Série Faire du bien

LE PHYSIO QUI SE TIENT DEBOUT

Le réseau de la santé n’a pas toujours la meilleure des réputations, mais les histoires de personnel dévoué abondent. Au cours des prochaines semaines, nous vous présenterons des professionnels hors normes. Aujourd’hui, le physiothérapeute Rolland Lamarche, qui continue à prendre soin de ses patients à 76 ans. 

« Ce qui me rend le plus heureux, c’est lorsqu’un de mes patients me serre la main et me dit, tout simplement : “Merci, Rolland !” C’est ma récompense. »

Cela fait 50 ans que Rolland Lamarche, 76 ans, soigne les gens et tente de guérir leurs blessures. Et il n’envisage nullement la retraite ! « Je me sens encore utile, j’aime ce que je fais », confie le physiothérapeute qui se décrit, d’emblée, comme un « clinicien de la douleur ». Sa conjointe Marjo n’est jamais très loin.

Dans sa petite clinique de Saint-Joseph-du-Lac, il reçoit avec chaleur, et à son rythme, « des gens qui ont mal depuis trop longtemps », déplore-t-il. « C’est un peu ça qui me dérange de notre système de santé, précise-t-il. On laisse les gens souffrir, on n’intervient pas assez rapidement pour les soulager. Il y a pourtant des solutions, des traitements, qui sont efficaces. »

Un précurseur

Des exemples ? « Il y a 30 ans, dit-il, j’ai été parmi les premiers physiothérapeutes, au Québec, à utiliser les aiguilles sèches [sans médicament] qu’on insère dans la peau des patients pour libérer l’hormone des endorphines pour atténuer la douleur, en plus de permettre une activité anti-inflammatoire.

« À cette époque, on n’était pas plus d’une cinquantaine, à la fois des physiothérapeutes et des médecins, à recourir à cette pratique, qui n’est pas de l’acupuncture chinoise, faut-il préciser. »

Rolland Lamarche a aussi été un des premiers physiothérapeutes québécois à suivre des formations en « thérapie manuelle » qui étaient données à Boston, notamment, pour les problèmes vertébraux, les douleurs au cou.

Avec son « complice et grand ami », le Dr François Urfer, il affirme avoir guéri de très nombreux patients, « découragés et en douleur », au moyen d’injections de cortisone, entre autres.

Il ne cache pas que l’usage de la cortisone demeure « quelque peu contesté » par certains professionnels de la santé, médecins et physiothérapeutes.

« Mais je n’ai jamais accepté, dans ma pratique, qu’on traîne des gens qui souffrent alors qu’on peut enlever la douleur avec une petite infiltration [de cortisone], en complémentarité, bien entendu, avec la physiothérapie. Il ne suffit pas de donner une injection et de laisser partir le patient. Il faut l’accompagner ! »

— Rolland Lamarche

« Réparateur » de corps

Chose certaine, son parcours est impressionnant : au cours de sa très longue carrière, il a remis sur leurs patins des hockeyeurs professionnels et des jeunes de la LHJMQ. Il a été le physiothérapeute des Carabins de l’Université de Montréal (au hockey et au football) et il s’est occupé des plus grandes joueuses de tennis du monde lors de tournois internationaux à Montréal, en collaboration avec le Dr Réal Lemieux, en orthopédie.

« J’ai eu des milliers de patients », évalue-t-il, lui-même étonné d’avoir « réparé » autant de corps brisés.

L’ingénieur à la retraite Jean-Pierre Lemieux – qui a été pendant 12 ans directeur général du Conseil national de recherche du Canada (CNRC) – a été « soigné et accompagné » par ce physiothérapeute « disponible et tellement empathique ».

« On dirait que ça lui fait aussi mal que nous autres quand on va le voir pour une consultation ! soulève-t-il. Il nous dit : “On va l’avoir, l’affaire, ensemble !” C’est rassurant. »

Il a eu l’occasion de se faire traiter en urgence par le physiothérapeute qui est devenu, au fil des traitements, un ami. Il s’en souvient comme si c’était hier. « C’était en 2003, évoque-t-il. Il avait changé de clinique et je l’avais perdu de vue. J’ai fini par le retrouver et j’ai appelé chez lui. Ça faisait trois mois que j’avais des douleurs terribles à la colonne vertébrale… Il m’a dit : “Jean-Pierre, j’te laisserai pas souffrir comme ça !” »

Le lendemain matin – « un Samedi saint ! »,– il subissait un traitement « réparateur » à la clinique du Dr Urfer.

« Rolland avait fait le trajet jusqu’à la clinique de Hawkesbury, toujours avec sa conjointe, parce qu’il tenait à être là avec moi. J’en revenais pas ! », dit-il, avec de l’émotion dans la voix.

Avec humour, il concède que « rendu à 76 ans » – le même âge que son ami physiothérapeute ! –, sa colonne vertébrale « n’est pas tout à fait neuve » et qu’il a appris à composer avec sa condition.

Il sait toutefois qu’il peut compter sur « Rolland » quand ça va un peu moins bien…

L’exemple de… Manon Massé !

Rolland Lamarche n’est pas resté insensible aux propos tenus par la co-porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé, lors du débat des chefs, au cours de la dernière campagne électorale. « Elle a dit, essentiellement, que lorsqu’on se rend à l’urgence de l’hôpital, ce n’est peut-être pas d’un médecin qu’on a besoin, mais bien d’un psychologue ou d’un physiothérapeute. » La députée était alors revenue sur sa chute en ski, le printemps dernier, qui avait causé une douloureuse fracture du fémur de la jambe droite… et sur les temps d’attente aux urgences. « Ça fait longtemps que je dis ça, insiste le physiothérapeute. Il faudrait qu’il y ait un physiothérapeute à l’urgence de chaque hôpital pour traiter plus rapidement les patients qui souffrent de pathologies musculo-squelettiques. »

« Trois patients sur dix sont dans cette situation, poursuit-il. C’est beaucoup ! Si on s’en occupait mieux, avec les bonnes ressources, les médecins et les infirmières auraient plus de temps à consacrer aux patients présentant des pathologies sévères [infarctus du myocarde, infections pulmonaires, troubles vasculaires, hépatite, maladies mentales]. »

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