Environnement

Non, les verres de contact ne vont pas dans la toilette

Décidément, le plastique a la vie dure. Une étude américaine sonne l’alarme environnementale en révélant que 20 % de nos voisins du Sud jettent leurs verres de contact à la toilette. Résultat : environ 3 milliards de lentilles de plastique rejetées dans les cours d’eau chaque année.

L’étude a fait grand bruit la semaine dernière aux États-Unis lors du congrès annuel de l’American Chemical Society (ACS). Des chercheurs de l’Université de l’Arizona ont présenté les résultats d’une recherche étonnante qui tente de mesurer les effets environnementaux liés à la présence de ces lentilles dans les égouts.

Vu l’absence de données sur les habitudes de vie des gens qui portent des verres de contact, l’équipe de chercheurs a réalisé un sondage auprès de 409 personnes pour savoir où ils jetaient leurs verres de contact. Résultat : 20 % d’entre eux disposent de leurs lentilles dans l’évier ou dans la toilette.

Un comportement qui est probablement comparable à celui des Québécois, selon Langis Michaud, professeur à l’École d’optométrie de l’Université de Montréal, qui évalue le nombre de Canadiens portant des verres de contact à environ 6 ou 7 millions, soit près de 20 % de la population.

À partir des données de ce sondage, les chercheurs du Biodesign Center for Environmental Health Engineering ont fait des extrapolations.

Comme le nombre d’Américains portant des verres de contact s’élève à environ 45 millions, l’équipe évalue qu’entre 6 et 10 tonnes métriques de verres se retrouvent chaque année dans les égouts. Vu leur densité, on les retrouve dans le fond des eaux. Leur transparence les rend à peine perceptibles, mais selon ces chercheurs, ils pourraient menacer la vie aquatique.

Une situation évidemment facilement évitable, puisqu’il suffit de jeter ses verres de contact usés à la poubelle.

Leur conclusion : au contact de l’eau, les verres de contact, qui sont faits de plastiques, de fluoropolymères et de silicone, ne se décomposent pas complètement. Ils se fragmentent en particules fines. Non seulement ils vont se déverser dans les cours d’eau, mais on les retrouve dans les engrais faits à partir de la boue qui sort des usines d’épuration des eaux.

« Les usines de traitement des eaux usées ne sont pas conçues pour intercepter ce type de résidus », nous explique Viviane Yargeau, professeure au département de génie chimique de l’Université McGill, qui était au congrès de l’ACS la semaine dernière.

« Il y a une partie de ces microplastiques qui va rester dans l’eau, c’est sûr. »

— Viviane Yargeau, professeure au département de génie chimique de l’Université McGill

Le problème, c’est qu’au contact prolongé de l’eau souillée, ces fragments de microplastique vont se recouvrir de contaminants.

« La turbulence de l’eau de l’usine d’épuration fait en sorte que les lentilles vont se fragmenter, précise le professeur Yargeau, spécialiste du traitement des eaux usées. Ces fragments de microplastique ou de nanoplastique peuvent avoir des effets à long terme sur l’organisme. Ils peuvent aussi absorber des contaminants présents dans l’eau et devenir encore plus toxiques. »

Les chercheurs de l’Université de l’Arizona s’inquiètent justement du fait que ces microparticules de plastique mêlées aux contaminants puissent nuire aux espèces aquatiques des fonds marins, qui les confondent avec de la nourriture – comme pour les autres types de plastiques qui se retrouvent dans les océans et qui menacent quantité de poissons.

Chaîne alimentaire

La crainte des chercheurs est aussi que ces particules remontent la chaîne alimentaire jusqu’à nous.

Ce phénomène est-il vraiment inquiétant ? « C’est difficile de quantifier l’impact environnemental de cette contribution en particulier ou les effets potentiels sur la santé humaine liés à la seule présence de ces fragments de verres, nous dit la professeure Yargeau. Par contre, c’est un facteur additif qui s’ajoute aux facteurs de stress qui affectent la qualité de l’eau. »

« Jusqu’à présent, personne ne s’est vraiment posé la question. C’est le mérite de cette étude, indique le professeur Michaud. Les professionnels de la santé ont leur chemin à faire, c’est clair. Ils doivent être sensibilisés à cette situation et mettre en garde les gens pour qu’ils jettent leurs verres à la poubelle et non dans la toilette ou dans l’évier. L’avantage, c’est que c’est simple à mettre en place. »

De son côté, Viviane Yargeau s’inquiète plus encore du nombre grandissant de bactéries résistantes aux antibiotiques et à l’impact des contaminants de l’eau sur le système endocrinien. « Nos recherches portent beaucoup là-dessus en ce moment. »

Les chercheurs américains à l’origine de cette étude croient que les fabricants devraient au moins indiquer sur leurs emballages que les verres doivent être jetés avec les déchets domestiques.

Autres déchets à ne pas jeter à la toilette

Cotons-tiges

Tampons

Condoms

Lingettes humides de bébés

Couches

Soie dentaire

Cheveux

Médicaments périmés

Graisse alimentaire

Source : Ville de Montréal

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