Santé

Moins nocives, les charcuteries artisanales ?

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a conclu il y a deux ans que la consommation de viandes transformées, comme les charcuteries, peut provoquer le cancer, en particulier le cancer colorectal. Est-ce à dire que même les charcuteries artisanales sont à bannir de notre assiette ?

Qu’est-ce qu’une viande transformée ?

Par viandes ou produits carnés transformés, l’OMS entend toutes les viandes qui ont subi un processus de « salaison, maturation, fermentation, fumaison ou d’autres processus mis en œuvre pour rehausser [leur] saveur ou améliorer [leur] conservation ». Les saucisses (dont les saucisses à hot-dog), le bacon, la viande en conserve, le jambon, le smoked meat et les charcuteries en général font partie des produits visés.

L’enjeu, les nitrites ?

Les nitrites (sel de céleri – pas le mélange qu’on a dans la cuisine – et sel nitrité) servent d’agent de conservation dans la confection de la plupart des produits de viande parce qu’ils aident à conserver leur coloration, à garder l’eau résiduelle (ce qui ralentit l’assèchement) et possèdent des propriétés antibactériennes. Ils sont efficaces contre la bactérie qui provoque le botulisme, notamment. L’OMS ne les pointe pas directement et se limite à dire que « différents modes de conservation peuvent entraîner la formation de substances cancérogènes (comme des composés N-nitrosés) ». Elle dit ne pas savoir si les nitrites ont un impact sur le risque de cancer ni dans quelle mesure.

Est-ce la même chose pour les produits artisanaux ?

Il faudrait d’abord s’entendre sur ce qu’est une charcuterie artisanale. L’utilisation de ce terme n’est pas réglementée au Québec. De petits producteurs peuvent être considérés comme des artisans, mais le terme « artisan » n’est pas protégé par une appellation contrôlée. Il est donc aussi utilisé pour qualifier et mettre en marché des produits de fabrication industrielle. Par ailleurs, l’OMS ne fait pas de distinction entre ces deux types de produits carnés, souligne Martin Juneau, cardiologue et directeur de la prévention à l’Institut de cardiologie de Montréal.

Utilisés presque partout

« L’artisan et l’industrie utilisent le sel nitrité ou le sel de céleri. Tout le monde utilise la même chose, dit la charcutière Nathalie Joannette, de Fou du cochon. Peut-être que les artisans en utilisent moins. Je ne le sais pas. Il faudrait les questionner. » Sa gamme de produits dits « bio » est la seule en Amérique du Nord, assure-t-elle, à n’utiliser que du sel de mer. Elle est « sans nitrite aucun, sans sel de céleri », précise la charcutière établie dans la région de Kamouraska. Richard Béliveau, directeur du Laboratoire de médecine moléculaire de l’UQAM et coauteur du livre Prévenir le cancer, souligne que des études qui se sont penchées sur les produits de viande et les charcuteries tendent à démontrer que les additifs et agents de conservation sont présents en moins grande quantité dans ceux qui sont de fabrication artisanale. Il se garde d’en tirer des conclusions quant à leur impact sur la santé.

Préjugé favorable

« Un produit artisanal contient, en principe, moins de produits chimiques et on peut présumer que c’est un peu mieux. Mais il n’y a pas vraiment de preuve », dit le Dr Martin Juneau. Ce préjugé favorable a tout de même une certaine valeur, selon Richard Béliveau qui, en évoquant le « gros bon sens », ne met pas spontanément les saucisses à hot-dog ou le saucisson de Bologne et le jambon ou le saucisson de fabrication artisanale dans le même panier. Ainsi, comme le Dr Juneau, il croit que les gens qui souhaitent continuer à manger des charcuteries devraient a priori privilégier les charcuteries artisanales et locales aux produits industriels. « On n’est pas dans la science, insiste-t-il, mais dans le jugement humain. »

Modération

Comme l’OMS, le Fonds mondial de recherche contre le cancer conseille d’éviter les viandes transformées, ou alors de n’en consommer que de très petites quantités. Ces aliments sont riches en sel et en gras saturés « et ne constituent pas toujours une source intéressante de protéines », ajoute Extenso, le Centre de référence sur la nutrition de l’Université de Montréal. « Ça reste, selon moi, l’une des catégories de viande les moins bonnes », conclut le cardiologue Martin Juneau.

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