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Poupées technos cherchent câlins

Timide, Lue ne ronronne que lorsqu’on lui flatte patiemment le dos. Si l’on presse son bras pour la rassurer, elle s’illumine de bonheur. À ses côtés, le dynamique Mello rigole lorsqu’on le chatouille sur les pieds et le ventre. Tout comme Lue, il adore les câlins.

Derrière leur aspect ludique, ces poupées cachent tout un attirail technologique. Elles sont l’œuvre de Joanna Berzowska, experte en textiles électroniques, et de ses étudiants de l’Université Concordia. Le tissu de ces jouets est conçu pour répondre aux gestes spontanés des enfants. « Tout le tissu, ou la “peau” de cette petite créature, c’est un circuit. La broderie colorée, c’est un capteur qui peut “ressentir” la façon dont on touche le jouet », explique Mme Berzowska, aussi vice-doyenne de la recherche à la faculté des beaux-arts de l’Université Concordia.

La transmission d’information se fait grâce à des fils de nylon recouverts d’argent. On oublie donc les boutons de plastique qui guident les actions des enfants : ici, c’est toute la poupée qui réagit au moindre contact. Cette technologie permet ainsi de programmer des réactions spécifiques en fonction de la personnalité que l’on souhaite donner au jouet.

« Au lieu de seulement appuyer sur les boutons, l’enfant a une interaction beaucoup plus abstraite avec ces poupées, explique Mme Berzowska. C’est plus instinctif. Il peut caresser le jouet, le déformer, le manipuler… » 

« La poupée fait appel aux émotions et à l’empathie, comme si elle était vivante. Par exemple, dès l’âge de 1 an, l’enfant peut comprendre que lorsqu’il fait un câlin à la poupée, la réaction est positive. »

— Joanna Berzowska, vice-doyenne de la recherche à la faculté des beaux-arts de l’Université Concordia

C’est justement cet apprentissage relationnel que l’équipe de la chercheuse souhaite mettre de l’avant. Ces jouets ne sont encore qu’un projet de laboratoire, mais Joanna Berzowska espère les perfectionner au cours des prochains mois.

Par la suite, les poupées seront mises à l’essai auprès d’enfants de la naissance à 3 ans. Des spécialistes de l’enfance pourront alors documenter leur impact auprès de plusieurs clientèles, dont certaines aux prises avec des défis dans les interactions avec leur entourage.

Évoluer avec l'enfant

« On pense que ces jouets peuvent grandir avec l’enfant. Les textures sont intéressantes pour les petits bébés et, par la suite, les poupons peuvent interagir avec et découvrir quel impact ont leurs gestes. Pour les plus grands, il y a des jeux de rôle possibles avec la personnalité de chaque poupée », explique la chercheuse de renommée internationale. Elle travaille d’ailleurs depuis 20 ans à intégrer l’électronique dans les tissus afin qu’ils puissent interagir avec l’environnement.

C’est en observant sa fille interagir avec les chiens à la maison que Joanna Berzowska a eu l’idée des poupées intelligentes.

« Elle était très affectueuse, mais elle explorait toutes les façons d’interagir avec eux. Elle voulait pousser les limites, a remarqué la chercheuse. Je me disais qu’il serait intéressant d’explorer ce monde de limites interpersonnelles avec des petits personnages de fiction qui ont des caractères différents et des réactions différentes. »

Pour le moment, le coût de production d’une poupée tourne autour de 50 $. Un prix qui baisserait substantiellement si ce jouet était manufacturé pour le grand public.

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