Opinion Corée du Nord

Regardez à l’est, pas au sud !

Après les déclarations enflammées du président américain des dernières semaines, la communauté internationale est à court de leadership pour calmer les tensions avec la Corée du Nord. Une attention particulière au régime chinois pourrait changer la donne.

La semaine dernière, lors de son premier discours aux Nations Unies, Donald Trump surnomme candidement le despote nord-coréen, Kim Jong-un, d’ « homme-fusée », tout juste avant de menacer la république communiste de « destruction totale ». Cette déclaration, bien que dans la lignée d’autres déclarations flamboyantes du président américain, appelle cette fois non pas à la contenance ou à la chute du régime, mais à la destruction entière de la nation de 25 millions d’habitants. Venant d’un discours écrit, préparé et soigné, ces propos remettent en cause la position américaine pour mener à terme la crise coréenne.

Ces inopportunes déclarations belliqueuses mènent au repli défensif du peuple nord-coréen derrière le régime, déjà aux prises avec une dangereuse schizophrénie nationale, malgré les efforts des stratèges américains pour délégitimer le régime et le mener vers sa chute. L’isolement du régime nord-coréen et la quasi-absence de canaux diplomatiques avec Washington (outre le fameux « New York channel ») limitent grandement les moyens de dissuasion et de communication entre les deux États, ce qui fait en sorte que les propos de Trump, au lieu de calmer le jeu et de faire reculer les Nord-Coréens, participent au mythe national nord-coréen de l’agression américaine. Toutefois, en cette heure critique, la République populaire de Chine, voisine directe et alliée de longue date du régime nord-coréen, se profile comme leader pour gérer la crise.

Alliée stratégique de Pékin lors de la guerre froide, la Corée du Nord représente maintenant un fâcheux inconvénient pour la politique régionale et internationale chinoise.

En effet, Pékin ne peut se permettre d’avoir une petite nation dotée de l’arme nucléaire dans sa cour arrière, et menaçant de l’utiliser comme levier pour compromettre la prestance internationale chinoise. Le ministère des Affaires étrangères de la Chine travaille d’arrache-pied pour calmer le jeu entre Kim Jong-un et les États-Unis, pressant les deux côtés de « cesser de s’irriter ». Le gouvernement chinois n’est d’ailleurs plus tenu de défendre le régime nord-coréen en cas d’attaque, car celui-ci, par son développement de l’arme nucléaire, est en violation d’un traité de défense mutuelle datant de 1961, puis renouvelé en 1981 et en 2001, obligeant le maintien de la paix et de la sécurité internationale.

En mars dernier, la Chine était d’ailleurs corédactrice avec les États-Unis d’une résolution du Conseil de sécurité visant à imposer de nouvelles sanctions au régime de Pyongyang en réaction à ses quatre essais nucléaires des mois précédents. Par sa proximité géographique et politique, la Chine est en effet une force diplomatique et commerciale centrale dans la mise en action des sanctions et pressions prônées par cette résolution envers le régime de Kim Jong-un. La Chine, plus grand partenaire commercial de Pyongyang, est essentielle à l’économie primaire nord-coréenne, centrée sur l’exportation de minéraux dont le charbon, le fer et les terres rares, tous mis sur la liste des sanctions commerciales.

Les récentes restrictions imposées par le gouvernement chinois aux importations de charbon (mais aussi de fer, de plomb et de fruits de mer), pierre angulaire du portfolio d’exportations nord-coréennes, ont affaibli la croissance de la république communiste, auparavant à un pic record. D’autant plus que Pékin n’a pas hésité à utiliser ses avantages commerciaux pour punir les essais nucléaires nord-coréens en mettant récemment un terme à ses exportations de carburant vers la Corée du Nord. La Chine détient ainsi les moyens de limiter les investissements et les ressources nécessaires au régime de Kim Jong-un pour son programme de développement de missiles balistiques.

La réponse de Pékin aux déclarations du président américain aux Nations unies est d’ailleurs bien résumée dans le People’s Daily, mettant directement le doigt sur la supériorité morale de la position chinoise dans la présente crise. Alors que Donald Trump cherche l’anéantissement de la petite nation péninsulaire, voire de la péninsule entière, Pékin cherche le règlement pacifique du différend. Les prochaines semaines mettront certainement de l’avant les capacités diplomatiques de Pékin, mais aussi la décentralisation du pouvoir international face à une crise majeure.

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