Opinion  Rapport du BAPE sur l'uranium

Les dessous de l’« acceptabilité sociale »

Les considérations environnementales et économiques ne sont pas les seuls critères pour juger une activité de développement

Le dernier rapport du BAPE portant sur l’exploration et l’exploitation de l’uranium au Québec ne fait pas, semble-t-il, l’unanimité.

On y adopte une posture qui s’appuie essentiellement sur une notion qui s’impose de plus en plus, celle de juger tel ou tel développement à l’aune de l’ « acceptabilité sociale ». L’absence d’acceptabilité sociale avait été évoquée également par le BAPE dans le cas de la fracturation hydraulique et l’exploitation du gaz de schiste.

Pour les gens qui s’attendent à ce que le BAPE s’en tienne à un rôle davantage technique, s’appuyant seulement sur des critères rigoureux et reconnus dans le domaine des sciences de l’environnement ou de la santé, la facture et les recommandations de ces rapports peuvent surprendre.

La prise en compte de cette dimension par le BAPE est toutefois enrichissante et intéressante.

La notion d’ « acceptabilité sociale » n’est pas nouvelle ni particulière au Québec, car elle tend à s’imposer également comme une considération importante de la part des bailleurs de fonds, tels que la Banque mondiale ou la Société financière internationale quand il s’agit de financer des projets ou des programmes dans les pays en développement. On y pose de plus en plus le principe du « consentement préalable, libre et éclairé » des sociétés qui seraient directement affectées par les projets.

Les gestionnaires de projet, en particulier dans le domaine minier, ont aussi réalisé qu’un projet peut ne pas être pas vraiment « viable » sur le plan opérationnel s’il provoque l’aliénation des populations voisines ou des parties prenantes au risque d’entraîner surcoûts et délais. L’industrie minière reconnaît depuis près de 20 ans l’importance d’une « license sociale », comme s’il s’agissait d’obtenir un « permis social » en parallèle à l’obtention de permis environnementaux réglementaires traditionnels.

Cette « license sociale » prend souvent la forme de négociations ou d’ententes avec les populations riveraines – en particulier, au Canada et au Québec, avec les populations autochtones . Ces ententes prennent la forme d’IBA (« Impact-Benefits Agreements »), contenant des mesures d’accompagnement, d’embauches, de retombées économiques, de dédommagement, ou même de participation aux bénéfices.

Dans le cas du BAPE sur la question de l’uranium, la question se pose différemment. On la situe au niveau des principes mêmes du développement, du choix et de l’orientation du développement : dans ce cas, minier. L’« acceptabilité sociale », ça veut dire quoi? Ça se mesure comment ? Ça pèse combien par rapport à des considérations économiques ou des enjeux environnementaux qui, objectivement, pourraient être évalués comme étant acceptables, voire négligeables?

Cela entraîne à son tour la question suivante : existe-t-il des critères précis, définis, inscrits dans l’esprit du développement durable, qui permettent de juger de l’acceptabilité sociale ou non de filières ou d’activités de développement? Ou alors, l’acceptabilité sociale pour le BAPE n’est-elle qu’une autre forme de sondage ce que l’on appelait autrefois «l’opinion publique »?

C’est peut-être ce qui déçoit davantage dans ce rapport du BAPE. On n’y trouve pas de grands principes transcendants de développement minier intelligent, sinon que de faire état d’un manque de consensus sur la filière de l'uranium. On y fait état davantage d’un manque « d’acceptation » plutôt que d’un déficit « d’acceptabilité ».

En 1980, le gouvernement suédois proposait à ses citoyens un référendum concernant différents scénarios de sorties du nucléaire civil. Une des options obtint la pluralité (non la majorité) des voix. C’est ainsi que fut convenu un moratoire sur le nucléaire, moratoire qui fit « consensus » et qui a duré jusqu’en 2009. Si nous n’avions pas si peur du mot « référendum », c’est peut-être la voie qu’il nous faudrait suivre? Demander à tous?

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