Un gars, une passion

Apprendre avec les abeilles

ALEXANDRE BEAUDOIN

Passion : Apiculture urbaine Montréal 31 ans

S’il se passionne pour les abeilles, il se passionne surtout pour la biodiversité et tout ce qui entoure ce concept en milieu urbain. Rencontré au rucher de l’Université de Montréal, installé bien à la vue au cœur du campus, Alexandre Beaudoin nous parle du lien indissociable qui existe entre l’équilibre de notre écosystème et l’abeille à miel.

La biodiversité est une ouverture à respecter la différence, explique le jeune homme. « Il faut favoriser l’équilibre entre tout ça, les champignons, les plantes, les animaux, tant au niveau du nombre d’espèces qui se côtoient qu’au niveau de la diversité génétique d’une population, d’un arbre ou d’un animal. Et c’est aussi la diversité des paysages, des prairies aux boisés. La biodiversité s’applique à plusieurs échelles », dit-il, histoire de mettre la table avant de faire le lien avec les abeilles.

DE LONGUEUIL À MONTRÉAL, EN PASSANT PAR L’ITALIE

Le biologiste a grandi à Longueuil, dans un milieu, il l’admet, où on ne s’expose pas beaucoup à la diversité, surtout lorsque l’on habite dans un nouveau lotissement. « Nous étions une des premières maisons dans le quartier, alors j’ai vu tous les boisés se faire couper. Ça m’a frappé à l’adolescence, quand j’ai réalisé à quel point c’était beau avant, avec tous les arbres, avant les gazons parfaits et les bâtiments parfaits. »

C’est quelques années plus tard, lorsqu’il visite un site de conservation naturelle dans le nord de l’Italie, qu’il a une révélation.

« Je voyais bien que c’était beau. Mais je devais mieux comprendre ce qui m’entourait. Pourquoi cette forêt était-elle meilleure qu’une autre ? Comment évaluer sa valeur ? » 

— Alexandre Beaudoin

C’est à ce moment, de quelque part en Europe, qu’il s’est inscrit à l’université en écologie.

« J’ai ensuite obtenu une maîtrise en développement durable. Je me suis spécialisé dans la biodiversité urbaine. Aujourd’hui, je suis vulgarisateur scientifique, principalement avec les enfants. J’aime aborder la nature complexe en des termes assez simples pour que tous les gens la comprennent et aient envie de mieux la connaître, de la protéger », résume Alexandre Beaudoin. S’il s’est établi en ville, au cœur de la métropole, c’est parce que c’est ici qu’il y a le plus grand potentiel éducatif, qu’on peut changer les mentalités.

DANS L’UNIVERS DES ABEILLES

Les abeilles occupent une place très importante dans sa vie. L’apiculture est son quotidien. « Lorsque j’ai commencé ma maîtrise, en lisant sur la biodiversité, je remarquais que l’abeille à miel était tout le temps citée, qu’on en faisait l’emblème de la biodiversité. J’ai voulu comprendre pourquoi. » Il a suivi une formation, tenté une première ruche, fait des erreurs et des apprentissages. Son objectif n’était pas d’avoir du miel, c’était d’utiliser l’abeille pour l’éducation à l’environnement.

« Elle fait le pont entre le monde végétal et le monde animal. Je trouve l’abeille idéale pour approfondir les réflexions. »

— Alexandre Beaudoin

Il profite donc des séances d’information qu’il donne autour des ruchers pour faire passer beaucoup d’information : sur l’abeille et sur l’écosystème. « Après qu’on a discuté ensemble, les gens sont prêts à faire au moins une action positive, aussi simple qu’enlever du gazon pour le remplacer par des fleurs, essentielles aux abeilles, qu’il faut voir comme des animaux domestiques pollinisateurs de nos jardins. »

AVANT DE SE LANCER

L’abeille a un territoire, soit trois kilomètres autour d’une ruche. « C’est donc dire que lorsqu’on installe une ruche, il faut avoir une vision écosystémique. Tu penses à tout ce qu’il y a autour de chez toi : nourriture, plan d’eau, autres ruchers. »

Les gens veulent bien faire en installant une ruche à la maison. Il faut aussi garder à l’esprit que ce sont 70 000 abeilles à miel que l’on installe dans un système. « On vient de débalancer l’écosystème. On doit respecter l’indice de densité. » Selon lui, l’apiculture urbaine a sa place à Montréal, mais il souhaite un meilleur contrôle et une réglementation plus stricte de la part de la Ville. « Avec Miel Montréal [dont il est membre du conseil d’administration], c’est ce qu’on défend. Chaque rucher devrait avoir une portée éducative, on encourage les ruchers collectifs, accessibles à 10 ou 15 familles qui en bénéficient toutes et se séparent la production. » Considérant qu’une seule ruche produit 40 kilogrammes de miel, il est tout à fait justifié d’inciter les gens à partager le fruit du travail de leurs abeilles.

Après une rencontre avec Alexandre Beaudoin, on comprend que la ville est un écosystème que nous avons modifié et perturbé. « On a peut-être fait des erreurs parce qu’on n’avait pas cette vision écosystémique avant. Aujourd’hui, ayons une lecture différente de la ville », suggère-t-il. Positif et déterminé, il est convaincu que nous sommes sur la bonne voie. « Ça change, il y a beaucoup d’ouverture ». Et les abeilles demeurent pour lui un excellent moyen de faire passer son message.

Soulignons qu’Alexandre Beaudoin a eu droit à une mention d’honneur lors de la remise du Prix du Mont-Royal 2016, décerné par Les amis de la montagne et la Ville de Montréal, pour avoir intégré le mont Royal au cœur de ses activités professionnelles. De plus, il a récemment obtenu un prix au Gala de reconnaissance en environnement et développement durable de Montréal (remis par le Conseil régional de l’environnement), dans la catégorie entreprise et institution, pour son implication en tant que coordonnateur des Projets éphémères sur le chantier de construction du futur campus des sciences de l’Université de Montréal.

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