Personnalité de la semaine
Joanna Berzowska
Collaboration spéciale
Native de la Pologne, Joanna Berzowska a vécu une partie de sa vie en Afrique – en Algérie et au Gabon. Elle est venue au Québec pour ses études universitaires. Son parcours scolaire atypique l’a préparée à faire carrière dans un domaine où les sciences et les arts se rencontrent grâce aux nouvelles technologies. Elle a obtenu un baccalauréat en design à Concordia et un baccalauréat en mathématiques à McGill.
« À l’époque, en 1989, mes parents me disaient : tu peux être artiste, ou tu peux être informaticienne. Je leur répondais : et pourquoi je ne pourrais pas faire les deux ? Et parce que j’avais ces deux formations, j’ai pu faire mes études supérieures au Massachusetts Institute of Technology [MIT], où l’on recherchait des étudiants créatifs qui pourraient apporter de nouvelles idées et développer les prochaines générations des arts informatiques. »
Elle est aujourd’hui professeure associée au département de design et d’arts numériques de l’Université Concordia, ainsi que fondatrice et directrice du XS Labs, un studio de design orienté vers la recherche.
« Ce que j’enseigne à Concordia, les arts informatiques, est une combinaison de plusieurs disciplines, les mathématiques, l’informatique et les arts. Quand j’ai étudié, il y a presque 30 ans, ce genre de programme n’existait pas, c’est pourquoi j’ai dû faire deux baccalauréats. »
— Joanna Berzowska
« Aujourd’hui, les étudiants qui veulent faire du design et qui sont aussi doués en mathématiques et en informatique peuvent apprendre de nouveaux moyens de travailler avec les matériaux électroniques et informatiques tout en étant créatifs et artistiques », explique-t-elle.
Le domaine des textiles intelligents s’est surtout développé depuis environ trois décennies.
« Cela m’a passionnée parce que c’était un bon moyen, pour les femmes, d’investir les domaines de l’électronique et de l’informatique, parce que l’on peut carrément programmer des tissus, y intégrer des fils conducteurs. C’est de l’informatique combinée aux arts textiles, qui, traditionnellement, ont toujours intéressé les femmes. »
M Berzowska est aussi directrice des textiles électroniques de la jeune entreprise montréalaise OMsignal, qui conçoit des vêtements spécialisés pour le sport. OMsignal a développé le PoloTech Shirt, commercialisé par Ralph Lauren, qui fonctionne avec un iPhone ou une Apple Watch.
« L’objectif des produits d’OMsignal est de donner une meilleure idée de ce qui se passe dans notre corps quand on fait de l’exercice et ainsi augmenter notre bien-être, dit-elle. Nous avons trouvé des partenaires financiers qui ont investi 10 millions pour développer l’entreprise. C’est fantastique, car nous développons, ici à Montréal, le genre de produits qui, normalement, seraient développés en Californie. »
Les possibilités des tissus intelligents peuvent s’appliquer bien au-delà du sport. Ces tissus devraient devenir très répandus, voire intégrés à la plupart des vêtements d’ici 10 à 15 ans, selon elle.
« Ces technologies peuvent aussi être utilisées pour nous donner une meilleure connaissance de nous-mêmes, non seulement dans le domaine du conditionnement physique, mais dans la vie de tous les jours », explique M Berzowska.
« Normalement, on pense que l’on se connaît assez bien, mais quand on commence à intégrer des biocapteurs dans nos habits, on réalise qu’on n’est pas aussi en contact avec notre corps qu’on le croit. »
— Joanna Berzowska
Les vêtements « intelligents » de l’avenir pourraient nous donner des renseignements utiles sur ce qui se passe à l’intérieur de notre corps et, ainsi, nous permettre de mieux nous comprendre grâce à divers paramètres.
« On pourrait, entre autres, mesurer notre niveau de stress, de fatigue, d’énergie, savoir si on a bien dormi, tout cela dans le but de développer un meilleur rythme de vie. Les vêtements seront aussi intégrés aux autres outils informatiques. Les gens qui le voudront pourront même partager certains renseignements sur les médias sociaux, par exemple en affichant leurs battements cardiaques. »
Joanna Berzowska fait énormément de bénévolat avec les jeunes, en particulier les jeunes filles, pour les faire s’intéresser aux sciences et technologies et stimuler leur créativité. Ce qui la motive le plus, ce sont ses étudiants, qui ont des idées plein la tête.
« Ils ont des idées incroyables, dit-elle. Ce qui est excitant pour moi, c’est que d’un côté, je peux travailler avec l’industrie pour développer des produits plus conventionnels que l’on peut mettre sur le marché, et de l’autre côté, travailler avec ces étudiants qui ont des idées très audacieuses et innovatrices. »