Budget 2018 de Montréal

Plante renie sa promesse

La mairesse Valérie Plante fait fi d’un engagement électoral : les Montréalais écoperont d’une hausse de taxes de 3,3 % en moyenne, une augmentation plus salée que prévu. Compte rendu et réactions.

Budget 2018 de Montréal

L’eau coule une promesse de Plante

Valérie Plante avait promis de plafonner les hausses de taxes à l’inflation, mais son premier budget s’est avéré plus gourmand, alors que les Montréalais verront leur avis d’imposition gonfler de 3,3 % en moyenne. La nouvelle administration a justifié cette facture plus salée par les importants investissements nécessaires dans la réfection du réseau d’eau de la métropole.

« Projet Montréal s’engage à réaliser son programme sans hausser les taxes au-delà de l’inflation. »

Cette promesse qui apparaissait noir sur blanc dans le programme électoral de Valérie Plante aurait dû entraîner une augmentation maximale de 2,1 %, soit la projection de l’inflation à Montréal selon le Conference Board du Canada. Mais voilà, le budget présenté hier prévoit plutôt une hausse de 3,3 % en moyenne dans l’île. La résidence moyenne de Montréal, évaluée à 427 500 $, recevra ainsi un compte de 3729 $, soit 118 $ de plus qu’en 2017.

Autres taxes

Même si la hausse est supérieure à l’inflation, l’administration Plante-Dorais estime avoir respecté sa promesse. En quoi ? La mairesse précise s’être limitée à promettre de plafonner la hausse de la « taxe générale », hausse qui a été de 1,9 %. « Il a toujours été question de ne pas augmenter la taxe foncière [au-delà de l’inflation]. À ce niveau, c’est tout à fait respecté », s’est défendue hier Valérie Plante. Or, d’autres taxes ont été majorées. Devant l’ampleur des besoins pour retaper les infrastructures souterraines, la taxe spéciale de l’eau – gelée depuis 2013 – a été augmentée d’un peu plus de 10 %. Celle-ci a ainsi contribué à gonfler la facture des Montréalais de 1,1 %. Les arrondissements ont de leur côté augmenté leurs taxes locales de 0,3 % en moyenne. C’est lorsque l’on additionne ces trois hausses que l’augmentation pour les Montréalais dépasse l’inflation.

Chantiers à prévoir

L’augmentation de la taxe de l’eau servira à financer des travaux dans les infrastructures souterraines. Montréal doit présenter à la fin du mois de janvier son programme triennal des immobilisations, soit la liste des chantiers pour les trois prochaines années. Le président du comité exécutif, Benoit Dorais, a souligné que les canalisations de Montréal ont en moyenne 60 ans, ce qui en fait le plus vieux réseau au pays. « Reporter les travaux à plus tard serait irresponsable », dit M. Dorais. La mairesse a ajouté qu’il était 10 fois plus coûteux de réparer une conduite qui se brise plutôt que de réaliser des travaux planifiés. La Ville évalue à 3,5 milliards le déficit d’entretien de ses infrastructures souterraines.

La plus salée depuis 2012

Cette hausse de taxes de 3,3 % est la plus importante pour les Montréalais depuis 2012. La mairesse a toutefois affirmé qu’il s’agissait d’un exercice de transition, la découverte d’un manque à gagner de 358 millions en début de mandat l’ayant privée de toute marge de manœuvre. Dans son entourage, on soulignait également que le premier budget de Denis Coderre avait lui aussi été supérieur à l’inflation, alors que les hausses de taxes avaient été de 2,8 % pour le secteur résidentiel.

Écarts entre arrondissements

C’est dans l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie que les propriétaires encaisseront la hausse la plus forte (5,6 %), suivi de près par Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension (5,4 %). Ces augmentations plus marquées sont dues à la décision des administrations locales d’augmenter leur taxe d’arrondissement. À elles seules, ces hausses font grimper la facture de 1,6 % dans Villeray et de 1,3 % dans Rosemont. À l’inverse, les citoyens de LaSalle pourront pousser un soupir de soulagement, puisque leur compte de taxes augmentera de seulement 0,7 %. Les propriétaires de ce secteur doivent cette hausse modérée à une réduction de 2,2 % de leur taxe locale.

3 % pour les commerçants

La hausse pour les commerces de Montréal sera légèrement inférieure au secteur résidentiel, s’établissant à 3 %. Cette différence s’explique par une hausse inférieure des taxes d’eau et des arrondissements pour cette catégorie d’immeubles. Cette fois, c’est dans Outremont que les commerçants verront leurs taxes augmenter le plus (6,3 %) et dans Saint-Laurent qu’elle sera la plus faible (0,9 %). Plus tôt dans la journée, Valérie Plante a annoncé vouloir entreprendre une révision complète des taxes imposées aux commerces de Montréal. Le service des finances devra trouver comment tirer profit des nouveaux pouvoirs confiés par Québec à Montréal grâce à la Loi sur la métropole. « Il est important de mettre en place un système de taxation qui est plus équitable pour les commerçants et les entreprises montréalaises qui contribuent au dynamisme de notre ville », a-t-elle dit.

Pas la plus salée

Les Montréalais pourront se consoler en se disant qu’ils ne reçoivent pas la hausse de taxes la plus élevée cette année. Parmi les 10 villes québécoises de plus de 100 000 habitants, c’est en effet à Terrebonne que les avis d’imposition augmenteront le plus en 2018. Le maire Marc-André Plante, dont l’adoption du budget est prévue lundi prochain, s’est engagé à ce que les taxes n’aient pas augmenté au-delà de l’inflation au terme de son mandat. Bref, pour y arriver, il devra considérablement limiter les augmentations dans ses prochains budgets. Notons que Québec et Sherbrooke ont accordé un gel de taxes à leurs citoyens.

Exit, le trou de 358 millions

Et le trou de 358 millions ? Pour effacer le manque à gagner découvert au lendemain des élections, Benoit Dorais dit avoir fait réviser l’ensemble des revenus de la Ville et avoir procédé à certaines compressions. Le président du comité exécutif dit avoir voulu être moins pessimiste avec les projections de revenus. En 2017, Montréal avait prévu récolter 153 millions en droits de mutations – la fameuse taxe de bienvenue –, mais ceux-ci ont plutôt rapporté 201 millions. Le budget 2018 prévoit ainsi des revenus de 184 millions, ce que Benoit Dorais estime être plus près de la réalité. L’élu reconnaît que cette façon de faire risque toutefois de réduire l’ampleur des surplus d’opération à l’avenir. Quant aux compressions, l’élu dit notamment avoir aboli le fonds discrétionnaire de 15 millions que Denis Coderre s’était accordé pour financer certains projets. Il a aussi augmenté de 40 millions plutôt que 80, comme prévu, les travaux payés comptant.

— Avec la collaboration de Kathleen Lévesque, La Presse

Budget 2018 de Montréal

« Un manque de rigueur », dénonce l’opposition

L’opposition officielle à l’hôtel de ville de Montréal est tombée à bras raccourcis sur le budget 2018 de la mairesse Valérie Plante, y voyant « un manque de rigueur » et la promesse rompue de contenir les taxes sous l’inflation.

Le chef de l’opposition par intérim, le conseiller municipal Lionel Perez, estime que les choix budgétaires de la nouvelle administration feront mal aux contribuables et aux entreprises. « Ça va affecter la qualité de vie des Montréalais. Ça va diminuer l’attractivité de Montréal et ça va également augmenter la charge des commerçants. Ça démontre d’emblée qu’ils sont déconnectés de la réalité commerciale et économique », a critiqué M. Perez, en conférence de presse.

Son collègue Alan DeSousa a souligné que les citoyens s’attendent à ce que les politiciens respectent leurs promesses. 

« On est un peu inquiets. Qu’est-ce que ça augure pour les quatre prochaines années, si ça commence sur cette note ? »

— Alan DeSousa

Selon ce dernier, si les Montréalais avaient su ce qui les attendait, ils n’auraient pas accordé leur appui à Mme Plante lors des élections de novembre dernier.

MM. Perez et DeSousa émettent des doutes quant à l’explication voulant que la hausse des taxes et celle des dépenses de la Ville soient liées aux investissements dans le réseau de l’eau. L’enjeu de l’eau n’est pas nouveau, a rappelé M. DeSousa. « Madame la mairesse aura à justifier ses choix », insiste Lionel Perez, qui rappelle qu’un plan de réinvestissement dans les infrastructures a été adopté en 2014. « A priori, on ne voit pas la pertinence d’avoir augmenté cette taxe [d’eau]. »

Par ailleurs, M. Perez s’inquiète que la cote de crédit de la Ville puisse être touchée par le premier budget de l’ère Plante. Il croit que les firmes de notation de crédit pourraient réagir de façon négative à la « hausse historique » des dépenses de Montréal.

une hausse « nuisible »

Le budget Plante-Dorais a suscité d’autres réactions. La Chambre de commerce du Montréal métropolitain se dit préoccupée du choix de la nouvelle administration montréalaise d’augmenter les taxes au-delà de l’inflation. Dans un communiqué, le président Michel Leblanc a rappelé que cela va à l’encontre de la promesse faite par la mairesse en campagne électorale. « Les contribuables montréalais sont déjà les plus taxés en Amérique du Nord. Il est évident que cette hausse nuit à l’environnement d’affaires et réduit l’attractivité de la métropole pour les entreprises », a déclaré M. Leblanc.

De son côté, le directeur de la Fédération canadienne des contribuables pour le Québec, Carl Vallée, a réagi sur Twitter. « Finalement, la mairesse Valérie Plante semble faire de la politique comme tous les autres. Elle arrive en nous annonçant avoir trouvé un déficit plus grand que prévu et elle augmente nos taxes de façon drastique après nous avoir promis le contraire », a-t-il commenté.

Budget 2018 de Montréal

L’« erreur » de Gérald Tremblay

Gérald Tremblay avait lui aussi rompu une promesse électorale au début de son deuxième mandat. Le politicien, qui s’était pourtant engagé à geler le fardeau fiscal global des Montréalais durant la campagne de 2005, avait ensuite déposé un premier budget avec une hausse moyenne de 1 % des charges fiscales pour les propriétaires résidentiels, et de 2 % pour le secteur non résidentiel.

Une semaine plus tard, le maire Tremblay faisait volte-face devant la grogne des contribuables. Dans un point de presse où tous les médias s’étaient entassés, il annonçait la suspension de l’adoption du budget en raison de la rupture du « lien de confiance » avec la population. Mais surtout, à cause de l’adoption des décrets gouvernementaux portant justement sur le partage des dépenses avec l’agglomération.

« J’ai fait une erreur et je l’ai corrigée. »

— Gérald Tremblay, le 20 janvier 2006

Dans les jours suivant cette déclaration, son administration s’était mise à rogner des millions (21,4 millions), à augmenter ses emprunts de 7 millions, pour enfin annoncer des revenus inattendus de 33 millions d’Ottawa. Une taxe fédérale sur l’essence qui allait être destinée aux infrastructures d’eau potable.

Même révisé, ce budget marquait le début d’une guerre politique entre la Ville de Montréal et les villes reconstituées.

« C’est honteux », avait déclaré le maire de Sainte-Anne-de-Bellevue, Bill Tierney.

Des taxes perçues « de façon illégale »

Le 20 février, les maires annonçaient que leurs contribuables verseraient au moins 20 millions de trop en taxes à l’agglomération. À l’échelle de l’île, disaient-ils, ce sont « 105 millions perçus de façon illégale auprès des citoyens ».

Finalement, en juin 2006, la ministre des Affaires municipales, Nathalie Normandeau, demandait à la Ville de Montréal de verser 8 millions de dollars pour des services actuellement facturés aux citoyens de l’ensemble des villes de l’agglomération.

Dans un rapport, elle donnait ainsi raison aux villes reconstituées sur plusieurs points, en déclarant que les coûts de certains immeubles mixtes (comme les centres sportifs et des casernes) et de l’entretien du centre-ville de Montréal ne relèvent pas de l’agglomération, mais de la ville centre.

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