Exposition

À la une du Montréaler

Cinquante-cinq illustrateurs et bédéistes québécois célèbrent Montréal en faisant la une d’un magazine imaginaire baptisé Le Montréaler (en hommage aux couvertures du New Yorker). Parmi eux, on retrouve Cyril Doisneau, Michel Hellmann, Jacques Goldstyn, Jimmy Beaulieu, Julie Rocheleau, Yayo et notre collègue Julien Chung. Le vernissage aura lieu le 23 novembre à la Maison de la culture du Plateau Mont-Royal à partir de 17 h. L’expo y sera présentée jusqu’au 17 janvier. Aucune vente n’est possible sur place, mais des arrangements pourront être faits.

— Jean Siag, La Presse

Émilie Dubreuil

Apprendre à s’assumer

Émilie Dubreuil aime sermonner. Ce n’est pas elle qui le dit, c’est son amie, l’écrivaine Rafaële Germain, dans la préface du recueil de chroniques intitulé L’humanité, ça sent fort. Une quarantaine de textes sensibles et bien tournés écrits par une femme qui exige beaucoup d’elle-même et des autres. Et qui s’assume de plus en plus. Rencontre.

Au Téléjournal de Radio-Canada, on reconnaît tout de suite les reportages de la journaliste Émilie Dubreuil. Il y a le ton d’abord, qui même s’il obéit aux règles journalistiques, semble plus personnel que dans les autres reportages. Puis il y a la voix, à la fois grave et douce, qui détonne avec celle, plus impersonnelle, des autres journalistes.

Il faut dire que Émilie Dubreuil a été façonnée par Macadam tribus, cette émission radiophonique animée pendant 12 ans par Jacques Bertrand, et qui a vu passer les Annie Desrochers, Stéphane Leclair, Catherine Pépin et Philippe Lagüe, tous animateurs aujourd’hui. C’est là qu’Émilie Dubreuil a pu développer son originalité.

Il y a quelques années, durant une période où le travail se faisait plus rare, la journaliste a accepté l’invitation d’un ancien collègue qui lui proposait d’écrire des chroniques pour le site MSN Canada. « Jusque-là, je n’avais jamais pensé devenir chroniqueuse, avoue-t-elle. Des fois, les gens voient des choses en vous que vous ne voyez même pas vous-même. »

Émilie Dubreuil avait grandi dans une maison où la culture radio-canadienne était quasiment une religion. La jeune fille, dont le père était patron au service de l’information de Radio-Canada, rêvait de suivre le parcours des journalistes de la grande tour. « Longtemps, j’ai voulu rentrer dans le moule, reconnaît-elle. J’aurais voulu être la journaliste classique radio-canadienne, correspondante à Québec, à Ottawa et à Paris. J’ai grandi avec le Téléjournal, je voulais devenir Julie Miville-Dechêne », confie la journaliste.

« Je suis une grande fille, je mesurais six pieds en cinquième année, mais j’aurais voulu être une petite brune et passer inaperçue. »

— Émilie Dubreuil

« Ça m’a pris des années à accepter que je n’étais pas ça. Des années à pouvoir m’assumer », ajoute-t-elle.

La journaliste, qui devait apprendre à aimer l’image que lui renvoyait la caméra, a dû consulter un psychologue pour apprendre à mieux s’accepter.

« Ça a l’air niaiseux, mais c’est tout un processus pour les grandes filles, explique-t-elle. Quand ton corps et ta personnalité rentrent dans une pièce avant toi, c’est dur. Moi je suis une petite fleur fragile, pleine d’insécurités. Je me perçois comme quelqu’un d’angoissé, un petit papillon timide… Le paradoxe entre l’image que les gens me renvoient de moi et ce que je ressens est immense. »

Cette réflexion l’a poussée à réfléchir sur les attentes, les siennes et celles des autres.

« On voudrait d’une fille qu’elle soit à la fois un pitbull qui va aller confronter Gilles Vaillancourt [l’ex-maire de Laval] et une fille gentille, polie et féminine. Ce n’est pas évident. »

Sur un fil de fer

Après MSN, Émilie Dubreuil a signé des textes dans Urbania. Aujourd’hui, elle publie ses chroniques dans le mensuel Voir. Le fait d’être chroniqueuse tout en devant se soumettre à la politique journalistique de Radio-Canada (qui lui interdit de commenter l’actualité et de donner son opinion sur les nouvelles du jour) l’oblige, assure-t-elle, à se tenir sur un fil de fer.

« Ça m’a forcée à sortir un peu de la meute des chroniqueurs et à écrire sur autre chose que le sujet de l’heure, souligne-t-elle. Moi, je suis forcée par mon métier de journaliste et mon code d’éthique à m’en aller ailleurs. »

Ses chroniques, qui posent un regard à la fois tendre et exigeant sur la société qui l’entoure, parlent de l’air du temps, de féminisme, de drague, d’éducation, de langue, d’amour et de culture. Elles sont à la fois sensibles et ironiques. Comme leur auteure.

Un drame bénéfique

Quand est venu le temps d’assembler son recueil, Émilie Dubreuil a dû retrouver les premières chroniques publiées sur MSN, un site qui n’existe plus et qui n’a pas conservé d’archives. La journaliste a réalisé qu’elle les avait toutes perdues puisque les chroniques se trouvaient sur son ordinateur qui avait brûlé – ainsi que ses disques durs – dans l’incendie qui a ravagé sa maison en janvier 2016. Cet incendie, on s’en doute, l’a profondément marquée.

« C’est la pire et la meilleure affaire qui me soit arrivée, observe-t-elle avec philosophie. C’est un évènement traumatique au sens clinique du terme, car j’étais là, j’ai regardé ma maison brûler, j’ai vu les pompiers sortir le cadavre de mon chien… J’ai eu très peur aussi, car les enfants de mon frère étaient au premier étage. »

« J’ai connu la vraie peur, celle que tu ne sais pas ce que c’est tant que tu ne l’as pas vécue… J’ai été jetée d’un train en marche, train que je n’aurais jamais remis en question si je n’avais pas été expulsée brutalement. »

— Émilie Dubreuil

La journaliste a vécu six mois dans une chambre d’hôtel avec le strict minimum, une expérience qui l’a profondément changée, à son avis. « Ça m’a tellement allégée de ne plus avoir d’objets, c’était libérateur, constate-t-elle aujourd’hui. Quand t’as plus de maison, plus de meubles, plus de chien… ça fait de la place. Depuis, j’ai rencontré l’homme de ma vie, j’ai fait un film, je publie un livre. Je ne dis pas que si c’était à refaire je le referais, mais il y a tout de même du bon qui est ressorti de tout ça. »

Émilie Dubreuil sera au Salon du livre de Montréal, aujourd’hui, de midi à 13 h, au stand 533.

L’humanité, ça sent fort – chroniques 2011-2017

Émilie Dubreuil

Somme toute

195 pages

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