Le courrier de la sommelière

Redécouvrir les vins de Cahors

Pourquoi vous parlerais-je de vins de Cahors par temps de chaleur ? Ces vins, longtemps appelés vins noirs en raison de la couleur profonde du malbec, principal cépage de la région, sont plutôt corsés et tanniques. Mais lorsque la qualité la plus importante d’un vin est présente, c’est-à-dire l’équilibre, il est alors aussi digeste et trouvera toujours sa place à table, et ce, peu importe la saison.

Mais les vins de Cahors ne sont pas que des monstres de couleur et de puissance ! Les producteurs de la région, d’ailleurs, travaillent fort pour contrer les généralisations souvent associées à leurs produits.

On voit aujourd’hui beaucoup de vignerons français abandonner leurs appellations parce que celles-ci acceptent dans leurs rangs des vins de piètre qualité, auxquels ils ne veulent pas être associés. Ou encore d’autres vignerons, souvent parmi les meilleurs, qui se voient refuser l’appellation parce que leurs vins ne se conforment pas à un modèle type.

Mais je ne peux qu’admirer les vignerons qui se battent pour redorer le blason de leur appellation. J’étais à Cahors en janvier dernier et le dynamisme des vignerons, ainsi que leur volonté de travailler ensemble, m’a étonnée et charmée.

Depuis quelques années, ils ont fait un travail colossal d’analyse de leur terroir. La région est beaucoup plus variée qu’il n’y paraît ! À l’école, on nous apprend que les vins de Cahors sont issus du cépage malbec, qu’ils sont noirs comme de l’encre, corsés et très tanniques. Ça peut être vrai, mais c’est une généralisation.

La région offre une grande mosaïque de terroirs, produisant des vins aux profils bien différents.

Le Lot, rivière qui traverse la région d’est en ouest, est une succession de nombreux méandres très serrés. L’exposition des vignobles est donc très variée, tout comme leur inclinaison, leur proximité de la rivière et la composition de leurs sols.

Deux grandes zones de terroir ont été identifiées : la vallée et les causses. La vallée, où sont produits plus de 60 % des vins, est divisée en trois terrasses selon la nature des sols, composés de dépôts alluviaux d’âges différents. La première, la plus proche de la rivière, produit des vins souples et fruités. Plus on s’éloigne de la rivière et plus on s’approche des causses, plus les vins sont riches et charnus. Les coteaux et les plateaux calcaires qui forment les causses ont les sols les moins fertiles et donnent des vins fins et parfumés, empreints de minéralité et de fraîcheur.

« LA GUEULE DE L’ENDROIT »

Ce travail d’identification des terroirs est un grand pas dans la bonne direction. Pour donner à Cahors son identité propre et produire des vins uniques, à l’image du terroir. Il fut une époque où les vins de Cahors cherchaient à émuler les vins de Bordeaux. Une telle démarche est futile : ces vins ne sont pas des bordeaux, encore moins des malbecs argentins ! Il fait plaisir de voir toute une région s’unir pour défendre son identité, pour élaborer des vins qui ont « la gueule de l’endroit ».

Il ne faut pas croire qu’un tel travail est facile ni qu’il s’accomplit rapidement. Au début des années 2000, Alain-Dominique Perrin du Château Lagrezette avait proposé un projet de hiérarchisation qui fut refusé. C’est bien sûr toujours un sujet délicat : dans un tel projet, certains vignerons se sentiront laissés pour compte. Mais il faut voir plus loin que le bout de son nez et réaliser que de telles démarches profitent à toute l’appellation, qu’elles contribuent à sa notoriété et que tous les vins de la région en sortent gagnants.

La qualité générale des vins goûtés en janvier était surprenante : il n’y avait pas de mauvais vins.

En général, l’usage excessif de bois est chose du passé, tout comme les tanins durs ou les vins rustiques. Les vignerons ont mis tous leurs efforts à mieux comprendre le malbec et son cycle de maturation, tout comme ses terroirs. Et il en ressort une véritable notion d’identité du malbec cadurcien. Pas du bordeaux, pas du malbec argentin, du cahors. Avec sa palette aromatique complexe et intense, son fruit éclatant, sa fraîcheur naturelle doublée de minéralité et ses tanins, variables selon le style, mais en général mûrs et fins. Des vins charpentés et de longue garde, mais aussi des vins de soif, gourmands, à boire en jeunesse.

Il y a à Cahors une grande ouverture d’esprit, et une honnêteté dans le discours des producteurs qui fait plaisir à entendre. Différents styles s’y côtoient, du vin nature à l’ultra traditionnel, qui savent tous mettre de l’avant les particularités du cépage et des terroirs, et qui contribuent à la diversité et à la richesse de la région.

Il ne faut qu’espérer que les vignerons cadurciens continueront à travailler ensemble pour faire du cahors toujours meilleur et ainsi faire rayonner leur appellation.

Le courrier de la sommelière

CHÂTEAU EUGÉNIE CUVÉE TRADITION CAHORS 2013

Belle introduction aux vins de Cahors, cette cuvée Tradition offre un joli nez de fruits noirs avec quelques notes florales et animales. De corps moyen, avec des tanins souples et un caractère presque gouleyant (c’est peut-être la forte proportion de merlot, soit 20 %). Très bien fait et plutôt complexe à ce prix. Tout indiqué pour des grillades de viandes rouges, mais sera aussi tout à sa place sur un plateau de charcuteries.

17 $ (721282), 12,5 %

Le courrier de la sommelière

Cosse Maisonneuve Le Combal Cahors 2013

Une autre valeur sûre de l’appellation. Catherine Maisonneuve et Mathieu Cosse disent rechercher la verticalité dans leurs vins, c’est-à-dire des vins droits, précis, au fruit très pur, qui laissent le terroir s’exprimer. Pari réussi : toutes leurs cuvées sont d’une grande pureté. Encore plus marquant, les matières sont d’une classe à part : malgré la structure dense et ferme du malbec, leurs vins ont des textures veloutées, sans jamais tomber dans la lourdeur. Superbe cuvée Combal de nouveau en 2012 avec un charme fou : parfumée et savoureuse, avec des notes de fruits noirs, d’anis, de garrigue. Une bouche soyeuse, au fruité éclatant, rehaussée de fraîcheur minérale et de tanins enrobés. Gourmand et rassasiant, à boire maintenant ou garder encore six à huit ans.

21,50 $ (10675001) 13 %

Le courrier de la sommelière

Château du Cèdre Cahors 2012

Les deux frères Verhaeghe ont repris le domaine familial en 1987 et, par leur travail irréprochable à la vigne et au chai, l’ont vite hissé au sommet. Leurs vins parlent d’eux-mêmes : ils sont tous hautement recommandables. Celui-ci, issu de vignes de 20 à 40 ans cultivées sur la plus haute terrasse de la vallée, est sombre et dense, avec un fruit noir très mûr et des accents de cuir, rehaussé d’une fraîcheur minérale qui le rend savoureux et digeste. Des tanins fermes, mais mûrs et très fins, et un équilibre exemplaire. À passer en carafe pour le servir sur des viandes rouges grillées, ou garder encore six à dix ans.

27,10 $ (972463) 13 %

Le courrier de la sommelière

Mas del Périé Les Escures Cahors 2014

Fabien Jouves a repris en 2009 le vignoble planté sur le causse par ses parents, qui vendaient l’essentiel de leur récolte au négoce. Il y apporte des changements importants dans le but d’élaborer de véritables vins de terroir, le plus naturellement possible. Amoureux fou de sa région, il n’hésite pas à dire que Cahors possède certains des plus beaux terroirs de France. Je n’ai pas goûté cette cuvée, mais deux autres issues du même millésime qui m’ont charmée. Elles avaient de la complexité, de la fraîcheur et une immense buvabilité. Ce caractère pur et gourmand des vins nature lorsqu’ils sont bien faits. Seulement offert dans une quarantaine de succursales, mais aussi à saq.com. Un vigneron à suivre !

20,40 $ (12741033) 12,5 %

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.