Chronique

Claude Blanchard à la rescousse du PQ

Quand les concepteurs de l’agence de publicité Upperkut ont présenté leur concept basé sur des blagues de club à la Claude Blanchard aux membres du Parti québécois (PQ), ceux-ci ont été surpris. Très surpris, même. Mais ils ont aimé l’audace qui ressortait de tout cela. Ils ont embarqué.

Depuis hier, on peut voir et entendre un peu partout au Québec les affiches et les messages radiophoniques qui constituent la précampagne publicitaire du PQ. Celle-ci se décline en quatre blagues pour les affiches et trois autres pour la radio, toutes inspirées des travers du parti créé par René Lévesque il y a 50 ans cette année.

Parmi les blagues, on retrouve celle-ci : « La différence entre un péquiste et un dentiste ? Les deux en arrachent, mais travaillent pour votre bien. » Ou alors, celle-ci : « Le sport olympique auquel excelle un péquiste ? Le saut à obstacles. » Et cette dernière : « Qu’est-ce qui est bleu et blanc et qui rebondit tout le temps ? Le PQ. »

J’aime cette campagne pour diverses raisons. Je la trouve ingénieuse, car elle prend les devants. Elle coupe l’herbe sous le pied à tous ceux qui, depuis des années, trouvent que le PQ est devenu un parti de vieux croûtons passés maîtres dans l’art de faire régner la discorde et de mettre de l’avant des positions souvent en décalage avec leur époque.

En pratiquant l’autodérision, le PQ dit : « Nous avons fait des erreurs et nous avons erré, vaut mieux en rire et passer à autre chose ! » 

En optant pour l’autodérision, le PQ adhère à cette bonne vieille philosophie que les publicitaires aiment tant : c’est en se dévalorisant qu’on se valorise le plus.

Vous me direz qu’avec 16 % des intentions de vote, le PQ n’a plus rien à perdre et tente par tous les moyens de garder la tête hors de l’eau. Vous avez raison. Mais plutôt que de faire l’autruche (ce qu’il aurait très bien pu faire), le PQ a décidé de prendre le taureau par les cornes et de jouer la carte de « l’humilité », selon le député Pascal Bérubé, avec qui je me suis entretenu hier.

Il faut savoir que cette campagne est le prélude à une autre qui sera dévoilée dans quelques semaines. Si je me fie à Marc Desnoyers, de l’agence Upperkut, responsable de la campagne du PQ, l’audace sera également au rendez-vous. « Regardez-nous ben aller », m’a-t-il dit hier avec beaucoup d’assurance.

Cette agence, également à l’origine de la campagne de Valérie Plante (« L’homme de la situation »), réalise une grande première : inclure l’humour de manière très franche dans une campagne électorale québécoise. Marc Desnoyers, qui a visiblement envie de faire les choses autrement, me disait que le contexte était cependant propice à cela. L’été bat son plein et la moitié des électeurs sont encore dans leur hamac. « On a voulu trancher avec le discours beige habituel et se fondre dans l’ambiance estivale », a-t-il dit.

Évidemment, cette approche peut être une arme dangereuse. Elle a un pouvoir de propagation énorme (on a vu l’impact de la campagne depuis hier). Mais il y a des risques de dérapage. 

Il n’a fallu que quelques heures pour que la créativité de certaines personnes soit éveillée sur les réseaux sociaux et quelques sites web.

« C’est quoi la différence entre Jean-François Lisée et Marc Bergevin ? Il n’y en a aucune. Les deux vont perdre leur job cette année », a publié le site Le sac de chips. « C’est quoi la différence entre un Saoudien et un péquiste ? Y’en a pas, les deux n’aiment pas Trudeau et sont pour l’indépendance du Québec », a publié l’humoriste Louis T. sur Twitter. « Si on ne vaut pas un Lisée, on ne vaut pas grand-chose », pouvait-on lire dans un autre tweet. Le PQ veut tellement aller au bout de l’exercice qu’il propose aux gens de créer leurs blagues de péquiste après une visite du site C’t’une fois un péquiste… Toute une thérapie de groupe !

Cette méga-séance de défoulement devrait durer quelques jours. Elle sera sans doute bénéfique pour tout le monde. Et je ne serais pas du tout surpris de voir le PQ ressortir avec quelques plumes en plus à la suite de ce pari audacieux. Cela dit, une campagne publicitaire est un maquillage, un masque qui n’arrange pas tout. L’agence de pub a rempli ses engagements, mais il faut maintenant que le PQ soit à la hauteur et qu’il poursuive l’opération de décapage. Il a deux mois pour faire cela.

En utilisant l’humour, une arme de séduction infaillible pour enjôler les Québécois, on est en train de dire que les campagnes traditionnelles, comme on en fait depuis Maurice Duplessis, ont besoin d’un sérieux coup de fouet. 

L’arrivée des nouveaux médias a offert la possibilité aux partis politiques de faire les choses autrement.

Il faut continuer de trouver des façons originales de mener des campagnes. Les politiciens québécois connaissent le niveau d’ironie et de sarcasme qui règne dans le public et au sein des observateurs, ils ont une occasion en or cette année de mener des campagnes créatives et constructives qui vont nous donner le goût d’embarquer et de les écouter.

Je ne fais pas partie de ceux qui pensent que cette campagne ne sera d’aucun intérêt. Sitôt que les électeurs auront repris leur routine, ils vont plonger dans cet exercice incontournable et dans ce match démocratique. Je crois même que ça va jouer très dur entre les partis. Et assister à des luttes et à des duels, les Québécois aiment cela tout autant que l’humour.

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