psychologie

Passer à travers le « Blue Monday »

Demain, c’est apparemment le jour le plus déprimant de l’année en raison du froid qui s’éternise, des factures des Fêtes qui s’accumulent et des résolutions non tenues… La triste réputation du troisième lundi de janvier n’a toutefois pas été scellée par une étude scientifique, mais par une campagne publicitaire conçue il y a 15 ans pour une agence de voyages britannique. Il reste que l’hiver mine le moral de bien des gens et qu’on peut avoir besoin d’un coup de pouce pour se remettre les idées en place. Inkblot, un service de consultation psychologique en ligne, profite du « Blue Monday » pour offrir des consultations gratuites aux Canadiens avec des psychothérapeutes et des travailleurs sociaux certifiés.

— Alexandre Vigneault, La Presse

Éthique ou étiquette

Grossesse, alcool et jugement social

Une question morale titille votre conscience ? Chaque semaine, Pause répond à vos questions. Cette semaine : boire un verre de vin enceinte, ou pas ?

La question

« Bonjour, je suis enceinte de plusieurs mois, mais je me permets de boire un verre de vin en mangeant, de temps en temps. Et ce, malgré les regards réprobateurs. Est-ce grave, docteur ? »

La réponse

Ah ! la grande question, que bien des femmes se posent un jour ou l’autre. Entre le désir de prendre une gorgée et la crainte de se faire juger, il n’est pas toujours facile de trancher. D’après Bryn Williams-Jones, directeur du programme de bioéthique de l’Université de Montréal, la réflexion se décline d’ailleurs sur deux plans. Attention, sa réponse n’est pas forcément celle à laquelle vous vous attendez.

D’un point de vue individuel, commence-t-il, rappelons que le Canada est une société qui accorde une grande valeur aux libertés individuelles, une liberté jugée « fondamentale ». À cet égard, une femme enceinte qui interrogerait aujourd’hui un médecin quant à savoir si elle peut, ou non, boire un verre en mangeant, de temps en temps, n’aurait pas la même réponse que dans les années 70, signale l’expert, qui donne entre autres un cours d’éthique et santé publique.

« Dans les années 70, la logique était très paternaliste. Le médecin était Dieu. »

— Bryn Williams-Jones, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

Or, ce n’est plus le cas. Un médecin, aujourd’hui, conseille désormais un patient dans une logique dite de « soutien à l’individu ». En un mot, oui, il doit s’appuyer sur des « données probantes », mais non, il ne doit pas tomber dans un « discours moralisateur et paternaliste ». Ultimement, c’est l’individu qui choisit.

L’environnement social

Et c’est ici qu’entre en jeu le deuxième plan de réflexion : le discours social. On le sait, socialement, que ce soit à travers le « regard des autres, les messages dans les médias ou les campagnes de santé publique », on pose un regard « omniprésent » sur les femmes, poursuit l’éthicien. Et pas seulement quand elles sont enceintes. En santé, en mode, en alimentation, « le regard social est très fort ».

Pour ce qui est de la consommation de vin (ou de café, d’ailleurs, glisse-t-il), l’idée selon laquelle toute femme enceinte devrait s’abstenir est largement répandue. 

« Oui, c’est ancré dans des connaissances et des perceptions sur les risques associés à l’alcool. Certaines sont fondées. Mais pas toutes. »

— Bryn Williams-Jones

Évidemment, on le sait, les effets associés à la surconsommation d’alcool sont néfastes pour le fœtus. De là à interdire toute consommation, pour toutes les femmes, il y a un pas que l’éthicien refuse de faire. Il cite ici à titre d’exemple (à ne pas suivre) une campagne de santé publique américaine qui suggérait à toutes les femmes qui souhaitaient tomber un jour enceintes de s’abstenir totalement de consommer. « À toutes les femmes en âge de procréer ! s’exclame-t-il. C’est énorme ! C’est un regard paternaliste qui n’est pas nécessairement fondé sur des données très fiables. »

Gare à la tolérance zéro

Faut-il le rappeler ? S’il y a des risques associés à une surconsommation d’alcool, il y en a également à vivre dans un centre-ville pollué, ou encore à être sujet à un stress quelconque (comme le regard moralisateur extérieur…). « Tout cela aussi peut avoir un impact néfaste. » D’où la question posée par Bryn Williams-Jones : « La tolérance zéro, est-ce raisonnable ? »

Cette idée de viser le risque zéro est non seulement déraisonnable (« en essayant d’éliminer tous les risques, est-ce qu’on ne devient pas paranoïaque et hypocondriaque ? ») et irréaliste, mais en plus, elle ôte aux femmes leur droit fondamental de décider ici par elles-mêmes. 

« Le problème avec les politiques de zéro tolérance, c’est qu’on ne laisse pas de place au jugement… » 

— Bryn Williams-Jones

Comme si les femmes n’étaient pas elles-mêmes en mesure de prendre une décision dans le « meilleur intérêt de leur enfant ».

Solution ? Reconnaître les limites d’un discours moralisateur (en matière de déresponsabilisation) et adopter une « perspective globale », propose le professeur. « Peut-être qu’un verre par semaine, je propose un chiffre fictif, peut permettre à une femme de se détendre, et lui laisser reconnaître qu’elle est elle-même responsable de sa vie, en contrôle ? Au lieu d’être déresponsabilisée et toujours surveillée ? »

Qu’on se le dise : « On ne vit pas dans une société de zéro risque, conclut notre expert. L’important, c’est d’analyser les risques. Et de [les] gérer. »

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