Éditorial : Résultats scolaires

Une directive gonflée

Il y a eu un peu d’enflure sur la directive du ministre de l’Éducation Sébastien Proulx au sujet des notes gonflées. Sa directive est utile, mais son effet risque d’être limité.

La raison : elle vise le type de gonflage de notes qui est à la fois le plus préoccupant et le moins bien documenté. Et pour s’y attaquer, elle se contente de rappeler que la loi l’interdit.

Ajoutons que le ministre est victime des attentes.

Si sa directive déçoit, c’est aussi parce qu’elle s’attaque à un problème mal défini et un peu gonflé. Ce qui se conçoit mal ne se règle pas facilement…

Le maquillage de notes réfère en même temps à plusieurs choses : 

1. Quand le Ministère convertit un 58-59 % en note de passage dans ses épreuves provinciales. C’est systématique mais pas si scandaleux, car l’ajustement se situe dans la marge d’erreur.

2. Quand le Ministère « modère » les notes. C’est systématique et l’ajustement peut se faire à la baisse comme à la hausse*.

3. Quand l’école adopte une politique d’évaluation qui ajuste à la hausse certaines notes, par exemple pour que 40 % devienne le plancher afin de ne pas « décourager » les élèves.

4. Quand l’enseignant utilise son jugement professionnel pour réviser la note d’un élève (voir à ce sujet la lettre de Marc St-Pierre à l'écran 8).

5. Et enfin, quand un enseignant subit des pressions de l’école ou des parents pour changer une note.

Certes, on peut critiquer la troisième catégorie, celle des politiques d’évaluation des écoles. Mais au moins, ce débat peut se faire car les documents sont publics.

La dernière catégorie est plus préoccupante, car elle est opaque et arbitraire.

Il est vrai que la loi autorise les écoles à intervenir sur les notes d’un enseignant. Mais pas pour n’importe quelle raison. Surtout pas pour doper les résultats et faire bonne figure dans les palmarès provinciaux.

C’est à cela que s’attaque la directive de M. Proulx. Elle a le mérite de rappeler aux enseignants qu’ils ne doivent pas tolérer les pressions indues de parents ou de directeurs. Par contre, le ministre a refusé de tenir une commission parlementaire qui aurait documenté ce phénomène. Le portrait demeure donc incomplet.

Tout ce qu’on sait, c’est que le traficotage n’a rien de neuf. Certes, il est aggravé par la gestion par résultats, qui depuis une décennie incite les écoles et commissions scolaires à doper leurs moyennes et taux de diplomation. Et il est aussi aggravé par la concurrence entre les écoles, qui veulent se montrer « performantes ».

Mais ce traficotage existait bien avant. Jusqu’au début des années 80, des écoles empêchaient même leurs mauvais étudiants de subir l’épreuve ministérielle, afin d’augmenter les moyennes… Le ministre de l’époque, Claude Ryan, avait dû changer la loi pour y mettre fin.

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L’arbre ne devrait toutefois pas cacher la forêt. Le gonflage de notes est avant tout la conséquence d’un autre problème plus inquiétant : notre échec à aider les élèves en difficulté, à cause du manque de ressources et surtout de l’étouffante bureaucratie**.

Le grand nombre d’examens semble plus nuire qu’aider.

À ce sujet, le cas bien connu de la Finlande est éloquent. Dans ce pays nordique, il n’y a pas d’examens au primaire. On ne propose pas de copier ce modèle, mais il devrait à tout le moins faire réfléchir. D’ailleurs, des chercheurs proposent aussi chez nous de réduire le nombre d’examens au primaire, et le ministre y réfléchit aussi. C’est le genre de question à laquelle pourrait répondre un futur Institut national d’excellence en éducation.

Au-delà de la mesure des apprentissages, il faudra recommencer à parler des apprentissages eux-mêmes. Cela tombe bien, le ministre doit dévoiler dans les prochaines semaines une politique de la réussite éducative.

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