Idées d’ailleurs Comment ils se sont attaqués au problème

Pas touche aux pattes

Depuis déjà plusieurs années, les vétérinaires disent haut et fort leur malaise face au dégriffage des chats. La Nouvelle-Écosse est devenue il y a quelques semaines la première province canadienne à mettre le holà à cette pratique.

Le problème

Les propriétaires de chat qui ignorent que le dégriffage des chats, loin d’être innocent, est en fait une mutilation lourde de conséquence.

La solution

L’association provinciale des vétérinaires de la Nouvelle-Écosse a statué que le dégriffage des chats serait dorénavant contraire à l’éthique de la profession, sauf si cela était médicalement nécessaire.

Pour préserver leur mobilier ou de crainte que de jeunes enfants ne soient blessés, bon nombre de propriétaires de chat font dégriffer leur animal en se disant que c’est une opération banale, à peine plus lourde qu’une petite coupe d’ongles.

Erreur.

« [Quand on fait dégriffer son chat], on l’ampute de 10 os de ses bouts de pattes. Si ce n’est pas une mutilation, ça, je me demande bien ce que c’est », plaide le Dr Hugh Chilshom, vétérinaire à la retraite et directeur du Paw Project (traduction libre : la Pat Patrouille !) dans les provinces atlantiques.

Après tant d’années à militer contre le dégriffage des chats, le Dr Chilshom s’est dit « très fier » de l’Association des médecins vétérinaires de la Nouvelle-Écosse.

Dorénavant, ne devront être acceptés que les très rares chats qui doivent se faire dégriffer pour des raisons médicales, en raison d’un accident ou d’une infection.

Malgré cette victoire, le Dr Chilshom ne compte pas s’arrêter là. Il se dit en fait déterminé à contacter d’autres associations vétérinaires du pays pour qu’elles emboîtent le pas.

La question du dégriffage est certes particulièrement d’actualité parmi les vétérinaires et la pratique, de plus en plus contestée.

Au Royaume-Uni et dans plusieurs autres pays d’Europe, en Australie, au Brésil, en Israël, au Colorado et dans plusieurs villes californiennes, le dégriffage est déjà interdit.

Au Canada, en mars, l’Association canadienne des médecins vétérinaires prenait position sur le sujet, déclarant que le dégriffage entraînait une souffrance inutile chez les félins.

Au Québec, s’il est de plus en plus difficile de trouver un vétérinaire qui consent au dégriffage, il n’y a pas eu encore de position arrêtée de la part de l’ordre professionnel.

L’an dernier, l’Ordre des médecins vétérinaires a cependant publié un avis d’interdiction contre la caudectomie (l’ablation de la queue d’un animal) chez le chien, le chat, les bovins et les chevaux et contre l’essorillement (la coupe des oreilles d’un animal) à des fins esthétiques.

Jusqu’alors, de telles chirurgies étaient demandées, notamment par des propriétaires désireux que leur animal réponde à certaines normes de race.

AVIS DE L’EXPERT

SÉBASTIEN KFOURY, VÉTÉRINAIRE

Au Québec, cette idée devrait être… adoptée

Le Dr Kfoury, qui possède deux centres d’urgence vétérinaire et cinq hôpitaux dans la région de Montréal, ne pourrait être plus d’accord avec les vétérinaires de la Nouvelle-Écosse.

Dans ses hôpitaux et ses cliniques, note-t-il d’ailleurs, ses collègues et lui refusent de dégriffer les chats.

« Trop de gens ont le réflexe de penser qu’un chat, ça vient stérilisé et dégriffé. Eh bien non. Un chat, ça a des griffes et quand on en adopte un, il faut l’accepter comme tel. »

Et, s’il ne vient à l’idée de personne de faire dégriffer un chien pour protéger ses planchers de bois franc, « pourquoi pense-t-on qu’il est acceptable de faire dégriffer un chat ? »

Le dégriffage est une réelle mutilation qui est non seulement souffrante, mais risque aussi d’avoir des conséquences à long terme sur l’animal, signale le docteur Kfoury. Très souvent, le dégriffage « modifiera la posture du chat », lui fera modifier sa démarche et le rendra mal à l’aise, peut-être pour le reste de ses jours.

Et c’est sans compter les risques d’infection, de kystes et « ces opérations qu’il faut refaire quand la griffe recommence à pousser sous la peau ».

Au Québec, si de plus en plus de voix s’élèvent contre la pratique, des vétérinaires acquiescent encore à cette demande.

Le Dr Kfoury espère donc que la position ferme prise en Nouvelle-Écosse soit imitée ici.

Cela ne signifie pas pour autant qu’il faut renoncer à avoir de beaux meubles. Il existe plusieurs solutions de rechange éthiques au dégriffage, explique le Dr Kfoury. Il suffit de tailler les griffes des chats, de leur fournir des poteaux appropriés et, au besoin, de leur faire porter des « capuchons à griffes », qui se vendent un peu partout.

Mais que penser de ceux qui ont de jeunes enfants et qui craignent qu’ils soient blessés par une égratignure de chat ou qui imaginent le pire, du genre un œil crevé ?

« Honnêtement, dans toutes mes années de pratique, je n’ai jamais entendu que ce soit arriver, répond le Dr Kfoury. Et si on fait dégriffer son chat pour se protéger d’éventuelles bactéries, il faudrait se rappeler que tout contact avec un animal entraîne en soi un minimum de risque », répond le Dr Kfoury.

Qui plus est, le chat dégriffé aura tendance à mordre davantage et les morsures de chat, elles, peuvent vraiment causer un abcès et être plus problématiques, indique le Dr Kfoury.

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