OPINION MIA HOMSY

MARCHÉ DU TRAVAIL
Faut-il craindre les robots ?

À quoi ressemblera le marché du travail de demain ? Comment la technologie influencera-t-elle la nature des emplois de l’avenir ? Y aura-t-il plus de gagnants que de perdants ?

Domination des robots, obsolescence du droit, protection des données et de la vie privée, omniprésence des algorithmes pour gérer les finances personnelles et le quotidien… les craintes que suscite la 4e révolution industrielle (4RI) sont nombreuses.

Au cours des dernières semaines, les rapports, analyses et études qui tentent d’anticiper les conséquences sociales et économiques de la 4RI se sont multipliés. Il en ressort plusieurs grandes tendances qui apportent un éclairage intéressant sur les moyens de s’y préparer.

Un phénomène inéluctable… et souhaitable

De la reine Élisabeth I, qui appréhendait l’impact de la machine à coudre sur ses loyaux sujets, aux agriculteurs qui refusaient la mécanisation des procédés agricoles, à la lutte de Karl Marx et John Maynard Keynes contre le chômage technologique, l’impact de la technologie sur les emplois a toujours suscité des craintes.

Pourtant, l’histoire a démontré que les progrès technologiques ont généré plus de nouveaux emplois, réduit le coût des biens, augmenté la durée de vie, amélioré les conditions de santé et haussé les revenus. Mais ils ont aussi fait des perdants et accru les écarts de richesse.

La 4RI – caractérisée par les nouvelles façons de traiter d’immenses quantités de données – permet des avancées majeures dans la personnalisation des produits et services et peut générer d’importants gains de productivité et de richesse. Elle amène aussi d’importants risques de polarisation de la société en éliminant des tâches et en précarisant la situation de centaines de milliers de travailleurs.

Les algorithmes et les machines deviennent de plus en plus efficaces pour réaliser des tâches répétitives, celles qui reposent moins sur la créativité, l’esprit critique et les relations interpersonnelles. Le remplacement de certaines tâches simples par des plus complexes touchera directement ceux dont les compétences sont les plus faibles, les rendant inaptes au travail. Les nouveaux modèles d’affaires qui reposent davantage sur le travail à la pige pourraient précariser les emplois en affaiblissant les avantages sociaux des travailleurs.

Se préparer au changement

Malgré ces risques, l’innovation et les avancées technologiques sont souhaitables et permettront d’accroître la richesse et le niveau de vie de la majorité. Il y aura certainement plus de bénéfices à se lancer avec confiance dans l’aventure technologique que de rester en marge du progrès (inéluctable) et de regarder les autres en récolter les retombées positives. 

Plutôt que de l’appréhender et de vouloir taxer les robots (comme l’envisage le gouvernement fédéral), il faut encourager le virage vers l’automatisation et la numérisation des entreprises pour qu’elles soient plus compétitives.

Pour le Canada et le Québec, saisir rapidement les occasions engendrées par la 4RI permettra aussi de résoudre une partie des enjeux de rareté de main-d’œuvre dans certains secteurs où les besoins sont plus criants et certaines tâches plus répétitives, comme le manufacturier et le camionnage.

Mais pour s’y préparer adéquatement et en faire bénéficier un maximum de citoyens, il faut adapter nos façons de faire dès maintenant. L’agilité, la rapidité d’adaptation et la collaboration doivent être au cœur de la modernisation de l’État.

Le meilleur moyen de devenir des leaders de la 4RI et de se prémunir contre la polarisation de la société, c’est d’investir massivement dans le capital humain. Voilà le principal constat qui ressort, de façon unanime, de toutes les études récentes sur le sujet. Rehausser le niveau de littératie et de numératie de la population et faire un meilleur usage des talents est au cœur de notre avenir collectif et doit devenir l’affaire de tous.

La formation de base est cruciale, mais la formation tout au long de la vie le deviendra tout autant pour assurer la mise à niveau des connaissances, mais aussi la requalification de milliers de travailleurs en fonction des nouveaux besoins que nous ne connaissons pas encore. Notre société doit se préparer à ce passage, qui exigera de briser les silos entre les milliers de parcours éducatifs et entre les établissements d’enseignement et la communauté.

Le Projet M dans le secteur manufacturier, les pôles régionaux en enseignement supérieur, le hub créatif Lune Rouge dans le divertissement et le pôle de la créativité de Montréal sont quelques exemples d’initiatives récentes qui poursuivent ces objectifs. Ces projets sont encore embryonnaires ; il faudra suivre de près les résultats et voir comment déployer les succès à plus grande échelle.

Avoir confiance en notre talent, notre créativité et notre capacité à s’entraider est beaucoup plus bénéfique pour notre société que la peur des robots et des algorithmes, à condition d’être prêts et d’accepter de moderniser le contrat social actuel.

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