« Pourquoi acheter un abattoir ? » C’est la question à laquelle ont dû répondre Indira Moudi et son conjoint Guillaume Pham, tous deux ingénieurs, lorsqu’ils ont fait l’acquisition d’Abattoir Louis Lafrance & Fils.
« Notre décision avait de quoi étonner, convient Indira. Ce qui surprenait davantage, c’était de nous voir quitter Montréal pour aller nous installer en Mauricie ! »
« Mais ça faisait un bon moment qu’on voulait acheter une entreprise, ajoute-t-elle. On était sérieux. »
LE CHOIX DE LA RELÈVE
C’est ainsi que le couple – qui avait travaillé pour des multinationales et voyagé sur plusieurs continents – s’est retrouvé en avril 2012 à Shawinigan, secteur Grand-Mère.
« Il y avait là une entreprise familiale en bonne santé financière, avec des propriétaires compétents, et un marché en progression », se souvient Indira, diplômée de Polytechnique en génie industriel.
Or, comme c’est le cas dans bon nombre de PME familiales, aucun enfant de la famille ne souhaitait prendre la relève, et les propriétaires, François et André Lafrance, se sont tournés vers un repreneur.
UNE TRANSITION BIEN PLANIFIÉE
Indira Moudi ne s’en cache pas : elle n’avait aucune expérience du monde agroalimentaire au moment où les négociations se sont amorcées.
« Mais j’ai tout de suite senti que ça cliquait avec les propriétaires vendeurs, se souvient-elle. C’était essentiel que la chimie opère. »
Elle ajoute : « C’était une des conditions. On a insisté auprès des vendeurs pour qu’ils restent présents dans l’entreprise pendant une année entière, après l’acquisition, pour que la transition se fasse en harmonie et pour rassurer les employés. »
« Mon conjoint et moi, nous ne sommes pas nés dans la viande ! On ne connaissait rien aux techniques d’abattage d’ovins et de bovins. »
— Indira Moudi, présidente d’Abattoir Louis Lafrance & Fils
Indira Moudi s’emporte lorsqu’elle parle de la réalité de la transformation alimentaire au Québec, plus particulièrement des abattoirs québécois.
« Il n’y a plus beaucoup d’abattoirs de bœufs au Québec », déplore-t-elle à propos, notamment, de la disparition de Levinoff-Colbex, qui était considéré comme le plus grand abattoir de l’est du Canada, avec une capacité de 4750 têtes par semaine, à Saint-Cyrille de Wendover.
« Mais nous avons décidé d’aller à contre-courant, dans un certain sens, avec notre abattoir écoresponsable, avec notre système de traçabilité, insiste-t-elle. Personnellement, je tiens à ce qu’il y ait de la viande de qualité produite au Québec. Pour cela, il faudra protéger nos cheptels et encourager les éleveurs de la région à venir chez nous et à nous faire confiance. »
BILAN APRÈS CINQ ANS
Cela fera cinq ans, en avril 2017, que le couple Moudi-Pham a acquis l’entreprise familiale.
« On peut affirmer que c’est une réussite, souligne la présidente. La machine est bien rodée. Dès l’an prochain, on veut tester les marchés américains et européens, et cela suppose qu’on pourrait faire tourner l’usine sur un deuxième et peut-être même un troisième quart de travail. »
« Il faut de la passion et de la détermination pour acheter une PME, fait valoir Indira. Il faut aussi s’impliquer dans la région. Nous avons fait le pari de mieux faire connaître le potentiel économique de la Mauricie. »
Il faut comprendre que le couple ingénieux a la chance d’être bien accompagné par les membres de la famille.
« Ma grande sœur Amina travaille avec nous, dit-elle. Elle joue un rôle important dans les achats et la vente, qui constitue le poumon de l’entreprise. »
En bref
Louis Lafrance & Fils
1929 : année de fondation
40 : nombre d’employés
120 : nombre de moutons abattus à l’heure
40 : nombre de bœufs abattus à l’heure
Marchés : Montréal, Trois-Rivières, Québec
Propriétaires : Indira Moudi, présidente, et Guillaume Pham, directeur général