Chronique Justice 2.0

Ça se bouscule dans la justice 2.0

Même si le monde juridique est encore bien poussiéreux, certains juristes sont vraiment passés en 2.0. Il y a même des avocats qui se battent pour offrir des services aux consommateurs sur le web.

En ce moment, Petites-Créances.ca est à couteaux tirés avec Petitescreances.ca. Oui, oui, pas de blague ! Probablement la première chicane d’avocats de l’ère des legaltech, cette nouvelle vague d’entreprises qui marient le droit et la technologie.

Flash-back en septembre 2015. Deux jeunes avocats de Droit Positif lancent Petites-Créances.ca, un service d’accompagnement juridique sur l’internet. L’objectif est de permettre aux justiciables de bien préparer leur cause, sans dépenser une fortune en frais d’avocat.

Pour vous donner une idée, il faut débourser 250 $ pour une mise en demeure, 475 $ pour une demande à la cour, même chose pour la préparation au procès ou encore 960 $ pour l’ensemble du processus. Ça peut sembler cher. Mais comme le montant des litiges aux petites créances atteint maintenant 15 000 $, les justiciables ont intérêt à être bien outillés avant d’arriver en cour.

Petites-Créances.ca est un succès. Le site web s’attire les éloges du Barreau du Québec qui lui décerne un prix. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes… jusqu’à ce que deux autres avocats de Consultants Lexar lancent un service semblable, en octobre dernier, en utilisant l’adresse Petitescreances.ca. Pas de trait d’union, vous aurez remarqué.

Droit Positif n’est pas contre la concurrence. Mais il ne digère pas que le nouveau service utilise le même nom commercial, ce qui crée de la confusion aux yeux du public. Il a d’ailleurs l’intention d’entreprendre un recours judiciaire dès que possible.

De son côté, Lexar réplique que l’adresse URL lui appartient depuis 10 ans et que son service est différent de celui de son concurrent. Il mise sur le référencement d’avocats externes qui offriront un service personnalisé d’accompagnement aux petites créances aux tarifs forfaitaires indiqués sur le site web (ex. : mise en demeure 225 $, préparation à l’audience 200 $, forfait tout inclus 950 $).

Lexar affirme qu’il voulait s’entendre avec Droit Positif, mais que ce dernier a refusé. C’est fou comme un trait d’union peut semer la discorde ! Espérons que ça ne se terminera pas aux petites créances…

Médiation 2.0

Entre-temps, si vous cherchez un avocat, vous pouvez aussi consulter JurisRéférence, un service de référence mis en place en partenariat avec le Barreau. Certains avocats offrent d’ailleurs des forfaits pour les petites créances (ex. : 250 $ mise en demeure, 150 $ pour la préparation d’un plan de déroulement de l’audition et 250 $ pour une rencontre d’accompagnement avant l’audition).

Le site web Onrègle.com offre aussi des mises en demeure automatisées à 50 $. Mieux encore, la plateforme de négociation de cette jeune entreprise permet aux citoyens de régler leur conflit eux-mêmes, sans faire appel à un avocat, grâce à un système d’offre et de contre-offres secrètes.

Les utilisateurs n’ont rien à perdre, car le service est gratuit… sauf quand ça fonctionne. Lorsqu’un conflit se règle, Onrègle.com demande des frais de 2,5 % du montant à chacune des parties. Pour une entente de 10 000 $, les frais totalisent donc 500 $, à séparer en deux. Certains grands cabinets d’avocats facturent ce prix juste pour une heure de consultation !

Si vous avez un problème de consommation, vous pouvez aussi vous tourner vers la Plateforme d’aide au règlement des litiges en ligne (PARLe), lancée par l’Office de la protection du consommateur (OPC) l’automne dernier.

Entièrement gratuit, ce service de médiation par internet permet de régler ses problèmes devant son ordinateur, dans le confort de son foyer. Déjà, une vingtaine de commerçants, comme Sears Canada, ou Whirlpool, ont accepté de participer au projet. Pour accéder au service, les consommateurs doivent d’abord téléphoner à un agent de l’OPC (1 888 OPC-ALLO) qui leur enverra ensuite un lien personnalisé pour entreprendre les démarches.

Rupture en ligne

La justice 2.0 fait aussi son chemin dans le domaine du droit familial. L’été dernier, l’avocat Marc-André Letarte a lancé le site web Mon Droit Familial qui permet aux parents qui s’entendent d’obtenir un jugement à moindres frais, c’est-à-dire 600 $ pour les conjoints de fait et 900 $ pour les couples mariés.

Les coûts sont moins élevés, mais aussi plus prévisibles qu’avec la traditionnelle facturation à l’heure, décriée par le Barreau du Québec lui-même, où les clients ne savent pas à l’avance combien ils devront payer.

Bien d’autres sites internet offrent des divorces clé en main à environ 400 $. Mais les « ex » y sont laissés à eux-mêmes pour remplir les formulaires, avec les risques d’erreurs que cela comporte. Mais avec Mon Droit Familial, les clients obtiennent une consultation personnalisée avec un avocat qui révise leurs documents et s’assure qu’ils ne commettent pas de bourde.

Me Letarte voit parfois des conjoints qui se séparent à l’amiable sans prévoir le versement d’une pension alimentaire pour les enfants, même si l’un des parents gagne deux fois moins que l’autre. « Le juge n’accueillera pas la demande », prévient l’avocat. Ce n’est pas parce que les parents conviennent d’une garde partagée 50/50 qu’ils doivent assumer les dépenses moitié/moitié.

Une consultation avec un juriste permet de remettre les pendules à l’heure. Pas besoin de prendre congé. Pas besoin de se déplacer. La discussion de 30 minutes se déroule par téléphone, Skype ou Facetime, le soir au besoin.

Lorsque les documents sont complets, les « ex » n’ont plus qu’à se présenter aux greffes pour officialiser le tout.

Beaucoup de parents se séparent à l’amiable, mais n’obtiennent jamais de jugement parce que c’est trop cher. D’autres ont seulement une entente de médiation. Or, les conjoints n’auront pas beaucoup de recours s’ils ne s’entendent plus avec leur « ex » après quelques années, à cause d’un déménagement par exemple.

Vaut mieux officialiser les choses quand l’harmonie règne.

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