Biocarburants
Quand l’écorce coule dans des moteurs
Collaboration spéciale
Alimentée directement en écorce par la scierie, l’unité de démonstration pourrait produire annuellement 9 millions de litres d’huile de pyrolyse et 800 tonnes de biocharbon. La première peut remplacer le mazout lourd dans les activités des cimenteries et dans les fours d’usines de pâtes et papiers. « Nos clients potentiels sont intéressés par les crédits de carbone qu’ils pourraient en tirer », explique Éric Bouchard, vice-président Opérations manufacturières et développement corporatif chez Gestion Rémabec. La firme se présente comme « le plus grand entrepreneur forestier privé et le deuxième scieur en importance au Québec ».
L’écorce est jusqu’à présent le résidu le moins valorisé à la scierie de Parent. « Cela nous coûte de l’argent pour l’enlever de notre site », souligne M. Bouchard, qui précise que dans le passé, des scieries enfouissaient l’écorce, faute de demande pour ce résidu. Et l’enlèvement peut coûter cher, compte tenu de l’éloignement de la scierie dans la forêt mauricienne, à plus de quatre heures de La Tuque. La quantité d’écorce est telle que quatre unités de production de biocarburant pourraient être alimentées en permanence chaque année. Et la manutention est facilitée, puisque la scierie utilise déjà des chargeuses sur roues.
L’étape de la démonstration doit permettre à Rémabec de vérifier la qualité du biocarburant produit. « Nous allons œuvrer pour affiner le plus possible notre produit, souligne Éric Bouchard. Nous verrons ensuite sous quelles formes proposer la production à des clients potentiels. » Dans l’unité de démonstration fournie par Pyrobiom Énergies, filiale de Rémabec située à Thetford Mines, l’écorce est transformée en poudre, elle-même chauffée pour produire un gaz. Celui-ci est refroidi et prend alors la forme d’une huile, de charbon et de gaz de synthèse, lui-même réutilisé pour sécher l’écorce.
La phase de démonstration doit durer jusqu’à la fin de l’année 2016. « Mais dès le mois de septembre, nous verrons si nous avons affaire à des problématiques majeures ou à de simples ajustements », explique Éric Bouchard. Un projet pilote réalisé chez Pyrobiom Énergies, avec la matière première venue de Parent, s’était conclu de manière satisfaisante, précise le dirigeant de Rémabec. Un enjeu important est le taux d’humidité contenu dans l’écorce et la capacité à pouvoir en tirer un biocarburant capable de se substituer aux produits pétroliers.
La phase de démonstration représente un investissement de 7,5 millions de dollars. Pyrobiom Énergies a bénéficié d’un soutien du gouvernement du Québec, par l’entremise du Fonds vert, à hauteur de 3 millions. Le projet crée une dizaine d’emplois à la scierie de Parent. Et le nombre d’embauches pourrait doubler si la démonstration est concluante et que d’autres unités étaient ajoutées. Actuellement, la scierie de Parent emploie une centaine de personnes dans ses installations, ainsi que 125 autres travailleurs en forêt. « Et si le projet fonctionne, il fera des petits ailleurs, sur d’autres sites », espère Éric Bouchard.