La séduction animale en huit temps

Quand on sait que le panda produit naturellement près de mille parfums, que le chant de l’alouette connaît des centaines de variations et que nombre d’insectes offrent des cadeaux à leur dulcinée, la question se pose : que peut nous apprendre la nature en matière de drague ? Huit choses à savoir.

1. 

Le mâle séduit, la femelle choisit

Dans la plupart des espèces animales, c’est le mâle qui chante, danse ou se bat pour attirer l’attention de la femelle qui, par la suite, choisira le plus beau, le plus talentueux ou le plus fort des mâles disponibles. Pourquoi ? Disons pour résumer que deux stratégies s’affrontent : la quantité contre la qualité. D’un côté, « les mâles veulent copuler le plus possible pour assurer leur descendance », résume l’éthologue et primatologue Daniel Paquette. Et les femelles, elles, cherchent à sélectionner les meilleurs gènes. « Parce qu’elles portent les bébés, leur stratégie de reproduction ne peut donc pas être d’en avoir le plus possible. Elles visent plutôt la qualité de la progéniture. »

2. 

Que les meilleurs chanteurs (et danseurs) gagnent

L’alouette est capable de chanter pendant 40 minutes sans s’arrêter. En faisant sa parade nuptiale, l’albatros adopte plus de 20 postures différentes. Non, cela ne relève pas du tout de la coquetterie. En fait, chanter ou danser demande une force et une énergie insoupçonnées. C’est précisément ce que la femelle juge et évalue ici : lequel de ses prétendants a le plus de puissance et de vigueur ? Lequel léguera les meilleurs gènes à sa descendance ? Certainement pas les piètres danseurs ! « La danse est une arme de séduction massive ! », dit le scientifique et humoriste Boucar Diouf, qui a écrit un livre sur le sujet (Pour une raison X ou Y). Une arme qui a autant de succès chez les humains, dit-il.

« C’est démontré qu’un gars qui a une guitare sur son dos a bien plus de chance avec les filles qu’un humoriste qui raconte des blagues ! Ça, la cigale l’a compris ! »

— Boucar Diouf, scientifique et humoriste

3. 

Gare aux cadeaux empoisonnés

Tout comme le chant ou la danse, ce n’est pas (que) pour leurs beaux yeux que les mâles offrent des cadeaux aux femelles. En fait, quand un oiseau marin dépose un petit poisson au pied de sa douce, ou quand un goéland régurgite son dernier repas, c’est plutôt pour démontrer ses qualités de pêcheur, sa capacité à nourrir la femelle et éventuellement ses petits. Mais tous les mâles ne sont pas si bien intentionnés. Certaines espèces de mouches emballent leurs cadeaux d’une soie. « Ils gagnent du temps : pendant que la femelle déballe le cadeau, ils peuvent s’accoupler plus longtemps ! », illustre l’auteur Jean-Baptiste de Panafieu, qui vient de publier Séduire comme une biche, un essai sur le sujet. Et il y a pire : d’autres offrent carrément des paquets vides, afin de profiter gratuitement de la femelle pendant le déballage…

4. 

L’avantage d’être bon bricoleur

Chez certaines espèces, tout particulièrement chez les oiseaux, les mâles bricoleurs sont les plus appréciés des femelles. Toujours selon la logique voulant qu’il faille choisir le meilleur géniteur et le meilleur protecteur, chez les mésanges, notamment, « il y a véritablement une observation très poussée de la femelle lorsque le mâle fait son nid, poursuit Jean-Baptiste de Panafieu. Il faut que la construction soit belle et solide pour attirer la femelle ».

« La femelle va pondre si le nid lui plaît. Et si le nid lui plaît vraiment, elle va aussi couver les petits. Sinon ? Elle les laisse au mâle et va voir ailleurs… »

— Jean-Baptiste de Panafieu, biologiste et auteur

5.

Le succès des femelles d’expérience

De manière générale, les femelles préfèrent les mâles plus âgés, parce qu’ils sont plus forts, plus expérimentés et plus aptes à les protéger. Mais dans certains cas, ce sont plutôt les mâles qui favorisent les femelles d’expérience. « Les mâles chimpanzés préfèrent les femelles plus vieilles, car elles sont plus expérimentées comme mères et plus expérimentées sexuellement », signale le spécialiste des comportements animaux Daniel Paquette (à qui l’on doit Ce que les chimpanzés m’ont appris), en soulignant au passage que contrairement aux humaines, les femelles chimpanzés ne traversent pas de ménopause.

6.

Tout est dans la nature

Un exemple ? Chez les cygnes noirs d’Australie, 20 % des couples sont composés de deux mâles. « Et ils vont se débrouiller pour obtenir des petits, soit en séduisant une femelle et en la chassant après la ponte, reprend Jean-Baptiste de Panafieu, soit en piquant des œufs à des couples hétéros. » Mieux : les petits auront ici une meilleure espérance de vie, car ils seront protégés par deux mâles. Sur le littoral européen, certaines espèces d’oiseaux forment carrément des « trouples », soit des couples composés de deux femelles et un mâle, s’accouplant entre eux et produisant plus de petits que la moyenne.

7.

Infidèle un jour…

On a longtemps cru que les oiseaux étaient des exemples de monogamie. Chez certaines espèces d’oiseaux marins (notamment les mouettes), on voit des couples se former, avoir des petits, s’en occuper ensemble, et durer jusqu’à la mort. Or, des recherches d’ADN récentes ont permis de démontrer que la réalité était tout autre. Ainsi, chez certains, « jusqu’à la moitié des petits sont d’un père non officiel », rit Jean-Baptiste de Panafieu. Et cette extraconjugalité n’est pas exclusive aux oiseaux, loin de là. Chez les marmottes, un petit sur trois est ainsi « illégitime ».

8.

Le mot de la fin

Bien sûr, les parallèles avec l’espèce humaine sont faciles, rapides et surtout amusants à faire. « L’anthropomorphisme, pour faire sourire, c’est acceptable », dit Boucar Diouf. Mais n’allez surtout pas tirer ici de grandes leçons de vie. « Il est toujours extrêmement dangereux de faire des parallèles entre les mondes animal et humain », conclut le directeur général de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), biologiste et éthologue Luc-Alain Giraldo. Dans son livre Dans l’œil du pigeon, il défend précisément cette thèse. Parce qu’au-delà des parades nuptiales, il y a aussi des pratiques animales franchement moins roses.

« Ce n’est pas glamour, ce n’est pas romantique, mais dans la nature, il y a aussi plein d’animaux chez qui les mâles prennent de force les femelles. »

— Luc-Alain Giraldo, éthologue et directeur général de l’INRS

Le meilleur (ou le pire) exemple est certainement celui de la punaise de lit. Imaginez-vous que madame n’a pas d’« orifice génital ». Monsieur, à l’inverse, en guise d’organe reproducteur, est doté d’un « poignard ». Pour la féconder, il doit donc littéralement la percer. Moins romantique que ça, tu meurs…

La séduction animalE en huit temps

Quand on sait que le panda produit naturellement près de mille parfums, que le chant de l’alouette connaît des centaines des variations et que nombre d’insectes offrent des cadeaux à leur dulcinée, la question se pose : que peut nous apprendre la nature en matière de drague ? Huit choses à savoir.

La séduction animale en chiffres

Monogamie

10 %

La monogamie véritable est très peu commune dans le monde animal. Par exemple, seuls 10 % des passereaux (oiseaux) sont monogames.

Homosexualité 1/4

Chez les cygnes noirs d’Australie, un couple sur quatre est composé de deux mâles.

1500

Les chercheurs ont observé des cas d’homosexualité chez 1500 espèces.

Infidélité

1/3

Le tiers des petits des marmottes sont nés de relations « extraconjugales ».

Séduire comme une biche ou comment trouver le bon partenaire

Jean-Baptiste de Panafieu et Jean-François Marmion, Salamandre, 195 pages

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