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Des obstétriciens poursuivent le CUSM pour faire plus d’accouchements

Estimant que les quotas d’accouchements que leur impose le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) et le directeur du département d’obstétrique sont discriminatoires, quatre médecins ont entamé des procédures judiciaires pour obtenir le droit de mettre au monde plus de bébés.

Dans le document de cour, les Drs Alice Benjamin, Robert Koby, Dawn Johansson et Andrew Mok mentionnent qu’ils travaillent à l’hôpital Royal Victoria du CUSM depuis 35 à 40 ans.

En juin 2016, le CUSM a adopté de nouvelles règles visant à réduire à environ 3000 par année le nombre d’accouchements réalisés par ses obstétriciens chaque année, à la suite du déménagement de l’hôpital Royal Victoria au nouveau site de la cour Glen.

Dans la procédure, on explique que les obstétriciens sont divisés en deux groupes au CUSM. Quatorze d’entre eux ont une pratique commune et se partagent les gardes à l’hôpital. Les quatre médecins plaignants adoptent quant à eux une pratique « en solo », c’est-à-dire qu’ils assument seuls la garde de leurs patients respectifs.

DES QUOTAS AUX EXIGENCES VARIABLES

Selon les règles édictées par le CUSM sur les 3100 accouchements pouvant être effectués chaque année par les obstétriciens du CUSM, 2400 doivent l’être par les 14 médecins pratiquant en groupe. Les Drs Benjamin, Koby, Johansson et Mok se partagent pour leur part 700 naissances.

Ces derniers déplorent que les médecins pratiquant en groupe ont le droit de se partager ces accouchements comme bon leur semble, alors qu’eux ne peuvent réaliser plus de 175 accouchements par année chacun, soit 14 naissances par période de 28 jours.

« Ces quotas ont été établis sans considération des statistiques de naissances des années précédentes », estiment les plaignants, qui voient leur pratique considérablement diminuée.

Diminution du nombre d’accouchements entre 2013-2014 et aujourd’hui pour…

Alice Benjamin : 63 %

Robert Koby : 55 %

Dawn Johansson : 45 %

Andrew Mok : n.d.

Les règles du CUSM prévoient que les médecins qui travaillent en solo s’exposent à des sanctions pouvant aller jusqu’à une suspension de privilège de deux semaines s’ils ne respectent pas leurs quotas d’accouchements. Or, leurs collègues ne font l’objet d’aucune menace de sanction, dénoncent-ils.

Le 21 septembre, trois des médecins plaignants ont d’ailleurs reçu une lettre du directeur du département d’obstétrique du CUSM, le Dr Robert Gagnon, mentionnant qu’ils avaient dépassé leur quota de 14 naissances pour 28 jours et qu’il s’agissait d’une « première sanction » pouvant mener à une suspension si la situation se répétait.

DES PATIENTeS TRIMBALÉeS

Afin de pouvoir continuer de s’occuper de leurs patientes, les médecins plaignants ont demandé des privilèges de pratique dans d’autres établissements, dont l’Hôpital général juif et l’hôpital de St. Mary, et doivent y rediriger certaines patientes.

« Chaque fois qu’un des plaignants est forcé de transférer un accouchement dans un autre hôpital contre le désir de leur patiente, sa réputation et la relation patient-médecin sont heurtées. »

— Extrait de la procédure

Les médecins plaignants disent craindre « pour leurs patientes, dont plusieurs présentent des grossesses à risque, qui sont forcées de vivre un stress non nécessaire en se faisant annoncer à la dernière minute des changements concernant l’hôpital ou le médecin qui les accouchera, compromettant leur sécurité et celle de leur enfant à naître ».

Jugeant ces règles discriminatoires, les plaignants réclament une somme de 200 000 $ en dommages moraux. Leur avocate, Me Christine Kark, n’a pas voulu commenter le dossier, disant ne pas vouloir nuire aux discussions en cours avec le CUSM. La porte-parole du CUSM, Vanessa Damha, a indiqué vendredi que les parties ont « bon espoir de résoudre leur différend dans les prochains jours ». Les procédures sont d’ailleurs suspendues pour deux semaines « afin de finaliser leurs discussions ».

Président du Conseil pour la protection des malades, Paul G. Brunet affirme que ce système de « quota » est fréquent dans le système de santé québécois, et ce, dans plusieurs secteurs de soins. Une situation selon lui « aberrante ». « L’offre de soins devrait se faire en fonction de la demande et des patients. Malheureusement, on n’en est pas là », dit-il.

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