Journée internationale des femmes

100 ans de luttes, 100 ans d’avancées

Le mouvement pour les droits des femmes compte d’immenses gains à son actif, mais force est de constater que certaines injustices sont plus tenaces que d’autres. Dans le cadre de ce dossier spécial, La Presse revient sur des grands acquis et vous présente six enjeux pour lesquels il reste encore du travail à faire, et des solutions constructives pour y arriver.

Aux urnes, citoyennes

Il y a 100 ans, en « reconnaissance du rôle des femmes lors de la Première Guerre mondiale », le Canada leur accorde le vote après une longue campagne menée par les suffragettes, les abolitionnistes et les partis socialistes. «  Ces femmes se sont inspirées des mouvements en Grande-Bretagne, mais aussi aux États-Unis. Ces idées ont notamment été amenées par les immigrantes britanniques au début du XXe siècle », note Joan Sangster, professeure à l’Université Trent. Ce droit important ne s’étend pas automatiquement aux provinces. Faisant face à d’importantes réticences dans une société dominée par l’Église catholique, les Québécoises, Thérèse Casgrain en tête, mettront 22 ans de plus à obtenir le droit de vote. Les femmes autochtones vivant sur les réserves sont exclues de ces mesures. Elles ont obtenu ce droit en 1960.

Égales devant la loi

Adopté en 1866, le Code civil québécois, inspiré de celui de la France, met les femmes sur un pied d’égalité avec les enfants en matière de droits juridiques. « Le combat pour l’égalité juridique des femmes – qui concernait la propriété, les droits en tant que mère et bien d’autres – a débuté en même temps que la bataille pour le suffrage, mais a pris beaucoup plus de temps », dit Mme Sangster, qui vient tout juste de publier un livre intitulé Cent ans de lutte. Au Québec, les femmes ont dû attendre jusqu’au début des années 80 pour que le Code civil reconnaisse l’égalité complète entre conjoints.

Choisir la taille de sa famille

En scandant « nous aurons les enfants que nous voulons », le mouvement féministe québécois s’en est pris au rôle de l’Église dans les chambres à coucher dès la fin des années 50. L’accès aux contraceptifs – criminalisés à la grandeur du pays en 1892 – et à la planification familiale devient une des demandes centrales des groupes de femmes pendant la Révolution tranquille. En 1960, la pilule contraceptive est légalisée. Sept ans plus tard, la première clinique de planification des naissances au pays ouvre ses portes au Québec.

Moi, maman et le docteur Morgentaler

La bataille pour le droit à l’avortement a été féroce au Québec. Avant 1969, une femme reconnue coupable d’avoir volontairement mis fin à sa grossesse risque la prison à vie. Après cette date, il est seulement permis aux femmes dont la vie est en danger de subir un avortement dans un hôpital. Défiant la loi restrictive, le docteur Henry Morgentaler ouvre la première clinique d’avortement du pays à Montréal, s’exposant à de lourdes poursuites. La longue bataille judiciaire du médecin rebelle, combinée aux manifestations et actions féministes, finit par donner gain de cause au mouvement pro-choix. En 1976, le Québec devient la première province à permettre la pratique des avortements en clinique. Il faudra cependant attendre jusqu’en 1988 pour que l’avortement soit complètement décriminalisé et en 2006 pour que les frais soient couverts par l’assurance maladie.

Vers l’équité salariale

En 1995, à l’invitation de la Fédération des femmes du Québec, 850 femmes marchent pendant 10 jours de Montréal à Québec, sous le slogan « Du pain et des roses ». Elles réclament notamment la hausse du salaire minimum, l’adoption d’une loi sur l’équité salariale et la mise en place d’une infrastructure pour combattre la pauvreté. Toutes ces mesures sont adoptées dans les années qui suivent. Présidente de la Fédération des femmes du Québec à l’époque, Françoise David refuse de prendre tout le mérite de ces importantes avancées. Elle loue le travail de deux féministes, devenues députés péquistes, Lise Leduc et Céline Signori, qui ont fait cheminer ces idées au sein du gouvernement de Jacques Parizeau. « Moi, le mérite que j’ai pu avoir, c’est d’avoir dit que tout le mouvement féministe était derrière la coalition qui travaillait sur ce dossier depuis les années 80 », dit aujourd’hui Françoise David.

Concilier travail et famille

1997. Cette année est marquée d’une croix rouge dans l’agenda de plusieurs femmes. Cette année-là, le gouvernement provincial met sur pied les garderies à 5 $ et adopte le projet de régime d’assurance parentale. « Je rêvais de ça depuis mes 20 ans », dit aujourd’hui l’ancienne première ministre Pauline Marois, qui est aussi mère de quatre enfants. Avec la bénédiction de Lucien Bouchard, Mme Marois et sa collègue Nicole Léger ont travaillé d’arrache-pied pour bonifier la politique familiale québécoise. « Avec ces mesures, on a donné de vrais choix aux femmes et on a fait reculer la pauvreté », estime Mme Marois.

Halte à la violence

Dans les années 70, la même vague de féministes qui a revendiqué le droit à l’avortement et à la planification familiale porte aussi le combat contre la violence sexuelle, qu’elle prenne la forme du viol ou du harcèlement sexuel, note Yolande Cohen, professeure d’histoire à l’UQAM. À l’époque, plusieurs lois sont adoptées pour protéger les femmes. « Les femmes derrière les centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) faisaient partie du mouvement féministe et ont joué un rôle central », ajoute Mme Cohen. Le mouvement #moiaussi est la continuation de ce combat. « Aujourd’hui, les féministes disent : “On a des lois, mais il faut qu’elles soient appliquées” », dit Mme Cohen.

Entendre la voix des femmes autochtones

Depuis trois décennies, des femmes autochtones dénoncent l’assassinat et la disparition de leurs sœurs, dans l’indifférence générale. En 2004, Amnistie internationale publie un rapport consignant près de 500 cas et, de concert avec les organisations de femmes autochtones, demande au gouvernement d’agir. Cette demande restera lettre morte jusqu’en 2015, année où le gouvernement Trudeau annonce la tenue de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones. C’est alors qu’on apprend que ce ne sont pas 500, mais 1186 femmes qui manquent à l’appel. L’enquête en cours connaît des ratés, mais a enfin permis de révéler l’étendue de la violence faite aux femmes autochtones dans tout le pays.

L’histoire d’une fête

Le 8 mars 1908, 15 000 travailleuses du textile descendent dans les rues de New York pour demander l’amélioration de leurs conditions de travail ainsi que de leurs droits politiques. L’année suivante, pour commémorer ce mouvement de travailleuses, la première Journée des femmes voit le jour aux États-Unis dans les rangs socialistes. En 1910, lors d’une conférence internationale sur les femmes à Copenhague, la communiste Clara Zetkin décrète la Journée internationale des femmes. À l’origine, la journée est surtout observée dans les milieux syndicaux et les partis de gauche.

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