Chronique

Enfin des consommateurs mieux outillés !

Finies les limites de cartes de crédit qui grimpent toutes seules. Finis les prêts accordés aux consommateurs qui n’en ont pas les moyens. Finis aussi les points de programmes de fidélisation qui s’envolent.

Québec s’attaque au crédit et au surendettement avec le dépôt du projet de loi 134 qui viendra moderniser la Loi sur la protection du consommateur (LPC). Depuis six ans qu’on en parle, ce n’est pas trop tôt !

La cure de jouvence était plus que nécessaire. Les articles de la LPC qui portent sur le crédit datent des années 70. Depuis, beaucoup de nouveaux instruments de crédit sont apparus. Le niveau d’endettement des ménages a explosé, tout comme le nombre de faillites, qui a grimpé de 50 % depuis 10 ans.

Pendant ce temps, les nombreux trous dans notre loi ont laissé amplement de latitude aux vautours de la détresse financière – prêteurs sur gages, négociateurs de dettes bidon, courtiers en prêts à 300 % d’intérêt – qui font des ravages auprès de la clientèle plus vulnérable. Une véritable honte !

« Il y a un commerce de la détresse financière qui s’est créé au fil des ans, et c’est là qu’il était impératif d’agir », m’a justement confié la ministre de la Justice Stéphanie Vallée, qui espère voir le projet adopté d’ici les prochaines élections.

Espérons que cette fois sera la bonne, car les libéraux avaient déjà tenté de s’attaquer au surendettement. En 2011, ils avaient déposé un projet de réforme de la LPC qui était finalement tombé à l’eau avec le changement de gouvernement.

Ce n’est qu’en 2015 que le gouvernement a remis le projet sur les rails, en se concentrant sur des mesures phares nécessitant une attention immédiate. Le projet aurait pu être déposé avant Noël, mais la saga entourant les Air Miles a incité Québec à en reporter le dépôt final pour encadrer les programmes de fidélisation.

Suivant l’exemple de l’Ontario, Québec va donc interdire l’expiration des points et des miles accumulés. Et les programmes de fidélisation ne pourront pas se reprendre en douce en dévaluant la valeur des points accumulés rétroactivement. Cette pratique, qui a déjà déclenché des recours collectifs, sera interdite. Et c’est tant mieux.

Mesures phares

Parmi les belles avancées, le nouveau projet de loi intégrera dans la LPC la notion de « prêteur responsable ».

Avant d’accorder du crédit, les commerçants comme les concessionnaires automobiles ou les détaillants de meubles devront maintenant s’assurer que leurs clients ont la capacité de rembourser le prêt. Sinon, le commerçant sera forcé de rembourser les frais de crédit au client, une punition plutôt dissuasive.

Les émetteurs de cartes de crédit seront aussi soumis à cette règle. Une très bonne chose, car il est fréquent que les gens obtiennent une carte sans aucune vérification, alors qu’ils n’ont pas d’emploi et que leur capacité de rembourser est à peu près nulle. Quand une personne bénéficiaire de l’aide sociale se retrouve avec une carte de 10 000 $ pleine à ras bord, il y a un problème !

Parlant de cartes de crédit, les émetteurs n’auront plus le droit d’en hausser la limite sans que le consommateur en ait fait la demande express. Actuellement, certains émetteurs relèvent automatiquement la limite de crédit dès que le détenteur fait une transaction qui dépasse cette limite. Ça ne marchera plus.

D’ailleurs, les frais de dépassement de la limite de crédit, qui peuvent atteindre 30 $, seront eux aussi bannis. Excellente nouvelle !

En plus, le paiement minimum que les détenteurs de carte doivent faire tous les mois sera relevé d’environ 2 ou 3 % en ce moment selon les émetteurs à 5 % sur une période de quatre ans. De cette manière, les consommateurs rembourseront plus vite leur solde et éviteront de payer des intérêts pratiquement pour l’éternité sur leurs cartes de crédit.

Par contre, certaines mesures de l’ancien projet de loi ont été mises aux oubliettes. Par exemple, on avait voulu interdire aux commerçants d’offrir des cadeaux pour encourager les consommateurs à contracter du nouveau crédit. On pense ici aux grands magasins qui offrent un rabais sur le premier achat porté à leur carte de crédit. Une incitation pure et simple au crédit. Dommage qu’on ait laissé tomber cette interdiction.

Éloigner les vautours

Mais le plus réjouissant du projet de loi, c’est qu’il devrait permettre d’éloigner les vautours de la détresse financière qui tournent autour des consommateurs surendettés.

Les négociateurs de dettes vont se faire serrer la vis. Ces intermédiaires font croire aux gens qu’ils peuvent négocier avec leurs créanciers une réduction de leurs dettes. Ils leur suggèrent de stopper leurs paiements et de plutôt leur faire des paiements qui serviront à payer le créancier plus tard. Cette stratégie conduit souvent les clients à la faillite.

Comme c’est le cas dans d’autres provinces, les négociateurs n’auront plus le droit d’exiger un paiement du consommateur avant d’avoir conclu une entente avec les créanciers. Leurs honoraires seront plafonnés. Et ils devront garder l’argent du client dans un compte en fiducie.

Québec viendra aussi couper l’herbe sous le pied des prêteurs sur gages qui avaient inventé un tour de passe-passe pour imposer un taux d’intérêt usuraire à leurs clients.

Les courtiers en prêts seront aussi mis en échec. Plusieurs profitaient des lacunes de la loi pour accorder des prêts à un taux équivalant à 300 %, en déguisant les intérêts en honoraires. Désormais, ils n’auront plus le droit de percevoir des honoraires directement du consommateur.

Enfin, la LPC interdira toutes sortes de tromperies, ce qui mettra K.-O. les pseudo-consultants qui promettaient aux consommateurs d’améliorer leur dossier de crédit avec des procédés peu recommandables.

Bon débarras !

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.