Chronique

La chasse aux trolls est finie, merci

Coup de marteau en pleine face, attaque au tisonnier et ambiance de film d’horreur de série B. La télésérie Le jeu de TVA a pris fin lundi soir exactement comme elle avait démarré il y a 10 semaines : dans une mise en scène expéditive aussi peu subtile que vraisemblable.

Dieu merci, c’est (enfin) fini pour les « pas de vie ». Fini la capture des « grands blancs », le damné gala des Ludix, le festival Pax West et les pseudonymes peu crédibles comme Gummie 27.

Le vilain troll Frank Gagnon (Olivier Turcotte), assommé par un instrument de foyer, a été pincé par les policiers. Ce Frank cochait toutes les cases de la caricature du perturbateur des réseaux sociaux : célibataire, moche, frustré, isolé, barbu, rondouillet, malpropre, habitant chez sa mère, alouette.

Le deuxième troll, ClearMind84, alias Cédric Auclair (Mathieu Handfield), a été démasqué (référence à Zeta ici). Et la brave Marianne Renaud (Laurence Leboeuf) a poursuivi sa carrière de conceptrice de jeux vidéo. Générique. Fin de la partie.

Pas de nouvelles de la productrice Kim (Debbie Lynch-White), qui a été injustement congédiée. Rien sur l’arrestation abusive de son frère Sam (Julien Carrière). Aucun détail non plus sur l’avenir familial de l’adolescente Lili (Laura Compan), dont la mère Mathilde (Catherine Bérubé) souhaite récupérer la garde.

D’ailleurs, cette Mathilde a-t-elle eu le cerveau brûlé par les drogues de synthèse ou juste lavé par un gourou nouvel-âgeux ? On ne savait plus, ce n’était pas clair. Encore lundi, Mathilde s’exprimait en paraboles creuses du genre « donner la vie, c’est ouvrir la route » ou « ma fille n’est pas faite pour votre monde d’écrans et de mensonges ».

Pauvre Nicole (Monique Spaziani) ! Victime de cyberintimidation, sa petite-fille Lili a fait une tentative de suicide, sa fille Marianne a été droguée, puis abandonnée sur le bord d’un chemin de fer, tandis que son autre fille Mathilde se prend pour une disciple de l’Ordre du Temple solaire.

Contrairement à Fugueuse, qui a été un véritable phénomène social l’hiver dernier, Le jeu n’a pas rayonné aussi fort.

TVA n’autorisera jamais la mise en chantier de la deuxième saison d’une télésérie dont la grande finale n’a été regardée que par 494 000 personnes.

Il y avait pourtant du matériel intéressant à touiller, notamment tout ce qui touchait aux « incels », les fameux célibataires involontaires. Par contre, ce volet a été greffé trop tard à l’histoire.

Le jeu a donné l’impression d’avoir été assemblé à la hâte. Thriller informatique à la Mr. Robot ou film d’épouvante à la Scream ? La ligne directrice n’a jamais été tracée de façon claire. Dommage. Les acteurs ont joué du mieux qu’ils le pouvaient avec une partition qui manquait de profondeur et de nuances.

Pendant ce temps, à L’échappée

La nouvelle pensionnaire du centre jeunesse, l’étrange Rosalie (Milya Corbeil-Gauvreau), qui a vécu isolée dans une sorte de secte, permet au téléroman de TVA d’explorer un sujet riche : les ultrareligieux.

La terrifiée Rosalie n’a jamais été mise en contact avec des objets technologiques, pas plus qu’elle ne connaissait l’existence de produits d’hygiène féminine. Les contacts humains de Rosalie ont été limités à ceux qui partagent ses croyances conservatrices, encore plus extrêmes que celles des fondamentalistes.

L’ado de 14 ans a été amenée à L’échappée parce que son père (Alex Bisping) souhaitait la marier à un de ses amis plus âgés. Mettons que Rosalie détonne aux côtés du petit bum à Raphaël (Noah Parker).

L’arrivée de Maxime (Antoine Desrochers), le fils de Bruno (Alexandre Goyette), a débouché sur une avenue que l’on ne soupçonnait pas non plus, celle de la prostitution masculine. C’est troublant, parce que le « commanditaire » de Maxime, soit Ronald Marchand (Emmanuel Charest), n’a pas du tout l’air du client typique qui se paie des escortes.

Toujours dans L’échappée, j’aime beaucoup la cassante Sonia (Marie-Claude Guérin), de même que le « maniganceux » de l’auberge, Hugo (Louis-Olivier Mauffette). En fait, l’ajout de la ribambelle de nouveaux personnages, dont Me Chicoine (Benoît McGinnis) et le papa gai de Joëlle (Jean-Nicolas Verreault), redonne de l’élan à L’échappée.

Les intrigues qui stagnaient – allô les parfums – ont été remplacées par de nouvelles. On s’entend : L’échappée ne baigne pas dans un réalisme fulgurant (euphémisme). Mais depuis deux semaines, c’est pas mal moins ennuyeux que chez les O’Hara.

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