121 jours seul dans le désert

Passer 121 jours en autonomie complète dans le désert du Namib : c’est la nouvelle ambition de l’explorateur français Stéphane Lévin, dont la future mission suscite l’intérêt des scientifiques. Coup d’œil sur une aventure hors du commun.

La mission

Quatre mois, seul et en plein cœur de l’été austral, dans l’un des déserts les plus torrides de la planète : c’est le défi que se lance Stéphane Lévin. L’explorateur a décidé de passer 121 jours dans le désert du Namib, en Namibie, lors d’une mission intitulée « Seul dans le Namib », au cours de laquelle l’explorateur ne se fera ravitailler d’aucune façon.

« Les températures au sol sont de 70 degrés, les bouffées d’air seront à 45 ou 50 degrés. Il va falloir que j’arrive très préparé. J’ai été en repérage plusieurs fois en Namibie et cette chaleur qui brûle va certainement m’obliger à adapter mon comportement », explique à La Presse M. Lévin, qui était de passage à Montréal récemment dans le cadre du festival scientifique Eurêka !

« C’est véritablement l’homme, en conditions extrêmes, face à la nature. »

— Stéphane Lévin

Celui qui se considère comme un « explorateur scientifique » compte entreprendre sa mission en novembre 2019, mais il lui manque toujours 500 000 euros (environ 760 000 dollars canadiens) pour boucler le budget total de l’expédition, estimé à 1,2 million d’euros.

M. Lévin compte apporter autant de la nourriture ordinaire que de la nourriture d’astronaute et partira avec pas moins de 3000 L d’eau – une quantité qui risque de dépasser de loin ses besoins, mais qu’il apporte par mesure de sécurité.

L’homme

Né au Cameroun et résidant de la France, Stéphane Lévin n’en est pas à son premier coup d’éclat. En 2003, il a passé 121 jours en Arctique lors d’une mission intitulée « Seul dans la nuit polaire ». Il avait été privé de soleil pendant 106 jours, avait affronté des températures de - 80 °C avec le vent et vécu avec la crainte de se faire attaquer par les ours polaires. « Après le froid, la chaleur ! lance Stéphane Lévin. Ma mission dans le Namib sera le pendant de ma mission arctique. » L’aventurier a aussi réalisé un « raid » de 650 km sur la banquise arctique, ainsi que des missions au Maroc et en Amazonie. Il estime toutefois que le défi qui l’attend sera le plus difficile de sa carrière d’aventurier. « Je pense que physiologiquement, ça va être beaucoup plus difficile que l’Arctique. Il va aussi y avoir de réelles contraintes technologiques liées au sable et aux poussières – ça va être difficile pour le matériel », dit-il.

La science

Stéphane Lévin planifie lui-même ses missions, mais il cherche ensuite des partenaires à la fois scientifiques et industriels désireux de s’y greffer. Dans le cas du séjour dans le désert du Namib, le Centre ÉPIC de l’Institut de cardiologie de Montréal a établi une collaboration avec M. Lévin qui impliquera notamment Daniel Gagnon, professeur au département de physiologie moléculaire de l’Université de Montréal. Le professeur Gagnon a confirmé le partenariat, mais a décliné notre demande d’entrevue, expliquant que le projet était encore trop peu avancé pour en discuter. Éric Goulet, professeur au Laboratoire de recherche sur la performance, l’hydratation et la thermorégulation de l’Université de Sherbrooke, s’intéresse aussi à la mission de Stéphane Lévin.

Le Centre national d’études spatiales de France a également confirmé à La Presse collaborer avec M. Lévin. Ce dernier affirme qu’il vivra dans un « module spatial » lors de son séjour dans le désert, qu’il quittera une fois par mois pour des durées de trois ou quatre jours afin d’effectuer divers exercices.

« Cette mission est une préfiguration d’installation de bases sur la Lune et une préfiguration de qualification de protocoles techniques et médicaux pour la Station spatiale internationale », affirme-t-il. Selon lui, l’expérience permettra aussi aux scientifiques de mieux comprendre l’effet de la chaleur et de l’isolement sur le sommeil, le stress et la santé cardiovasculaire. L’aspect mental d’une telle mission doit aussi être soigneusement préparé.

« J’avais beaucoup travaillé sur ce qu’on appelle les techniques cognitivo-comportementales de gestion du stress et sur les techniques de visualisation mentale pendant la mission arctique, dit Stéphane Lévin. Comment visualiser un ours polaire qui vient sur moi, par exemple, pour y être préparé. Je vais appliquer les mêmes techniques et le même travail dans le désert. »

Les technologies

L’explorateur a aussi l’intention de tester plusieurs technologies sur place, dont des drones des robots, des panneaux solaires, des éoliennes et divers types de matériaux.

« J’aime dire que je fais du darwinisme technologique, explique M. Lévin. Je fais travailler les entreprises, je les force à chercher des solutions qui fonctionnent dans les conditions les plus hostiles. Une fois que les technologies se sont qualifiées dans ces conditions extrêmes, elles peuvent servir sur des sites isolés ou pour des utilisations ordinaires – à l’instar des Grands Prix de Formule 1 qui préfigurent, dans les années qui suivent, les voitures de monsieur et madame Tout-le-Monde. »

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