Dernière saison d’Unité 9

Fin de cycle pour Guylaine Tremblay

Guylaine Tremblay l’admet : c’est un gros morceau qui part avec la fin d’Unité 9, annoncée pour le printemps prochain. L’actrice, qui n’a pas souhaité commenter les déboires de l’agence Sinorama, dont elle était porte-parole, considérait Marie Lamontagne comme « sa sœur qui n’a pas eu sa chance ». Elle revient sur l’importance de cette série dans son parcours professionnel, mais aussi personnel.

Guylaine, comment avez-vous réagi en apprenant la fin d’Unité 9 ?

Danielle Trottier [l’auteure] m’a appelée il y a quelque temps pour me l’annoncer. On était bien émues, on a pleuré. C’est une grande annonce, même si ça fait partie de notre métier de savoir dès le départ que ça va se terminer un jour. Mais Unité 9 a tellement été une grande aventure, professionnelle et aussi humaine. Je quitte des gens avec qui j’ai partagé de grandes émotions, autant les comédiens que les techniciens. Ça donne un petit vertige. Quand les derniers jours de tournage vont arriver, ce sera très spécial.

Dans votre carrière, est-ce qu’il y aura l’avant et l’après Unité 9 ?

Sans doute. C’est un projet très particulier. J’en ai eu de beaux dans ma carrière, mais Unité 9 combinait tout ce qui compte pour moi : divertir, toucher et informer. À notre modeste façon, Danielle Trottier nous a permis de changer les mentalités à travers ces personnages.

Est-ce le projet qui a exigé le travail le plus intense comme actrice ?

C’est le rôle qui m’a demandé le plus d’abandon. Je suis contente d’avoir abordé le rôle à l’aube de mes 50 ans, parce qu’à 30 ans, j’aurais peut-être eu peur de m’abandonner autant.

Parce que je vivais encore un peu dans le regard des autres. Avec Marie, j’avais la permission d’aller dans des zones d’ombre que je ne me serais pas permises avant.

Comment avez-vous vécu la période où le public ignorait si Marie avait survécu à sa tentative de suicide ?

C’était intense, mais ça faisait partie du plaisir de voir que les téléspectateurs attendaient le mois de septembre avec autant d’impatience. Ce que j’ai trouvé dur, c’est la saison où Marie était très dépressive, agressive. C’est pas la plupart des gens, mais certaines personnes ne comprenaient pas que cette colère, c’était sa façon de rester en vie. Perdre ses enfants était tellement quelque chose de démesuré, de désespérant, c’était l’abîme le plus profond qu’elle avait vécu. J’ai dû m’expliquer quelquefois, ça me faisait de la peine comme si c’était ma sœur. Sa colère était égale à sa souffrance.

Sentiez-vous la responsabilité de bien traduire la dure réalité des femmes en prison ?

Je me sentais en confiance avec le texte de Danielle, qui avait fait des recherches durant cinq ou six ans auprès d’ex-détenues. Je savais qu’elle ne disait pas n’importe quoi. On a aussi rencontré des ex-détenues, on est allées en prison voir des détenues qui nous remerciaient de les montrer comme des êtres humains, avant de les montrer comme des criminelles. Pour nous, c’était vraiment important. Où je me sentais impuissante, c’est lorsque des gens m’abordaient dans la rue et me racontaient avoir vécu l’inceste. Je leur disais que je les entendais, je compatissais, mais qu’il y avait des organismes d’aide pour eux. Moi, je n’ai pas la compétence pour vous aider. Nous, les personnages, on a notre limite.

Savez-vous comment l’histoire doit se terminer ou est-ce qu’on a laissé une part de mystère ?

Je sais tout. On a reçu les 13 derniers textes hier [lundi], je suis sûre que plein d’acteurs ont passé tout leur temps à les lire. Ce sera une dernière saison très intense. Danielle Trottier est une auteure qui a du souffle, pour pouvoir écrire 26 heures par année. Elle a aussi l’honnêteté de dire qu’elle croit avoir fait le tour. C’est sûr que nous, on continuerait. Mais jamais je pourrais dire à un auteur de continuer à écrire. C’est son bébé à elle, elle sait quand elle doit finir.

L’auteure affirme qu’elle n’a jamais pensé devoir faire disparaître Marie. En étiez-vous aussi convaincue ?

Quand Marie est sortie de Lietteville, j’ai eu certains doutes. Et j’aurais compris, dans une prison, c’est normal qu’il y ait une certaine mouvance. Mais elle voulait explorer l’« après », ce qui se passe une fois que tu reviens dans la société.

Maintenant, Marie, en travaillant à Lietteville, en réparant les autres, elle se répare elle-même. Je peux vous le dire : ça ne finira pas avec le suicide de Marie Lamontagne. Ça m’aurait fait vraiment mal ! Danielle veut que les gens soient touchés par la force et le courage de ces femmes-là.

Avez-vous senti que la sortie de Marie permettait d’amener le personnage plus loin ?

Je l’ai très bien senti. Elle devait retrouver son autonomie, décider de ce qu’elle mange le soir, prendre l’autobus, se promener dans la ville, être en contact avec le personnel. Durant sept ans, elle ne choisissait rien ou à peu près. C’est un grand plongeon de retourner à la vie.

Vous demande-t-on si Marie finira par retourner avec Benoît (Patrice L’Ecuyer) ?

Parfois, mais ce qu’on demande le plus, c’est si je vais finir par dire à Lucie [Émilie Bibeau] que je suis sa mère. Moi-même, de l’extérieur, j’ai dit à Danielle qu’il fallait qu’elle le lui dise. Après tout, elle dit aux autres d’aller dans leur vérité. Elle m’avait répondu : « C’est quoi, le plus important ? Préserver le bonheur de quelqu’un qu’on aime ou risquer de le détruire ? » Ce sont de grandes questions parce qu’on ne sait pas comment elle va réagir. C’est une relation très difficile à la base. Lucie a un bébé, un chum qu’elle aime, est-ce que Marie va détruire tout ça juste pour sa libération à elle ? C’est facile de dire : « Ben voyons, qu’elle le dise pour qu’on en finisse ! » Dans la vie, il n’y a jamais rien de tout noir ou de tout blanc.

Guylaine Tremblay tournera à l’automne la deuxième saison d’En tout cas, diffusée à l’hiver à TVA. Elle doit aussi entreprendre une tournée au Québec avec la dernière pièce de Michel Tremblay, Enfant insignifiant !, tout en enregistrant la quatrième saison du magazine Banc public, prévue pour le printemps à Télé-Québec.

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