Plongeon de haut vol

Aller plus loin que la peur

Lysanne Richard va du Texas au Japon pour plonger à partir de plates-formes situées à 20 m au-dessus de l’eau. Le plongeon de haut vol a présentement la cote, et la Québécoise de 34 ans entend bien faire sa marque.

Lysanne Richard n’a pas froid aux yeux. Des yeux qu’elle a bleus, comme l’eau qu’elle voit en bas, tout en bas, quand elle plonge d’une plate-forme juchée à 20 ou 22 m du sol. C’est l’équivalent de sauter d’un immeuble de cinq ou six étages. La plongeuse de haut vol – aussi mère de trois enfants âgés de 2, 7 et 14 ans – adore ça.

« Mis à part mon rôle de maman, c’est le moment où je me sens le plus accomplie, dit la jeune femme de 34 ans, rencontrée dans un café montréalais. C’est intense, condensé. On va chercher une espèce de rush. La vitesse crée une dépendance, comme une drogue. »

Chaque plongeon dure trois petites secondes. « C’est super rapide », convient Lysanne Richard. Pendant les 10 premiers mètres dans les airs, les mouvements sont exécutés (son plongeon le plus difficile est un triple périlleux avant avec une vrille et demie), tandis que le reste de la chute sert à se redresser pour fendre l’eau les pieds premiers. À une vitesse d’environ 80 km/h, toute mauvaise entrée est dangereuse, au point où des scaphandriers attendent les athlètes dans l’eau.

Le plongeon de haut vol est une discipline des Championnats du monde de la Fédération internationale de natation (FINA) depuis 2013, en plus d’être présenté dans un circuit mondial commandité par les boissons énergisantes Red Bull. En compétition, les femmes plongent trois fois au total. « On va à l’autre bout du monde pour neuf secondes », s’amuse Lysanne Richard.

Ce sport extrême lui réussit : à sa première année de compétition, la Québécoise a terminé cinquième en plongeon de haut vol féminin aux Championnats du monde de la FINA, en août dernier à Kazan, en Russie.

« JE SUIS LA SEULE MAMAN SUR LE CIRCUIT RED BULL »

Est-ce irresponsable comme profession, pour une mère de famille ? « Conduire un autobus, pour moi, ce serait plus dangereux que plonger, répond avec aplomb Lysanne Richard. Je plonge depuis que je suis toute petite. Ce qui serait risqué, ce serait de perdre l’orientation spatiale, mais ça ne m’est jamais arrivé. Je ne tiens rien pour acquis, je m’assure que tout est sécuritaire. Je prends plus mon temps que les autres : je suis la seule maman sur le circuit Red Bull. »

« Ce n’est pas parce qu’on est maman qu’on ne peut pas s’accomplir. »

— Lysanne Richard

La discipline attire pourtant les trentenaires, « des gens qui ont un bagage de vie, après une carrière en plongeon ou comme artistes de cirque », indique la jeune femme.

C’est vers 11 ou 12 ans que Lysanne Richard a vu, pour la première fois, des téméraires plonger de très haut, lors d’un spectacle donné au Village Vacances Valcartier. « J’ai tout de suite su que je voulais faire ça », se souvient-elle. La Chicoutimienne d’origine a plutôt pratiqué le plongeon traditionnel, avant d’étudier à l’École nationale de cirque de Montréal. Elle a ensuite fait carrière dans cet univers, travaillant notamment pour le Cirque du Soleil (Zarkana) et Les 7 doigts de la main (Amuse). Trois enfants sont nés au fil du temps, et l’ont souvent accompagnée en tournée, avec leur papa.

Le plongeon de haut vol ? Lysanne Richard y a goûté à l’été 2000, alors qu’elle donnait des spectacles de plongeon chez les Ch’tis, dans le Pas-de-Calais, en France. Mais avant que le sport soit reconnu par la FINA, il était difficile de songer à s’y consacrer.

PROCHAINE COMPÉTITION À ABOU DHABI

Aujourd’hui, l’athlète a la chance de s'entraîner à la piscine du Parc olympique, essentiellement de la tour de 10 m, la plus haute d’où s’élançait Alexandre Despatie. Elle peut aussi sauter d’une plate-forme située à 17 m – juste sous le plafond –, mais seulement quelques fois par année (la piscine doit être fermée, il faut payer un agent de sécurité, un entraîneur, etc.).

Ça tombe bien : son aîné, Louka, 14 ans, étudiant au secondaire, il fallait s’ancrer à Montréal. Elle ne délaisse le nid que pour les compétitions, sept ou huit fois par an.

Prochaine épreuve : la Coupe du monde de la FINA à Abou Dhabi, du 27 au 29 février. Pour bien s’y préparer, la jeune femme a laissé son emploi d’entraîneuse pour Cardio plein air et cherche désormais des commanditaires.

« Le plongeon de haut vol a une grande visibilité », souligne-t-elle. Hautement spectaculaire, le circuit Red Bull Cliff Diving est présenté à TVA Sports. Et Lysanne Richard rêve de voir sa discipline inscrite aux Jeux olympiques, à Rio, dès cet été, ou à Tokyo, en 2020.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.