prêtres pédophiles

opération-vérité à l’archevêché

Dans un geste sans précédent au Canada, l’archevêché de Montréal lance une grande opération d’introspection sur le dossier des prêtres pédophiles. Sous la gouverne de l’ex-juge Anne-Marie Trahan, la totalité des dossiers des prêtres qui ont exercé entre  1950 et 2019 dans cinq diocèses de la région de Montréal seront revus afin de déterminer combien d’entre eux ont fait l’objet d’allégations d’agressions sexuelles contre des mineurs. Cet exercice d’envergure pourrait sonner le début, au sein de l’Église québécoise, d’une réelle opération-vérité. UN DOSSIER DE KATIA GAGNON ET D’ISABELLE HACHEY

prêtres pédophiles

« Pour guérir, il faut prendre la mesure de la maladie »

L’archevêché de Montréal dénombrera les dossiers de prêtres pédophiles.

Sous la gouverne de l’ex-juge Anne-Marie Trahan, une équipe d’une dizaine de personnes entamera sous peu un audit de plusieurs milliers de dossiers de prêtres qui ont relevé des diocèses de Montréal, de Saint-Jérôme, de Valleyfield, de Saint-Jean–Longueuil et de Joliette, afin de dénombrer ceux qui auraient fait l’objet d’allégations d’agression sexuelle contre les mineurs. L’exercice devrait s’étendre sur une ou deux années.

« Pour guérir, il faut prendre la mesure de la maladie qui nous frappe », a lancé monseigneur Christian Lépine, archevêque de Montréal, en entrevue avec La Presse. Pour lui, un tel dénombrement, réalisé par un tiers indépendant, était devenu incontournable.

« C’est un devoir de vérité, de transparence. Et comme dit le pape François, il faut être prêt à faire la vérité, quel que soit le lieu où ça nous conduit. C’est l’effort à faire. Ça pourrait être douloureux, mais il faut le faire si on veut en tirer les leçons. Il faut aller jusqu’au bout. Ce n’est pas avec des péchés cachés qu’on fait connaître l’amour de Dieu. »

L’archevêque a donc recruté l’ex-juge de la Cour supérieure Anne-Marie Trahan pour réaliser cette imposante opération de dénombrement, qui commencera en septembre. « J’ai exigé d’avoir un accès entier et sans réserve à tout. L’archevêque et les évêques ont accepté. Je ne veux pas qu’on me mette des bâtons dans les roues, qu’un employé du diocèse me dise que je ne peux pas voir ci ou ça. C’était une condition sine qua non », a expliqué Mme Trahan.

L’ex-juge lance d’ailleurs un appel aux victimes de prêtres qui auraient gardé le silence sur leur agression. 

« S’il y a des victimes qui disent : “Moi, je n’ai jamais été entendu(e), je n’ai jamais été écouté(e)”, venez me le dire, je vais vous écouter. »

— Anne-Marie Trahan, ex-juge de la Cour supérieure

Mme Trahan aura éventuellement son propre site web où les victimes pourront se manifester, mais depuis 2016, l’archevêché a également une ligne téléphonique et une adresse courriel qui leur est destinée. Les victimes peuvent se manifester en écrivant à assistance@diocesemontreal.org ou encore en composant le 514 925-4321. Précisons que cet audit exclut les membres des différentes communautés religieuses, qui sont indépendantes des diocèses.

Comme aux États-Unis

Le processus lancé par Mgr Lépine sera semblable à ce qui a été réalisé aux États-Unis sur l’ordre de l’assemblée des évêques américains. Entre 2002 et 2004, tous les diocèses sur le territoire américain avaient dû faire une telle revue de dossiers et remplir, pour les dossiers de prêtres qui faisaient l’objet d’allégations d’agression, un questionnaire sur la nature des faits qui leur étaient reprochés, le nombre de victimes et la façon dont le diocèse avait géré le cas. Cette revue, réalisée sous l’égide du John Jay College of Criminal Justice, avait pu établir que près de 4400 prêtres avaient agressé sexuellement des mineurs depuis 1950, faisant plus de 10 000 victimes.

Il y a un peu plus de deux ans, La Presse avait pris contact avec les autorités de l’archevêché pour leur proposer de procéder à un exercice semblable dans leurs archives, sous l’égide d’un observateur indépendant. Le projet avait fait l’objet d’une entente de principe et un questionnaire avait même été élaboré conjointement avec l’archevêché. Cependant, Mgr Lépine avait alors opté pour un processus plus large, qui se serait étendu à l’ensemble du Québec. Il avait alors cherché à convaincre d’autres évêques de se joindre à lui.

« La question a été amenée tant à l’Assemblée des évêques du Québec qu’à la Conférence des évêques du Canada. Dans l’expérience canadienne et québécoise, la façon de voir est un peu différente. De nombreux diocèses ont fait des audits internes, mais c’est épisodique d’un diocèse à l’autre. »

— Mgr Christian Lépine, archevêque de Montréal 

« Alors qu’aux États-Unis, il y a eu une démarche tout le monde ensemble. Cette approche-là n’a pas été le choix des évêques canadiens, c’est devenu plus des initiatives personnelles dans les diocèses, souvent reliées à une histoire douloureuse qui venait d’éclater », explique-t-il. Devant ses confrères évêques, son plaidoyer pour une transparence à l’échelle québécoise est donc demeuré vain. « Il n’y a pas eu de suite pour un effort canadien ou dans l’ensemble du Québec. »

Quatre autres diocèses dans l’aventure

Cependant, les diocèses limitrophes de celui de Montréal, qu’on appelle les diocèses suffragants dans le langage ecclésiastique, ont accepté de monter à bord du train. Ces quatre diocèses – Valleyfield, Saint-Jean–Longueuil, Joliette et Saint-Jérôme – couvrent un territoire qui va de la frontière américaine jusqu’à Sainte-Agathe, dans les Laurentides, et de Joliette à l’est jusqu’à Valleyfield à l’ouest. « Qu’un groupe de diocèses limitrophes se mette ensemble, pour réaliser un tel audit, c’est la première fois que ça arrive », se félicite Mgr Lépine.

L’archevêché de Montréal a déjà réalisé une revue de dossiers pour les dossiers dits réservés ou « secrets », où il est clairement établi que les prêtres ont commis des actes répréhensibles. Ces gestes ne sont cependant pas limités aux agressions sexuelles et peuvent être de toute nature. Il y a moins d’une centaine de ces dossiers « réservés » à Montréal. Au début des années 2000, un comité, formé d’employés du diocèse mais également de policiers, d’avocats et de médecins, avait également été mis sur pied par l’archevêché pour établir formellement un processus de traitement des plaintes.

Mais pour Mgr Lépine, il est temps d’aller plus loin. « On est plus conscients de l’impact sur les victimes, et la façon d’évaluer les événements d’abus peut changer. Ce qui n’aurait même pas été un signal de fumée en 2000, aujourd’hui, on y verrait un signal. » 

« Parce qu’on est devenus plus alertes, on a entendu les témoignages des victimes. Les victimes, par leur courage et leur témoignage, elles ont beaucoup aidé à ce que les choses s’améliorent. »

— Mgr Christian Lépine, archevêque de Montréal 

L’archevêque désire maintenant avoir un portrait chiffré du nombre de prêtres agresseurs, du nombre de victimes et de la façon dont les diocèses ont réagi à ces gestes. « Est-ce que ça répondra à toutes les questions ? Il faut demeurer très humbles, dit-il. L’idée, c’est de tirer des leçons de notre expérience. Ce n’est pas de juger le passé, à chaque époque, chacun fait de son mieux. Mais s’il y a eu des erreurs, il faut les connaître. S’il y a eu des mauvaises décisions, il faut apprendre de cela. S’il y a eu des efforts légitimes, qui se sont avérés insuffisants, il faut aussi apprendre de cela pour pouvoir mieux faire. »

Condamnation de Brian Boucher

Le minutieux travail d’enquête d’un évêque

Si le prêtre montréalais Brian Boucher a été condamné à huit ans de prison, lundi, pour ses crimes pédophiles, c’est en grande partie grâce au travail acharné d’un… évêque.

Mgr Thomas Dowd a suivi toutes les pistes, rencontré tous les témoins, retourné toutes les pierres. À la fin, il a remis un dossier de 250 pages à la police. « Il a vraiment fait son Columbo. Il est allé chercher tout ce qu’il pouvait », a dit l’archevêque de Montréal, Mgr Christian Lépine.

« Disons que j’étais très investi dans l’enquête », admet Mgr Dowd. Lorsque l’archevêché lui a confié cette mission, il n’y avait que des rumeurs au sujet du prêtre Brian Boucher. Aucune accusation concrète, aucune victime.

« Au début, c’était ambigu. Il n’y avait pas de plainte de comportement criminel. Il y avait de la fumée, mais il n’y avait pas de feu », raconte Mgr Dowd.

L’évêque a refusé de lâcher prise. Il s’est imaginé en père de famille, mettant ses enfants au lit puis sentant une odeur de fumée. « J’inspecte la maison, mais je ne trouve pas le feu. Est-ce que je vais me coucher en espérant que tout ira pour le mieux ? Ou je chambarde la maison pour m’assurer que mes enfants soient en sécurité ? »

Mgr Dowd a choisi la deuxième option. « Cela m’a guidé dans l’enquête. On n’avait pas le feu. » 

« Mais l’idée, c’était d’aller au fond des choses. En parlant à une personne, à une autre personne et à une autre personne, je suis arrivé devant une victime. »

— Mgr Thomas Dowd, évêque 

Mais Mgr Dowd devait encore gagner la confiance de cette victime, aujourd’hui adulte, ce qui n’était pas joué d’avance. Une rencontre a donc été organisée avec la sœur de la victime, qui doutait elle-même des intentions de l’évêque.

« Le jour prévu, j’ai reçu un appel ; mon père était à l’agonie, raconte Mgr Dowd. J’avais le choix entre rencontrer la sœur de la victime ou me rendre au chevet de mon père, à Ottawa. Je me suis dit : “Qu’est-ce que mon père voudrait que je fasse ?” Et en posant la question, j’ai eu la réponse. Mon père aurait voulu cette rencontre. Le prix que j’ai payé, c’est que j’ai manqué les derniers mots de mon papa. »

Deux enquêtes en parallèle

Le sacrifice n’a pas été vain. La victime s’est ouverte à l’évêque. Cet homme, agressé à répétition par Boucher dans son enfance, ne s’était jamais plaint, ni à la police ni à l’évêché. Il s’était même dit qu’il n’en parlerait jamais, sauf si une personne en autorité venait l’interroger. « C’était pour lui le signal qu’il était le temps d’en parler. »

Mgr Dowd l’a accompagné au poste de police, son dossier d’enquête de 250 pages sous le bras.

À l’époque, l’évêque ne savait pas qu’une autre victime s’était manifestée à la police. « Les deux enquêtes ont été menées en parallèle, la nôtre et la policière, raconte-t-il. Cela a permis aux policiers de faire le lien entre les deux cas. Je pense que cela a contribué à la sentence » de huit ans de prison rendue lundi au palais de justice de Montréal.

Les deux enfants avaient été agressés à répétition au presbytère, dans la voiture du prêtre et dans des chambres de motel. Après les agressions, Brian Boucher envoyait ses victimes confesser leurs fautes à l’église.

« Vous faites honte à l’Église »

« Comment avez-vous pu faire cela ? a demandé Mgr Dowd à Boucher après le prononcé de la peine. Vous avez reçu l’amour et la confiance de centaines de personnes, vous les avez trahies et manipulées. Vous faites honte à l’Église et avez discrédité le travail des autres prêtres et un jour, vous ferez face au jugement de Dieu. »

L’évêque était visiblement ému. Il confie ne pas s’être tiré indemne de cette affaire, qui l’a forcé à faire face aux démons de son propre passé. Lui-même a été victime d’abus, à 11 ans, dans un camp d’été laïque. « Je suis allé vers les personnes en autorité et ces gens n’ont rien fait, zéro. »

Mgr Dowd s’est dit qu’il ne ferait pas la même erreur. 

« Mon mantra, pendant l’enquête, c’était : “I refuse to screw this up.” Je me le répétais chaque jour. »

— Mgr Thomas Dowd, évêque

Après son enquête, Mgr Dowd a sombré dans la dépression. « C’est sûr que cela a joué, parce que cela fait sortir des émotions et des souvenirs qu’il a fallu gérer. […] J’ai pensé que Dieu m’avait peut-être préparé pour être celui qui ferait cette enquête. Cela m’a aidé à passer au travers. »

Un signal pour l’archevêché

Le cas de Brian Boucher a cimenté la décision de l’archevêché de Montréal d’ouvrir ses archives pour faire la lumière sur les crimes pédophiles commis dans ses rangs.

« J’en étais déjà convaincu, mais cela m’a poussé à dire : “Il faut aller là. Il faut aller là”, confie l’archevêque Christian Lépine. Parce que les gens restent avec l’impression que l’Église cache des choses. Il y en a peut-être qui veulent cacher des choses, je ne sais pas, je ne crois pas que ce soit la majorité, mais il faut faire la lumière » à l’aide d’un audit externe.

Mgr Lépine craint de découvrir, à l’issue de l’opération, qu’un prêtre agresseur est toujours en poste au sein du diocèse. « Y a-t-il eu des abus de la part de certains prêtres qui sont encore dans le ministère ? C’est ma préoccupation. » 

« L’Église, ce n’est pas une place où un prédateur peut se cacher. Si jamais quelqu’un l’a pensé, il doit cesser de le faire. »

— Mgr Christian Lépine, archevêque de Montréal

Dorénavant, c’est « tolérance zéro » dans les rangs de l’archidiocèse, assure Mgr Lépine. Brian Boucher n’exercera d’ailleurs plus jamais de ministère au sein de l’Église.

Son cas aura servi à éveiller les consciences aux plus hauts échelons de l’archevêché de Montréal. « L’idée qui est très claire pour moi, dit Mgr Lépine, c’est que même si des allégations semblent faibles, il faut les vérifier. »

Une pluie d’actions collectives

Depuis 2004, au moins huit prêtres ont été condamnés par les tribunaux québécois pour des agressions sexuelles sur des mineurs. En parallèle, 14 communautés religieuses et un évêché ont fait ou font actuellement l’objet d’actions collectives pour des sévices infligés à d’anciens pensionnaires. Quatre se sont déjà soldées par des compensations, qui totalisent 55 millions de dollars, mais plusieurs d’entre elles sont toujours en cours.

2008

Les frères de Sainte-Croix

Cette première action collective intentée au Québec contre une communauté religieuse s’est conclue par une entente à l’amiable de 18 millions de dollars pour 200 victimes des prêtres de trois collèges tenus par les Frères de Sainte-Croix, dont le collège Notre-Dame. Une seconde demande d’action collective a été autorisée en 2017 pour 40 nouvelles victimes. Cette fois, la liste des lieux visés inclut l’oratoire Saint-Joseph, où des agressions se seraient produites.

2014

Les Pères Rédemptoristes

La communauté religieuse a été condamnée à verser 17 millions aux victimes d’agressions sexuelles commises par six prêtres, enseignants au Séminaire Saint-Alphonse. Frank Tremblay, le plaignant à l’origine de l’action de groupe, s’était félicité à l’époque de cette « victoire historique ».

2015

Les Clercs Saint-Viateur

L’action collective intentée contre la communauté religieuse en 2015 s’est soldée par une somme globale de 20 millions qui a été partagée entre les plaignants. C’est la somme la plus élevée jamais concédée dans une telle action collective au Québec.

2017

Les Frères du Sacré-Cœur

Une première action collective a été autorisée en 2017. Le requérant, un homme de 57 ans, allègue avoir été violé à plus de 300 reprises lorsqu’il était au Collège Mont-Sacré-Cœur, à Granby. Une quinzaine de religieux sont visés par des accusations de pédophilie. Une seconde demande d’action collective a été déposée, il y a quelques semaines, pour des agressions commises au Camp Le Manoir, géré par la même communauté religieuse.

2017

Les Frères Maristes

En août 2017, une action collective a été autorisée contre les Frères Maristes et l’un de leurs membres, le père Réjean Trudel, qui œuvrait dans une ressource d’hébergement de Saint-Hyacinthe, le Patro Lokal, entre 1970 et 1986.

2017

Servites de Marie

En novembre 2017, les Servites de Marie sont visés par une demande d’action collective. Un requérant allègue avoir été agressé de manière systématique par le père Jacques Desgrandschamps, au Collège Notre-Dame-des-Servites.

2018

Les Sœurs de la Charité

Une demande d’action collective a été déposée en avril dernier par un ancien pensionnaire du Mont d’Youville, à Québec, tenu par les Sœurs de la Charité. Le requérant affirme y avoir subi de nombreux sévices sexuels entre 12 et 14 ans.

2018

Oblats de la Côte-Nord

Une demande d’action collective a été déposée en février de l’an dernier contre les Oblats de Marie Immaculée pour des agressions sexuelles qui auraient été commises par le père Alexis Joveneau et d’autres membres de la communauté religieuse.

2018

Sept congrégations

Les orphelins de Duplessis, insatisfaits de l’entente conclue avec le gouvernement de Bernard Landry en 2001, qui accordait 25 000 $ à certains d’entre eux, réclament de nouveau des compensations pour des sévices subis dans plusieurs institutions. Leur demande d’action collective, déposée l’an dernier, vise sept communautés religieuses et les deux ordres de gouvernement.

2019

L’évêché de Chicoutimi

Une première au Québec : l’évêché de Chicoutimi et neuf paroisses sont l’objet d’une action collective, autorisée par les tribunaux en janvier dernier. Une centaine de présumées victimes du prêtre Paul-André Harvey prennent part à l’action collective.

Et ailleurs ?

Contrairement au Canada, de nombreux pays ont effectué des travaux d’envergure pour connaître l’ampleur exacte, à l’intérieur de leurs frontières, du problème des agressions sexuelles commises par des prêtres sur des mineurs. Petit tour du monde des résultats.

États-Unis

10 667 victimes

C’est le nombre de victimes faites par les 4392 prêtres qui ont fait l’objet d’allégations d’agression sexuelle aux États-Unis, entre 1950 et 2002. Il s’agissait, à 80 %, de victimes masculines. Comment en est-on venu à ces chiffres, très précis ? En 2002, à l’initiative de l’Assemblée des évêques des États-Unis, tous les diocèses américains ont dû faire une revue des dossiers de leurs prêtres pour une période allant de 1950 à 2010. Avec l’aide du John Jay College of Criminal Justice, les diocèses américains ont rempli des questionnaires pour chaque prêtre qui avait commis des agressions sexuelles à l’endroit de mineurs, que ces actes aient été sanctionnés ou non par la justice. Le rapport définitif publié en 2004, qui compte plusieurs centaines de pages, donne une montagne de détails sur la nature des actes, le nombre de victimes et, également, le traitement ou l’absence de traitement qu’on a offert aux prêtres agresseurs. De plus, l’été dernier, un jury citoyen de Pennsylvanie, faisant suite à une enquête du procureur de l’État, a rédigé un rapport qui dénombrait 300 prêtres prédateurs, qui auraient fait plus d’un millier de victimes. Seulement deux d’entre eux avaient été traduits devant la justice.

Irlande

700 pages

C’est le nombre de pages du volumineux rapport déposé par la juge Yvonne Murphy qui a mené, pendant trois ans, une enquête sur les prêtres agresseurs en Irlande sur une période qui couvrait trois décennies. L’enquête a examiné les plaintes pour 320 agressions sur des enfants. Un seul prêtre aurait, à lui seul, agressé plus de 100 enfants. Un autre a avoué avoir agressé des enfants à raison de deux par mois pendant toute la durée de son ministère de 25 ans. Quatre archevêques ont d’ailleurs été montrés du doigt pour avoir couvert les prêtres agresseurs. « Les structures et les règles de l’Église catholique ont favorisé cette dissimulation », souligne la juge. Le rapport de la juge Murphy n’était pas le premier qui éclaboussait l’Église catholique irlandaise. Six mois plus tôt, le juge Sean Ryan avait établi que 2000 enfants sur les 35 000 hébergés dans les réseaux d’écoles religieuses avaient subi des agressions physiques et sexuelles de la part des prêtres.

Australie

7 %

C’est le pourcentage de prêtres qui auraient été visés par des accusations d’agression sexuelle sur des enfants en Australie, a établi une Commission royale d’enquête menée dans tout le pays en 2017. Plus de 4400 agressions auraient été commises par 1880 agresseurs et auraient été dénoncées aux autorités ecclésiastiques. Dans certains diocèses, le pourcentage de prêtres agresseurs atteignait les 15 %. L’enquête de la commission a duré quatre ans et a recueilli les témoignages de milliers de victimes. L’âge moyen des victimes était de 11 ans. Le rapport définitif, rédigé par l’avocate Gail Furness, souligne que ces religieux agresseurs étaient fréquemment déplacés, et couverts, par la hiérarchie catholique.

Allemagne

13 ans

C’est l’âge moyen des 3677 victimes de prêtres agresseurs répertoriées sur le territoire allemand lors d’une enquête menée par des universitaires à la demande de la Conférence épiscopale. Le rapport définitif, rendu public en septembre dernier, établit que 1670 prêtres ont agressé ces mineurs entre les années 1946 et 2014. L’étude a porté sur plus de 38 000 dossiers de prêtres, répartis dans 27 diocèses. Le sixième des cas était des viols. Quatre pour cent de ces prêtres sont toujours en fonction. Un an plus tôt, l’Église catholique allemande avait déjà été éclaboussée par un scandale quand on a établi que 547 enfants de chœur avaient été agressés à Ratisbonne entre 1945 et 1992.

Pays-Bas

800 prêtres

C’est le nombre de prêtres agresseurs répertoriés par une commission d’enquête, présidée en 2011 par l’ancien ministre de l’Éducation des Pays-Bas, Wim Deetman. La commission a mené une enquête exhaustive et indépendante sur les sévices infligés par des prêtres à leurs victimes. Ces prêtres, qui ont sévi entre 1945 et 2010, auraient fait « plusieurs dizaines de milliers de victimes », a établi la commission. « Le chiffre [du nombre de victimes] est absolument énorme », a déclaré M. Deetman. Selon lui, l’Église néerlandaise était au courant du problème depuis des décennies.

Belgique

457 plaintes

C’est le nombre de plaintes reçues par la commission créée en 2011 par l’Église catholique belge et présidée par le pédopsychiatre Peter Adriaenssens en l’espace de six mois pour des agressions sexuelles commises par des prêtres. L’organisme a été créé à la suite des aveux de l’évêque de Bruges, Roger Vangheluwe, qui avait démissionné après avoir avoué des actes pédophiles. La commission a identifié 186 prêtres agresseurs, dont 91 encore vivants. Le parquet fédéral a par la suite communiqué à ses antennes locales les noms d’une centaine de ces prêtres et religieux, toujours en vie, afin de mieux exercer une surveillance sur eux.

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