sa prestation de services. L’agence souhaite notamment améliorer ses centres d’appels, qui ont fait l’objet de critiques acerbes du Vérificateur général du Canada en raison de leur rendement médiocre.

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