Télécommunications

Le CRTC vise l’accès à l’internet haute vitesse pour tous les Canadiens

Ottawa — À ajouter à la liste de services essentiels des Canadiens : une connexion internet de 50 mégabits par seconde sans limite de données.

Peu importe s’ils vivent ou non dans des régions éloignées des grands centres, tous les Canadiens ont le droit en principe d’avoir accès à un forfait internet avec une connexion de 50 mégabits par seconde (Mbps) et des données illimitées, estime le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) dans une décision rendue hier. L’organisme réglementaire ne forcera pas directement les entreprises de télécoms à offrir des réseaux plus rapides dans les régions éloignées, mais il doublera la taille d’un fonds qu’elles financent pour les inciter à le faire.

Rogers, l’un des principaux fournisseurs internet au pays, s’est dit « encouragé » par ce « plan raisonnable » du CRTC.

Le CRTC a fixé un nouvel objectif de 50 Mbps comme vitesse internet minimale de téléchargement pour tous les Canadiens, comparativement à la cible précédente de 5 Mbps établie en 2011 (et atteinte à 99,5 %). Environ 2 millions de Canadiens, soit 18 % des ménages, n’ont pas accès actuellement à la nouvelle cible de vitesse internet de 50 Mbps.

Le président du CRTC Jean-Pierre Blais estime que la décision d’hier, « très importante pour l’avenir du Canada dans le monde numérique », « aura une portée pour des générations ». À la fois pour « la qualité de vie des Canadiens et notre économie en général ». Ces « objectifs ambitieux ne sont pas faciles à réaliser et ne seront pas sans frais. Toutefois, ils sont essentiels », a dit Jean-Pierre Blais en conférence de presse 

« L’avenir de l’économie et celui de chaque citoyen exigent que nous fixions des objectifs ambitieux. »

— Jean-Pierre Blais, président du CRTC

M. Blais citait notamment l’exemple d’un entrepreneur en Gaspésie ou d’un propriétaire de gîte dans les Cantons-de-l’Est qui pourront profiter de l’internet à haute vitesse pour faire des affaires ou attirer des touristes sans subir de désavantages sur le plan technologique.

une Cible non contraignante

Le CRTC veut que la proportion de Canadiens ayant accès à une vitesse internet de 50 Mbps passe de 82 % à 90 % d’ici 2021, et à 100 % d’ici 10 à 15 ans. En 2015, les Canadiens ont acheté en moyenne une vitesse de connexion internet de 29 Mbps, selon un rapport du CRTC.

Cette cible de 50 Mbps n’est toutefois pas contraignante. Au lieu de forcer les entreprises de télécoms à améliorer leurs réseaux dans les régions éloignées, le CRTC double la taille d’un fonds déjà existant auquel elles contribuent à hauteur de 0,53 % de leurs revenus (les revenus internet en étaient exclus, ils seront dorénavant inclus dans le calcul des contributions). Les entreprises de télécoms pourront faire des demandes de subventions à ce fonds – qui disposera d’environ 750 millions d’ici 2021 – afin de hausser la vitesse de leurs réseaux en région éloignée.

« Par le passé, il y a eu des fonds [gouvernementaux similaires], et la demande a été largement plus grande que la disponibilité d’argent. Nous sommes certains que ces fonds seront suffisants pour améliorer la connectivité des Canadiens », a affirmé Jean-Pierre Blais.

La décision du CRTC survient une semaine après que le gouvernement Trudeau a annoncé la création d’un autre fonds de 500 millions sur cinq ans (d’ici 2021) afin d’améliorer la vitesse des réseaux internet dans les régions éloignées. Le CRTC estime que sa décision d’hier est « complémentaire » au fonds du gouvernement Trudeau, ainsi qu’aux « investissements actuels et futurs » des entreprises de télécoms.

Pas de hausse de prix ?

Le président du CRTC Jean-Pierre Blais ne croit pas que les nouvelles contributions des entreprises de télécoms à son fonds de 750 millions seront refilées aux consommateurs. « Il y a la concurrence qui a toujours fait en sorte que les tarifs ont [subi] une pression à la baisse », a-t-il dit, citant notamment une « baisse de prix significative cette semaine par le fournisseur indépendant TekSavvy ». Au cours des dernières années, le CRTC a rendu des décisions permettant aux fournisseurs internet indépendants d’avoir un meilleur accès aux réseaux des géants des télécoms.

La décision d’hier du CRTC de fixer une nouvelle cible à 50 Mbps a été bien accueillie par Rogers, qui croit que « l’internet haute vitesse est essentiel » et qui se dit « encouragé par ce plan raisonnable qui permettra un accès accru à tous les Canadiens dans les endroits les moins accessibles du pays ». Bell et Vidéotron ont préféré analyser davantage la décision du CRTC avant de la commenter.

« C’est un ajout de frais pour les fournisseurs, mais c’est tellement minime que ça fait un peu partie des coûts pour faire des affaires, a dit Jean-Philippe Béïque, PDG d’EBOX, un fournisseur internet indépendant. Ces fonds-là reviennent aux communautés, ce n’est pas une mauvaise chose en soi. Ce qui est important, c’est que les fournisseurs vont devoir fournir 50 Mbps. Il y a plusieurs endroits, même à Montréal, où les clients n’ont pas accès à 50 Mbps. »

« Je ne crois pas que les prix vont augmenter, a dit Dwayne Winseck, professeur en journalisme et en communications à l’Université Carleton. C’est une bonne décision [du CRTC], importante sur le plan symbolique parce qu’elle reconnaît internet comme un service de base auquel tous les Canadiens ont droit. »

Accès à l’internet

Faire plus pour Les Canadiens à bas revenus

Pour la coalition Public Interest Advocacy Center, qui regroupe six organismes de défense des droits des citoyens, le CRTC a rendu « une décision positive et ambitieuse ». « Il est évident que l’internet est un service essentiel, et le CRTC l’a reconnu, note Geoff White, porte-parole. Beaucoup de fournisseurs disaient que 5 mégabits par seconde, la norme précédente, étaient suffisants. Mais ce n’est pas vrai, pas si vous avez plusieurs appareils branchés. » La coalition a cependant remporté une demi-victoire en ce qui concerne une autre de ses demandes, soit l’attribution de subventions permettant d’offrir l’internet à moindre coût pour les ménages les plus défavorisés. « Beaucoup de Canadiens font des sacrifices pour avoir l’internet, nous croyons que c’est nécessaire de les aider. » — Karim Benessaieh, La Presse

Accès à l’internet

Des délais « inquiétants »

Du côté de l’Union des consommateurs, on se dit « positivement surpris » par la cible de 50 Mbps. « Nous avons eu droit aujourd’hui à de bonnes nouvelles pour les consommateurs, résume Sophy Lambert-Racine, analyste. C’est plus que ce que nous espérions. De plus, le Conseil exigera que des services illimités soient offerts partout. C’est également une excellente nouvelle, car les limites mensuelles de transfert de données sont très restrictives au Canada, et encore plus en région éloignée. » Elle espère toutefois que ces forfaits seront offerts à des tarifs « raisonnables », et se dit inquiète de l’échéancier proposé par le CRTC, qui laisse jusqu’à 15 ans pour desservir les zones les plus éloignées. « Comme ce sont ceux en région éloignée qui subissent le plus sévèrement les contrecoups de l’accès inexistant ou rachitique à l’internet, c’est plutôt décevant. »

— Karim Benessaieh, La Presse

Les faits saillants

50 Mbps

Le CRTC établit ses nouvelles cibles à 50 mégabits par seconde (Mbps) comme vitesse de téléchargement et à 10 Mbps comme vitesse de téléversement, avec l’obligation d’offrir un forfait de données illimitées. Les anciennes cibles étaient de 5 Mbps pour le téléchargement et de 1 Mbps pour le téléversement. Actuellement, 82 % des Canadiens ont accès à la nouvelle cible de vitesse de téléchargement de 50 Mbps et 75 % d’entre eux, à une vitesse de 100 Mbps. — Vincent Brousseau-Pouliot, La Presse

Les faits saillants

750 millions

Montant du fonds établi hier par le CRTC pour améliorer les réseaux internet dans les régions éloignées. Le fonds sera géré par un tiers indépendant, qui analysera les projets soumis par les entreprises de télécoms. En réalité, le CRTC a transformé un fonds créé dans les années 90 pour développer la téléphonie filaire dans les régions éloignées pour qu’il finance maintenant l’internet haute vitesse. Le CRTC estime que les contributions à ce fonds pour les régions éloignées passeront de 100 millions/an actuellement à 200 millions/an en 2021.

— Vincent Brousseau-Pouliot, La Presse

Les faits saillants

International

Le CRTC estime que l’internet haute vitesse est essentiel pour les entreprises canadiennes désirant faire concurrence à l’international. « Nous ajoutons à notre productivité par rapport à nos partenaires à l’étranger », dit Jean-Pierre Blais. Le président du CRTC fait remarquer que la cible est de 30 Mbps dans l’Union européenne, de 50 Mbps en Allemagne et de 25 Mbps en Australie.

— Vincent Brousseau-Pouliot, La Presse

Les faits saillants

Prix

Le CRTC a étudié la question du prix de l’accès internet pour les personnes à faible revenu. Sa décision : s’en tenir à sa politique traditionnelle de ne pas réglementer les prix demandés par les télécoms aux consommateurs. « Chacun a un rôle à jouer », écrit-il. Le CRTC note toutefois que le gouvernement Trudeau s’intéresse à cet enjeu dans le cadre de sa politique d’innovation, et lui a soumis des observations. « C’est clairement à l’agenda du ministre [Navdeep] Bains », a dit le président du CRTC, Jean-Pierre Blais.

— Vincent Brousseau-Pouliot, La Presse

Accès à l’internet

Netflix

En 2016, une connexion permettant le transfert de 50 Mbps, norme que veut établir le CRTC, est largement au-dessus des besoins de la plupart des consommateurs. La situation pourrait cependant changer d’ici quelques années si la télé 4K, par exemple, se généralise. La norme minimale recommandée jusqu’à maintenant était de 5 Mbps, ce qui à l’inverse est plutôt bas. Que peut-on faire avec une vitesse de 50 Mbps ? Regarder par exemple deux émissions de Netflix en Ultra HD, le format le plus lourd, pour lequel on recommande une vitesse de 25 Mbps. Pour de la simple HD, par ailleurs, Netflix demande une vitesse de 5 Mbps – vous pourriez donc théoriquement regarder 10 films simultanément. Pour de la télévision internet HD, on estime en général la vitesse exigée entre 10 et 15 Mbps. — Karim Benessaieh, La Presse

Accès à l’internet

YouTube et Spotify

Regarder une vidéo sur YouTube ? L’éventail est d’une variété inouïe, puisque selon la qualité, on passe d’un minimum de 1 Mbps à… 68 Mbps pour du contenu 4K à une fréquence de 60 images par seconde. Enfin, si vous êtes habitué à écouter de la musique en continu, vous ne saurez que faire de 50 Mbps. La meilleure qualité musicale sur Spotify, par exemple, n’exige que 320 Kbps. Vous pourriez ainsi écouter 156 chansons simultanément – en supposant que votre compte le permette – avant d’atteindre votre limite de transfert. Enfin, si vous voulez télécharger des documents, vous pourrez le faire à la vitesse de 6 Mo à la seconde. Le contenu d’un DVD de 4,7 Go serait ainsi transféré en 13 minutes.

— Karim Benessaieh, La Presse

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.