ESCRIME EN FAUTEUIL ROULANT

L’incroyable destin de Pierre Mainville

Quand on a frôlé la mort et vécu l’horreur dans sa pire expression, la gloire et les médailles olympiques demeurent accessoires.

Mais le drame n’enlève rien à la fibre compétitrice de l’escrimeur en fauteuil roulant Pierre Mainville, et à son désir de se surpasser.

À ses troisièmes Jeux paralympiques, présentés à compter du 7 septembre à Rio, Mainville, 43 ans, espère remporter une première médaille en carrière.

« Mon objectif à Londres [en 2012] était aussi de gagner la médaille d’or, même si j’ai terminé septième », lance-t-il.

« Tu ne vas jamais aux Jeux olympiques ou paralympiques avec l’idée de ne pas aller jusqu’au bout. »

— Pierre Mainville, escrimeur

Pierre Mainville, de Saint-Colomban, dans les Basses-Laurentides, aborde les Jeux avec confiance, auréolé par son titre de champion des Amériques au sabre, obtenu en mai à São Paulo.

« J’étais très confiant, je n’avais pas vraiment peur de mes adversaires. Il y a seulement deux ou trois rivaux de taille en Amérique et je suis pas mal l’homme à battre, mais ça se complique contre les Européens et les Chinois. Ma septième place à Londres a plus de poids que la médaille d’or au Brésil. »

Pierre Mainville savoure encore chaque moment de sa vie d’athlète paralympique.

« Quand tu frôles la mort comme je l’ai frôlée dans cette fusillade et que tu as “juste” perdu l’usage de tes jambes alors que tu pensais y passer, tu t’accroches à la vie. Moi qui ai toujours tellement eu peur de mourir. Je suis juste tellement content d’être encore en vie ! »

POINT DE BASCULE

Le destin de Pierre Mainville change complètement le 23 juin 2001. Il a alors 27 ans. Notre homme se rend chez son cousin, à Laval, avant de se rendre célébrer la Saint-Jean dans un bar de Montréal. Chez ce cousin se trouvent des connaissances de celui-ci, dont Lucie Gélinas. La jeune femme est agitée.

« Elle ne voulait pas rester seule parce qu’elle avait reçu des menaces de mort de son ex-conjoint, un policier de la GRC et garde du corps de Jean Chrétien, et elle nous a proposé d’agir comme conductrice désignée pour la soirée. Quelle mauvaise décision… »

La suite a fait les manchettes. Le groupe se retrouve sur l’autoroute 13 en direction de Montréal lorsqu’une auto conduite par Jocelyn Hotte, séparé de Lucie Gélinas depuis quelques semaines, se présente à leur hauteur. Il tirera une quinzaine de fois sur eux lors d’une course folle de 13 km.

« Je suis resté conscient pendant toute la durée de la fusillade. J’étais au téléphone avec le 911. Quand j’ai été atteint, je suis tombé sur le dos sous l’impact et j’ai perdu le souffle. Je pensais avoir été atteint au cœur. »

— Pierre Mainville

« Mais c’est l’impact de la balle qui a provoqué le choc. J’ai réussi à me rasseoir. Quand les ambulanciers sont venus vers moi, je leur ai dit que j’étais incapable de bouger mes jambes. Mais je n’ai jamais cliqué à cet instant précis que je ne marcherais plus jamais… »

La Ville de Laval été contrainte d’indemniser les victimes à hauteur de 1,5 million de dollars 10 ans plus tard parce que la police avait omis de prendre les menaces de Jocelyn Hotte au sérieux.

Condamné à la prison à vie, Hotte est mort en prison d’un cancer du pancréas en 2014.

UN HEUREUX HASARD

Notre athlète paralympique était prêt pour ce qui l’attendait. « La situation est tellement ironique, mais depuis 10 ans, l’un de mes meilleurs amis était devenu paraplégique après un accident de trois roues et je pratiquais régulièrement des sports en fauteuil roulant avec lui. Steve était capable d’avoir une vie remplie, j’ai fait plein de voyages et d’affaires avec lui. Je ne voyais même plus son fauteuil roulant. »

L’escrime est arrivée par hasard.

« J’ai essayé plusieurs sports, dont le basket en fauteuil roulant. Puis un jour, j’ai croisé une fille au gym qui m’a suggéré d’essayer l’escrime en fauteuil roulant. Ça m’avait toujours attiré. J’ai commencé par une fois semaine, et le rythme a vite monté. »

— Pierre Mainville

La stratégie pour gagner en escrime en fauteuil roulant ? « Même chose qu’en escrime normale, dit-il. Il faut être intelligent, rapide. Habituellement, les jambes sont importantes en escrime debout, il faut pousser pour aller chercher une attaque, tandis que l’escrime en fauteuil roulant, on est assis et le fauteuil roulant est cloué au sol.

« Le déplacement se fait avec le haut du corps, ça ressemble à l’escrime, mais généralement, les jambes ne compteront pas. »

La phrase qui le dérange le plus ? « Je sais que c’est fait dans les meilleures intentions, mais c’est quand on nous demande de ramener une médaille. Ils ne savent pas toute la pression que ça met sur une personne. Tu ne veux jamais décevoir personne. Je le prends avec un petit sourire… »

PIERRE MAINVILLE

ESCRIME

43 ANS

NÉ À SAINT-JÉRÔME

TROISIÈME PARTICIPATION AUX JEUX PARALYMPIQUES (7e À LONDRES)

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.