Santé

Une sonde montréalaise pour traquer les cellules cancéreuses

Une sonde développée à Polytechnique Montréal et à l’Institut neurologique de Montréal, qui permet aux chirurgiens de déterminer en quelques secondes si une cellule est cancéreuse et doit être enlevée avec la tumeur, pourrait réduire grandement le taux de rechute.

« Actuellement, un chirurgien qui hésite à enlever davantage de tissu doit prélever des cellules, les congeler et les envoyer en bas à la pathologie », explique Frédéric Leblond, de Polytechnique qui, avec Kevin Petrecca de l’Institut neurologique, est l’auteur principal de l’étude publiée ce matin dans la revue Cancer Research. « Comme le tissu est gelé, l’information, souvent, n’est pas bonne. Et ça prend une heure, une heure et demie pour avoir les résultats. Ça rallonge grandement le processus de la chirurgie, et on laisse parfois des cellules cancéreuses qui provoquent des rechutes. »

Lumière révélatrice

La sonde mise au point par les chercheurs montréalais est optique : elle reconnaît une cellule cancéreuse grâce à la façon dont elle réagit à la lumière. « Dans le futur, on pourra même mieux définir le type de cancer pour choisir une chimio mieux adaptée, dit M. Leblond. On peut déjà graduer un cancer de la prostate aussi bien que la cytopathologie. »

La « sensibilité » de la sonde, qui a été testée pour les cancers du cerveau, du côlon, de la peau et du poumon, est de 100 %, c’est-à-dire qu’elle ne classe jamais dans la catégorie « cancer » une cellule qui n’est pas cancéreuse. La première version de la sonde, testée en 2015, avait une sensibilité de 90 %.

Le DPetrecca et M. Leblond ont fondé une entreprise, ODS Medical, qui a amorcé un processus d’approbation des autorités médicales américaines (FDA). « Nous avons été admis dans une voie accélérée, on nous demande des données de plusieurs centres, dit M. Leblond. Nous avons déjà commencé une étude randomisée à l’Institut neurologique. »

Un autre projet est développé en parallèle : l’utilisation de la sonde pour bien diriger le chirurgien dans un cas de cancer du cerveau. « Ça permettra d’éviter, par exemple, de couper un vaisseau sanguin. »

Presque de la science-fiction 

Est-ce comparable aux outils des médecins de Star Trek ? « Ça peut ressembler, mais dans Star Trek, la sonde analysait les données à l’intérieur du corps, dit M. Leblond en riant. Nous ne pouvons pas aller plus loin que quelques centimètres. C’est pour ça qu’il nous faut être au bout d’une aiguille. »

La cytopathologie, l’analyse des cellules cancéreuses par un pathologiste, sera-t-elle un jour inutile ? « Pour le cancer du cerveau, définitivement durant la chirurgie, dit M. Leblond. Mais on devra encore avoir recours à la cytopathologie pour être certain du cancer. »

L’équipe montréalaise a-t-elle des concurrents ? « Il y a des chercheurs japonais qui travaillent sur un cancer gastrique, mais avec une méthode d’imagerie complètement différente, dit M. Leblond. Ils sont à peu près au même niveau de développement. Il y a aussi une compagnie de Vancouver qui commercialise une sonde pour le cancer de la peau, mais leur algorithme d’intelligence artificielle n’est pas aussi sophistiqué et ils n’ont pas accès à toutes les bandes spectrales importantes. De plus, le modèle d’affaires ne fonctionne pas très bien pour le cancer de la peau. Plutôt que de payer 7000 $ pour utiliser la sonde, il est plus facile d’enlever des marges de sécurité autour de l’échantillon de cellules cancéreuses. »

Quelques mots sur l’effet Raman

La sonde montréalaise utilise un phénomène optique, l’effet Raman, qui a été prédit et découvert dans les années 80 par des physiciens autrichien et indien. L’effet Raman, qui est de 10 à 100 millions trop petit pour être vu à l’œil nu, est actuellement utilisé pour des analyses chimiques et de matériaux.

Taux de survie à différents types de cancer

88 % : Taux de survie à cinq ans quand toutes les cellules de cancer de la peau sont enlevées lors d’une intervention chirurgicale.

64 % : Taux de survie à cinq ans quand il reste des cellules de cancer de la peau après une opération.

54 % : Taux de survie à cinq ans quand toutes les cellules de cancer du poumon sont enlevées lors d’une intervention chirurgicale.

27 % : Taux de survie à cinq ans quand il reste des cellules de cancer du poumon après une opération.

Sources : European Journal of Surgical Oncology, Annals of Thoracic Surgery

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