Richard Legendre

Un homme authentique et un bâtisseur

En grandissant à Québec dans les années 70, le nom de Richard Legendre m’était déjà familier.

Sans le connaître, je savais qu’il était une légende du parc des Saints-Martyrs, pas très loin de la maison familiale, où il a frappé des milliers de balles de tennis. Son nom revenait souvent dans les pages sportives. Ses réussites et celles de son camarade Réjean Genois nous rendaient fiers. Imaginez : ils étaient si doués que l’Université Florida State leur avait attribué des bourses d’études. Deux p’tits gars de chez nous, porteurs d’une telle marque de confiance, ce n’était pas banal.

Combatif – il était capable de se choquer sur le court –, Legendre a poussé sa carrière aussi loin que possible, devenant un des meilleurs au pays. À l’arrivée des années 80, il a délaissé ses habits de joueur pour se glisser lentement dans ceux de gestionnaire sportif. Au cours des 35 années suivantes, avec son amabilité sans faille, mais surtout une efficacité redoutable dans la conduite de ses dossiers, il est devenu un acteur de premier plan de la scène sportive québécoise.

Hier, Legendre a annoncé qu’il prenait sa retraite. Il célébrera ses 66 ans en janvier prochain et souhaite passer à une autre étape de sa vie. Il quitte donc l’Impact, l’organisation à laquelle il a consacré toute son énergie à titre de vice-président depuis 2007.

« Je ne connaissais pas le soccer à mon arrivée [avec l’Impact]. J’étais un ex-gars de tennis et un ex-politicien. Je me demandais si je serais capable d’aider… »

— Richard Legendre

Ce doute était superflu. L’Impact a accompli un progrès formidable au cours de toutes ces années. Plusieurs changements se sont produits dans l’organisation, mais Legendre est demeuré présent, une force tranquille aux côtés de Joey Saputo. On devine que sa sagesse et son expérience ont aidé le combatif propriétaire-président à prendre du recul dans des situations corsées.

Legendre a été au cœur de tous les grands chantiers de l’équipe : construction et agrandissement du stade Saputo, entrée en Major League Soccer (MLS) et, surtout, cette bataille de tous les jours, à la fois stimulante et frustrante, pour augmenter le rayonnement de l’Impact dans notre paysage sportif.

En 2014, il a lancé un cri du cœur, affirmant ressentir l’impression que Montréal était la ville d’un seul club, le Canadien. « Je ne dirais plus jamais ça, ce n’est plus vrai, a-t-il dit, hier. Mais il faut compléter le travail. L’Impact doit progresser encore plus. »

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Legendre fera profiter les générations montantes de son expertise. Il devient professeur associé au programme de deuxième cycle en management du sport de HEC Montréal. Si ses propos d’hier en conférence de presse en sont l’indication, il captivera les étudiants.

Voici, par exemple, comment il a raconté son premier contact avec l’Impact, lorsqu’il était ministre des Sports dans le gouvernement Landry. C’était en 2001 et l’avenir de l’équipe était financièrement précaire. Un matin, le premier ministre l’appelle et lui demande s’il est possible de donner un coup de main à l’organisation.

« J’étais ministre depuis à peine six mois. Mon directeur de cabinet m’a alors dit : “Richard, tu dois savoir deux choses : d’abord, le premier ministre ne t’appellera pas souvent ; ensuite, quand il te demande si on peut faire quelque chose, ça veut dire, en traduction libre, fais de quoi !” »

Quelques semaines plus tard, le gouvernement et Hydro-Québec se sont impliqués pour donner de l’air à l’organisation.

Legendre a apprivoisé le monde de la politique au point de se présenter à la course à la direction du Parti québécois en 2005. Ce fut pour lui un exercice dur, mais instructif. André Boisclair a été choisi et Legendre est demeuré député jusqu’aux élections de 2007, où il a été battu dans sa circonscription de Blainville. Il a alors fait signe à l’Impact, qui l’avait pressenti l’année précédente. « Ma défaite électorale s’est transformée en une des grandes victoires de ma vie : j’ai gagné l’Impact de Montréal. »

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Legendre laisse un héritage durable à l’Impact. Mais c’est au tennis que son empreinte a été le plus marquée. On l’oublie aujourd’hui, mais en 1993, les Internationaux du Canada à Montréal étaient menacés en raison de la vétusté des installations du parc Jarry. L’ATP a même expédié une lettre officielle à Tennis Canada afin de s’informer de l’état du projet de rénovation. C’était le signe de l’impatience grandissante des responsables du tennis masculin.

Sur toutes les tribunes, Legendre a fait la promotion de son plan de relance du complexe du parc Jarry, une affaire de 24 millions. Il y avait urgence, puisque Toronto et Vancouver auraient sûrement été heureux de prendre la relève. La récente récession ayant laissé des traces, ses alliés et lui ont dû déployer des trésors de conviction pour mener l’affaire à bien.

Un an plus tard, lorsque l’accord de financement a été entériné, Legendre a vécu un moment de vive émotion. Les yeux brillants, il a lancé : « C’est une grande satisfaction pour le p’tit gars de tennis que je resterai toujours… » À son avis, il s’agissait de la « meilleure nouvelle » de l’histoire du tennis québécois.

Avec le recul, on constate que Legendre a vu juste. Ces installations ont donné un élan extraordinaire à l’essor de ce sport. Et aujourd’hui, Montréal accueille le Centre national d’entraînement, où les meilleurs joueurs du pays développent leur talent. Qui aurait imaginé ça au milieu des années 90 ?

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Legendre est né à Montmagny, mais a grandi à Québec, où sa famille s’est établie quand il avait 2 ans. Il n’a pas vécu dans la richesse, la famille partageant un modeste appartement. Mais les valeurs de dépassement et de travail l’ont toujours animé. Cela lui a valu un parcours exceptionnel durant lequel il a bien servi le Québec.

Hier, c’est un homme authentique qui a annoncé sa retraite. Et un bâtisseur aussi.

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