MAGALI BABIN

Mémoire en résonance

L’artiste sonore Magali Babin présente, jusqu’au 11 octobre à la maison de la culture Maisonneuve, l’installation Prêter l’oreille, qui découle d’une résidence de deux mois au Centre d’hébergement de la Maison Saint-Joseph où elle a exploré les liens entre musique et mémoire.

Magali Babin s’intéresse depuis belle lurette à l’identité sonore, enregistrant les sons des paysages, de l’architecture ou des gens. Au printemps dernier, elle s’est intégrée en douceur au sein de la communauté de personnes âgées du Centre d’hébergement de la Maison Saint-Joseph, dans le quartier Rosemont, dans le but de savoir jusqu’à quel point on peut associer un son ou une musique à un lieu ou à un souvenir particulier.

L’artiste a ainsi fait écouter de la musique avec des octogénaires atteints de la maladie d’Alzheimer et d’autres moins handicapés. Le musicologue Éric Boisclair lui avait fourni des enregistrements de musique populaire des années 50 et 60 au Québec, aux États-Unis et en France, que ces personnes appréciaient quand elles avaient entre 20 et 30 ans, soit la période de la vie durant laquelle, en moyenne, on écoute le plus de musique.

Magali Babin a enregistré ces séances d’écoute ainsi que des sons d’ambiance. De ce travail d’art sonore résulte une œuvre qui se découvre, comme l’indique son titre, en prêtant l’oreille près de chacun des cinq éléments de l’installation.

L’artiste a choisi de présenter ses œuvres sonores à un bas volume afin de créer dans la salle une ambiance remplie de silences et de mélanges de sons se contaminant les uns les autres.

LE SYMBOLE DU SAC À MAIN

Au milieu de la salle, trois sacs à main de soirée au style désuet sont placés sur de petits piédestaux. Diffusant chacun des extraits de musique des années 40, 50 et 60, ils sont aussi une sorte d’interprétation artistique de la présence féminine, majoritaire, dans ce milieu de personnes âgées. Ces femmes ne peuvent conserver que bien peu d’objets de leur vie antérieure. Leur sac devient un élément identitaire puissant, tout comme la musique de leur passé.

Au fond de la salle, une sculpture aérienne en forme de douche est formée d’une quarantaine d’écouteurs auriculaires qui diffusent des chansons québécoises mentionnant des noms de villes, de rues, de quartiers, le parc La Fontaine, le fleuve Saint-Laurent, la Manic, etc. En passant sous cette « douche », nos oreilles captent ces références aux lieux associés à des chansons.

HAUT-PARLEUR HOLOSONIQUE

Un haut-parleur un peu particulier, dit holosonique, est installé sur un mur de la salle. Il émet un extrait d’une des séances d’écoute de l’artiste avec les aînés. Le son est faible si l’on colle son oreille sur le haut-parleur. Pour pouvoir entendre distinctement l’ambiance et les chants des aînés, il faut se placer dans une sorte de couloir sonore, à au moins deux mètres, là où un rai de lumière frappe le sol.

Deux autres haut-parleurs placés en hauteur diffusent aussi des sons que l’artiste a enregistrés dans les couloirs de l’établissement de santé, tels que des alarmes d’urgence des préposés, la cloche de la chapelle du centre ou le bruit des télévisions qui fonctionnent en permanence.

Magali Babin présente aussi une vidéo de 14 secondes d’une femme tapant du pied lors d’une fête que l’artiste avait organisée à la fin de sa résidence artistique. Une allusion au bonheur qu’ont ces personnes âgées lors de ces animations musicales.

Enfin, pour éclairer la démarche de Magali Babin, deux fauteuils ont été placés près de deux écouteurs qui diffusent 30 minutes d’entretiens qu’elle a eus avec trois employés du centre d’hébergement ainsi qu’avec Lise Grenier, professeure de l’Université de Montréal, spécialiste en musique populaire. Une écoute qui permet de saisir l’importance de la musique dans la vie de ces personnes âgées. Quand un résidant refermé sur lui-même se met à chanter les paroles d’une chanson par cœur, on se dit que l’art-thérapie est plus qu’un baume.

À la maison de la culture Maisonneuve (4200, rue Ontario Est), jusqu’au 11 octobre, du jeudi au dimanche, de 13 h à 17 h

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