Saint-Jean-sur-Richelieu

Cri du cœur d’un maire pour repenser le territoire

Repenser les villes. Arrêter de les développer « comme il y a 30 ans ». Penser aux générations futures. Faire preuve de cohérence. Le maire de Saint-Jean-sur-Richelieu, Alain Laplante, appelle le monde politique à l’action en devenant le premier élu à se joindre à l’alliance ARIANE, qui plaide pour une politique nationale d’aménagement du territoire.

« On continue de développer nos villes aujourd’hui comme on les développait il y a 30 ans », s’exclame le maire de Saint-Jean-sur-Richelieu, Alain Laplante, qui lance un cri du cœur pour que le Québec revoie sa façon d’utiliser son territoire.

« On a déjà été trop loin », s’alarme-t-il, dénonçant le « paradigme » néfaste dans lequel sont enfermées les municipalités, qui les pousse à se développer au détriment de l’environnement et des générations futures.

Dans un entretien exclusif accordé à La Presse, hier, le maire Laplante a révélé qu’il se joignait à l’alliance ARIANE, un regroupement de professionnels et d’organisations, formé il y a trois ans, qui milite pour que le Québec se dote d’une politique nationale d’aménagement du territoire.

L’annonce sera faite cet après-midi, lors d’une conférence de presse. « Ici, dans la région du Haut-Richelieu, la situation est très critique, explique le maire. […] Année après année, on voit l’effritement de nos milieux naturels et de nos milieux agricoles. »

Alain Laplante ne prétend pas que sa ville fait mieux que les autres.

 « À Saint-Jean, on développe en détruisant des boisés, on construit de nouveaux bungalows. »

— Alain Laplante, maire de Saint-Jean-sur-Richelieu

Cette situation s’explique, selon lui, par le « partage fiscal » entre Québec et les municipalités, dont les revenus fonciers « suffisent tout juste à offrir les services aux citoyens », alors que les besoins augmentent.

Pour avoir de nouveaux revenus, « le plus facile, c’est de couper un boisé et faire de nouvelles maisons », concède-t-il.

Ce développement génère « un apport fiscal la première année », notamment par les droits de mutation et l’augmentation de la capacité d’emprunt de la municipalité, « mais l’an 2, puis 3, 4, 5 et les années qui vont suivre, je dois offrir plus de services et c’est le même paradigme qui se répète », explique-t-il.

Proposition de la CAQ

L'annonce d'Alain Laplante, qui devient le premier maire à se joindre à l'alliance ARIANE, est « une preuve qu'il y a une attente des élus locaux envers l'État pour davantage de cohérence envers l'aménagement du territoire », estime la secrétaire de l'organisation, Jeanne Robin.

Elle s’attend d’ailleurs à ce que d’autres maires rejoignent le mouvement et a bon espoir de voir enfin le Québec se doter d’une politique nationale d’aménagement du territoire, puisque c’était l’une des propositions de la Coalition avenir Québec durant la récente campagne électorale.

« C’était un des éléments concrets de sa plateforme en environnement », affirme Mme Robin.

« Ça ne peut pas être seulement le ministère de l’Environnement qui s’occupe de la lutte contre les changements climatiques, ça doit être l’ensemble des ministères ; c’est ce que permet une politique nationale d’aménagement du territoire », explique-t-elle, déplorant que souvent, en matière d’aménagement du territoire, au Québec, « la main droite ignore ce que fait la main gauche ».

Elle cite en exemple les écoles, qui sont souvent oubliées dans les nouveaux lotissements, ou les infrastructures de transports en commun, qui sont planifiées après coup.

« On a tendance à oublier, quand on construit des milieux de vie, de construire les services dont vont avoir besoin les résidants. »

— Jeanne Robin, secrétaire de l’alliance ARIANE

L’alliance ARIANE appelle le gouvernement caquiste à organiser durant ses 100 premiers jours au pouvoir un sommet de l’aménagement du territoire « qui sera la première étape vers l’élaboration d’une Politique ».

« Le fruit est mûr »

Alain Laplante croit aussi que le moment est bien choisi, car la campagne électorale a démontré que les enjeux environnementaux préoccupent les gens.

« J’ai le sentiment que le fruit est mûr du côté de la population », dit-il, estimant que les « valeurs » prônées par l’alliance ARIANE « sont partagées par un très grand nombre de citoyens ».

Selon lui, « les politiciens vont suivre » en constatant le consensus qui se développe dans la population et dans le monde municipal sur les questions de développement du territoire.

Pourquoi ARIANE ?

Afin de s’y retrouver dans le labyrinthe des législations encadrant l’aménagement du territoire au Québec, les initiateurs de la coalition estimaient avoir besoin d’un « fil d’Ariane ». L’expression a ainsi donné son nom à l’organisation. « C’est une référence mythologique », explique avec amusement la secrétaire de l’alliance ARIANE, Jeanne Robin. L’alliance regroupe notamment l’Ordre des architectes du Québec, l’Ordre des urbanistes du Québec, l’Union des producteurs agricoles, le Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec, la Fondation David Suzuki, Héritage Montréal, Vivre en Ville et de nombreux experts.

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