Médecine

Virus Zika, la bombe à retardement

Les bébés qui ont été exposés au virus Zika durant la grossesse mais n’ont pas de symptômes à la naissance accusent un retard de développement neurologique à 18 mois, selon une nouvelle étude américaine. Une autre étude avance que la malnutrition augmente le risque pour le bébé.

Comme d’autres infections

La plupart des bébés qui sont exposés au virus Zika mais naissent sans de graves malformations comme la microcéphalie ont de légers retards de développement à 18 mois, selon l’étude publiée au début de la semaine dans la revue JAMA Pediatrics. « C’est comparable à d’autres infections congénitales affectant le fœtus, comme le cytomégalovirus », explique l’auteure principale de l’étude menée sur 77 bébés colombiens, Sarah Mulkey, de l’hôpital Children’s National à Washington. Des tests de neuroimagerie réalisés après la naissance ont toutefois montré des kystes au cerveau chez le tiers des bébés, une proportion 10 fois plus élevée que la normale. « On ne sait pas si ça signifie que ces bébés retrouveront éventuellement un développement normal, comme c’est le cas pour la plupart des bébés atteints d’infections congénitales. » Les retards de développement étaient parfois moteurs, affectant par exemple la marche, parfois cognitifs, affectant par exemple les interactions avec autrui. L’échantillon était représentatif, selon la Dre Mulkey.

Détection

Un seul des six tests de développement montrait des résultats moins bons pour les bébés ayant des kystes au cerveau. Ce test, appelé Test de développement moteur de l’Alberta (AIMS), n’a a priori rien de particulier par rapport aux autres, selon la Dre Mulkey. « Il est peut-être plus sensible et pourrait être utilisé pour détecter les enfants plus à risque de retards de développement liés au virus Zika, ou alors on pourrait se servir de certains résultats de neuroimagerie », dit la pédiatre américaine.

Suivi jusqu’à cinq ans

L’équipe américano-bolivienne pourra suivre les bébés jusqu’à l’âge de cinq ans. « On a réussi à avoir du financement pour le suivi quand on s’est rendu compte qu’une minorité de bébés étaient affectés à la naissance par le virus Zika, dit la Dre Mulkey. Étant donné la gravité de ces symptômes, la question des impacts à long terme du Zika s’est posée. » Un éditorial accompagnant son étude dans le JAMA Pediatrics déplore qu’un suivi systématique ne soit fait que pour la moitié des bébés nés aux États-Unis après que leur mère eut été infectée par le virus Zika durant la grossesse.

Carence en protéines

Au Brésil, 75 % des bébés nés avec un syndrome congénital dû à l’infection au virus Zika habitaient dans des quartiers pauvres, et 38 % de leurs mères souffraient de malnutrition. Cela a poussé des chercheurs de l’Université de Rio de Janeiro à vérifier si la malnutrition (trois fois moins de protéines qu’une diète normale) augmentait le risque de malformation, chez des souris infectées au virus Zika. Leur verdict, publié le 10 janvier dernier dans la revue Science Advances : la carence en protéines augmente de beaucoup l’impact du virus Zika. Deux des auteurs, Patricia Garcez et Jimena Barbeito-Andrés, ont indiqué à La Presse que selon elles, ces résultats s’appliquent aux humains. Cela signifie-t-il que les touristes québécoises qui vont dans le Sud sont moins à risque ? « Nos résultats suggèrent qu’une carence en protéines augmente l’effet de l’infection congénitale au virus Zika, mais cela ne signifie pas qu’une femme enceinte bien nourrie est absolument protégée des effets du Zika », a répondu la Dre Barbeito-Andrés. De son côté, la Dre Mulkey prévient que ces résultats « ne semblent pas s’appliquer aux humains » et que la seule protection efficace contre le virus Zika est d’éviter toute exposition. La Dre Mulkey a personnellement eu un cas de touriste américaine bien nourrie infectée au virus Zika, dont le fœtus a été « sévèrement affecté ».

Surdiagnostic

Échographies toutes les semaines de la grossesse pour toutes les femmes possiblement exposées au virus Zika. Cette recommandation d’infectiologues américain, suisse et de Guyane française, dans le New England Journal of Medicine en décembre, a provoqué un débat dans les pages de l’auguste publication savante. Des infectiologues de l’Université du Texas ont rapporté avoir fait des centaines d’échographies inutiles à des femmes enceintes parce que quelques cas de transmission par des moustiques avaient été rapportés dans cet État. Les auteurs de la première étude ont précisé que leurs patientes provenaient d’une région durement touchée dans le nord-est du Brésil et admis que dans un contexte de faible transmission comme au Texas, des échographies en série pourraient poser un problème de surdiagnostic et d’inquiétudes voire d’avortements inutiles.

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