Plus religieux, plus dépendant à la porno

Washington — Les jeunes hommes qui ont peur de la sexualité sont plus susceptibles d’avoir une consommation problématique de pornographie, selon une nouvelle étude américaine dévoilée au plus récent congrès de l’Association américaine de psychologie (APA).

« Depuis une dizaine d’années, on a découvert qu’il y a davantage d’utilisation et de problèmes de pornographie dans les populations plus religieuses aux États-Unis », explique Nicholas Borgogna, un psychologue de l’Université de l’Alabama du Sud qui a présenté ses résultats à la réunion annuelle de l’APA, en août, à Washington. « Nous pensons avoir trouvé le mécanisme liant ces deux phénomènes. »

L’utilisation plus élevée de la pornographie, révélée tant par les abonnements aux sites spécialisés que par les recherches sur Google, est particulièrement importante chez les jeunes hommes. « Jusqu’à l’apparition de la porno sur l’internet, il était difficile de constater que la pruderie religieuse s’accompagnait parfois d’une obsession pour le sexe, dit M. Borgogna. Il semble même qu’à consommation égale de pornographie, les hommes plus religieux ont davantage tendance à rapporter une consommation problématique de pornographie que les hommes moins religieux. »

Ces résultats s’appliquent-ils à la pruderie non religieuse, aux jeunes hommes à qui l’intimité sexuelle fait peur, que ce soit par immaturité ou par manque de confiance en soi ? « C’est une population très peu étudiée, probablement parce qu’elle ne fait pas les manchettes avec des comportements sexuels à risque, dit le psychologue de l’Alabama. On a un peu étudié les asexuels, ceux que la sexualité n’intéresse pas, parce qu’il s’agit d’un rejet du modèle culturel dominant. J’ai récemment eu en consultation un jeune homme de 18 ans parce que ses parents s’inquiétaient de son manque d’intérêt pour les relations intimes. »

« Nous avons vu une association entre la religiosité, le désir d’éviter les expériences à caractère sexuel et le risque de consommation problématique de pornographie. »

— Nicholas Borgogna, psychologue de l’Université de l’Alabama du Sud

Le phénomène est essentiellement masculin, selon M. Borgogna. « La pornographie en général est beaucoup plus utilisée par les hommes, particulièrement pour ce qui est de la consommation fréquente. Nous avons vu une association entre la religiosité, le désir d’éviter les expériences à caractère sexuel et le risque de consommation problématique de pornographie. Il reste maintenant à voir si c’est un lien causal. »

Il n’y a pas de définition admise de consommation problématique de pornographie, mais un seuil de plus d’une heure par jour est fréquemment mentionné. « Ça dépend beaucoup de l’individu, dit M. Borgogna. S’il n’a pas de problèmes conjugaux, ou alors si ça ne lui nuit pas au travail, il peut ne pas y avoir de problème malgré une utilisation fréquente des sites pornos. Une étude il y a 20 ans a rapporté que les symptômes négatifs, la dépression et l’anxiété commencent à partir de neuf heures par semaine. Dans ma pratique, je vois que si une personne passe plus d’une heure par jour sur les sites pornos, il y a généralement un problème ailleurs dans sa vie. » Il s’agit d’un seuil souvent utilisé par les études sur l’utilisation de la porno.

Et les homosexuels ? « On a des données pour les gais, et ils semblent avoir moins de problèmes à consommation égale, dit M. Borgogna. Consommer beaucoup de porno altère moins leur vie. Par contre, certaines données montrent que les homosexuels dans le placard ont plus de problèmes avec la pornographie. »

En 2014, le Journal of Sexual Addiction & Compulsivity avait consacré un numéro au complet au lien entre porno et religion. La recherche sur le sujet s’affine : une étude publiée l’an dernier dans le Journal of Sex Research concluait qu’une consommation élevée de pornographie pouvait augmenter le sentiment religieux, proposant qu’il s’agissait d’une forme d’autothérapie.

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