OPINION MAISON DE RADIO-CANADA

Suspendons la vente et le déménagement

Il faut mettre en place une administration qui sera à la hauteur et aura l’expertise pour assumer une telle fonction

La direction de Radio-Canada a qualifié son projet de déménagement de ses installations de « projet responsable ». Il n’en est rien…

De 2004 à 2009, sous l’autorité de l’administration de Radio-Canada, j’ai dirigé l’équipe qui a élaboré un plan directeur nommé « Le développement du site et la modernisation de la Maison de Radio-Canada », rendu public en novembre 2007. C’est de ce projet qu’a fait état François Cardinal dans La Presse+ de samedi dernier.

À titre de responsable du projet, j’ai piloté les rencontres d’analyses techniques du projet et participé à toutes les séances de consultation de l’Office publique de consultation de Montréal (OPCM). J’ai également pris part aux négociations d’ajustement du projet après les recommandations de l’OPCM, jusqu’à l’adoption du règlement modifiant le Plan d’urbanisme à l’été 2009.

Radio-Canada affirmait cette semaine qu’après huit années de réflexion, « toutes les options sont ouvertes ». Mais a-t-on clairement demandé aux organismes du quartier, avec lesquels Radio-Canada prétend être en constant dialogue, si l’option de quitter le site est pour eux une solution qu’ils appuieront, laissant 1,3 million de pieds carrés à l’abandon ?

M. Lacroix a-t-il contacté les professionnels de l’arrondissement pour vérifier si le zonage en vigueur sera toujours applicable si Radio-Canada n’occupe plus le site ? Est-ce que Radio-Canada a tout dit aux organismes du quartier ?

Selon mon expérience, la seule option logique, responsable et la plus économique est de demeurer sur le site, moderniser les installations et rendre disponibles les surplus d’espace à des organisations compatibles avec Radio-Canada ou encore offrir des services commerciaux de proximité tant pour Radio-Canada que pour les gens du quartier.

C’est ce que le plan directeur de 2009 permettait de faire avec vision. Comment ? En intégrant la grille de rues du quartier au site, en délimitant le lot Radio-Canada (au centre) par les rues Beaudry et Alexandre-deSève, séparant ainsi les lots est et ouest pour y construire un développement résidentiel fait par le privé. Des places publiques thématiques reliaient le basilaire supérieur de la Maison de Radio-Canada à ces deux extrémités comme les rues mentionnées précédemment y reliaient le basilaire intermédiaire. La même stratégie conceptuelle était judicieusement appliquée à l’entrée principale, boulevard René-Lévesque.

Il est faux de dire, comme l’affirme le communiqué de Radio-Canada, que le plan directeur de Daoust Lestage prévoyait 1,3 million de pieds carrés. En 2008, la superficie requise était plutôt de l’ordre de 900 000 pi2 et de la diminuer davantage facilitait la modernisation des espaces conservés et permettait d’en réduire les coûts. De toute évidence, l’administration Lacroix n’a pas compris ou n’a pas voulu comprendre toutes les subtilités et la flexibilité de la conception de ce projet. Elle a même refusé de parler de mise en œuvre et d’entendre les responsables du projet.

Cette administration n’a aucune expertise en développement immobilier, mais se permet de dire que la récession de 2008 a ralenti la demande et le financement dans le marché immobilier.

Pourtant, entre-temps, le quartier Griffintown est né. De nouvelles tours résidentielles au centre-ville ont poussé comme des champignons. Plus près, le CHUM deviendra le plus grand centre d’emplois à environ cinq minutes de marche des lots résidentiels d’un futur site de Radio-Canada. Ce développement aurait permis d’offrir à ces travailleurs un environnement résidentiel de qualité, abordable et muni de tous les services essentiels à la qualité de vie du XXIe siècle.

Derrière le discours de l’administration actuelle se cachent en réalité des coupes d’emplois et de services qui détruisent à petit feu cette grande institution. On évoque la désuétude des installations et la baisse des revenus. Mais n’est-ce pas le lot quotidien opérationnel de toute entreprise que d’affronter les changements technologiques ?

Radio-Canada est sans nul doute la plus importante institution en matière de culture et d’information au pays. Comment peut-on laisser quelques individus miner un tel héritage et mettre en branle des actions qui bafoueront tous les rêves des générations passées et futures ? Comment accepter que le projet de l’actuelle administration bouscule la vie d’une population qui souffrirait du départ irresponsable de Radio-Canada du quartier ?

Madame la ministre, nous vous avons bien entendue lorsque vous avez dit à la Chambre des communes que votre gouvernement compte réinvestir dans Radio-Canada. De grâce, il faut mettre rapidement en place une administration qui sera à la hauteur et aura l’expertise pour assumer une telle fonction. Il serait sage de suspendre immédiatement les procédures de vente et de déménagement si nous ne voulons pas trahir les résidants du quartier et la population en général.

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