OPINION VERS LE TROISIÈME BUDGET LIBÉRAL

Un Québec réellement moderne et prospère ?

Les organismes communautaires sont en face d’une porte fermée alors que le gouvernement refuse de leur accorder un financement adéquat.

À la veille du dépôt du budget du Québec, le milieu communautaire constate que les mesures d’austérité affectent à peu près toute la population, et plus particulièrement les personnes les plus démunies qui ne peuvent pas sortir quelques dizaines ou quelques centaines de dollars pour aller au privé chercher un prof pour leur enfant, un ergo pour leur parent, un psychologue pour leur ado…

Les décisions du gouvernement Couillard nous ramènent collectivement dans la noirceur précédant les années 60 plutôt que dans la lumière d’une modernité espérée. En effet, comment M. Couillard fait-il pour ne pas voir comme un recul social important le sabotage d’une institution collective comme les CPE, sabotage qui favorise les garderies privées tout en sacrifiant un levier d’intervention auprès des enfants ?

Comment peut-il expliquer les coupes dans le développement du logement social qui favorisent les propriétaires peu scrupuleux ? Comment fait-il pour ne pas avoir honte de l’état de délabrement de nos écoles et des sévères amputations de services dans l’éducation ?

Comment peut-il accepter d’en arriver au retour du « workfare » à l’aide sociale, comme si tous les jeunes visés avaient volontairement et intentionnellement choisi de se retrouver sans revenu ? Comment peut-il justifier l’envoi du personnel du réseau public des CLSC de la santé dans les cliniques privées sans laisser percevoir tout le cynisme de la situation ? Et, comme médecin, comment arrive-t-il à dormir avec les coupes draconiennes de nos services publics en santé et services sociaux ?

De plus en plus, les communautés locales et les organismes communautaires doivent composer avec les problèmes sociaux.

N’est-ce pas l’antithèse du féminisme que ce délestage des responsabilités gouvernementales vers le milieu communautaire, où œuvrent une majorité de femmes, ou encore vers les aidantes naturelles prenant soin d’un proche ?

LE SECTEUR COMMUNAUTAIRE SOUFFRE

Les organismes communautaires sont en face d’une porte fermée alors que le gouvernement refuse depuis des années de leur accorder un financement adéquat. Une étude du RIOCM publiée en novembre 2014 révélait que 93 % des organismes vivaient des conséquences importantes du sous-financement.

Cette année, des organismes de Montréal ont dû fermer leurs portes et plusieurs sont dans une situation intenable. Après 13 ans de règne libéral presque ininterrompu et plusieurs ministres responsables du communautaire dont Lise Thériault, Dominique Vien, Sam Hamad, Lucie Charlebois, Gaétan Barrette et Philippe Couillard lui-même, il est temps de passer aux actes, d’ouvrir la porte et de dialoguer afin de rehausser de façon importante le financement des organismes.

Le gouvernement a la responsabilité d’assurer le bien-être et la santé de toute la population et a un devoir encore plus grand envers les personnes les plus démunies dont les droits sont bafoués, faute de moyens, des gens qui vivent dans l’exclusion et la pauvreté.

De par leur proximité avec ces personnes, les organismes communautaires se font un devoir de témoigner autant qu’ils le peuvent de leurs mauvaises conditions et tentent comme ils le peuvent d’y mettre un baume. Le sous-financement de la mission des organismes communautaires met sérieusement en péril leurs rôles si importants dans notre société : les cloches de ces lanceurs d’alerte sont fêlées et leurs filets de sécurité, de plus en plus troués.

Philippe Couillard ne peut continuer de plaider la rigueur budgétaire pour justifier son insensibilité aux problèmes sociaux, alors qu’il accorde des augmentations de salaire gargantuesques aux médecins, des subventions tout aussi énormes à certaines entreprises de Québec inc. et qu’il vient tout juste, comme le gouvernement fédéral, d’accorder des congés fiscaux à des multimillionnaires et des entreprises financières pratiquant l’évasion fiscale.

Nous demandons au premier ministre et à son gouvernement d’agir dès maintenant et de prouver qu’il gouverne réellement pour toute la population.

* Sébastien Rivard, RIOCM ; Marjolaine Despars, RAPSIM ; Jean-Yves Joannette, TROVEP de Montréal ; Nancy Harvey, ROCFM ; et Aurélie Broussouloux, RACOR en santé mentale.

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