Jeunes Montréalais de 15 à 24 ans

Deux fois moins de suicides

Le taux de suicide chez les jeunes Montréalais de 15 à 24 ans a diminué de plus de moitié en 15 ans, révèle un important rapport de la Direction régionale de santé publique de Montréal obtenu par La Presse. Une amélioration fort réjouissante, mais qui ne doit pas éclipser le fait que la détresse est encore grande chez les jeunes, particulièrement chez les filles, affirme la directrice régionale de santé publique de Montréal, la Dre Mylène Drouin.

Chute fulgurante

Pour la première fois en 15 ans, la Direction régionale de santé publique (DRSP) de la métropole présente en détail les statistiques sur le suicide sur son territoire. Dans le document, on apprend entre autres que le taux de suicide par 100 000 habitants chez les jeunes de 15 à 24 ans est passé de 15,3 à 6,4 en 15 ans. « Est-ce dû aux campagnes de sensibilisation, à l’amélioration de l’accès, aux tabous qui sont moins grands […] ? Clairement, quelque chose s’est passé », affirme la Dre Drouin. « Les campagnes de prévention dans les écoles ont porté leurs fruits. Mais le suicide demeure la deuxième cause de mortalité chez les jeunes après les accidents », note le directeur général de Suicide Action Montréal, Luc Vallerand.

Inquiétudes chez les hommes

Si la situation s’améliore chez les jeunes, elle continue d’être préoccupante chez les hommes de 45 à 64 ans. « Chez ce groupe, le taux de mortalité par suicide est de 28 pour 100 000 habitants, soit un taux environ deux fois et demie plus élevé que pour les femmes du même groupe d’âge (11 pour 100 000) », peut-on lire dans le rapport de la DRSP. « Chez les hommes, il existe des difficultés à les amener à consulter ou à demander de l’aide », affirme M. Vallerand. Selon la Dre Drouin, diminuer le nombre de suicides chez les hommes de 45 à 64 ans est « une priorité ».

Bonne figure au Québec, moins au Canada

De toutes les régions québécoises, c’est à Montréal et à Laval que les taux de suicide sont les plus faibles. La Dre Drouin rappelle toutefois qu’en nombre absolu, 204 morts par suicide surviennent chaque année dans la métropole. Près d’une personne sur cinq qui se suicide au Québec réside à Montréal. « Le suicide demeure une cause importante de décès évitables », affirme-t-elle. À l’échelle canadienne, Montréal (11 pour 100 000) présente un plus fort taux de suicide que des villes comme Toronto (8,4 pour 100 000), Vancouver (9,7 pour 100 000) ou Winnipeg (10,5 pour 100 000). Pourquoi ? « On ne sait pas. Mais ça démontre que ça doit rester une priorité », dit la Dre Drouin.

Les quartiers défavorisés plus touchés

Certains quartiers de Montréal comme Pointe-Saint-Charles et Hochelaga-Maisonneuve sont plus touchés par le suicide. « Les personnes résidant dans un milieu plus défavorisé socialement présentent un taux de mortalité par suicide environ de deux fois et demie supérieur à celles vivant dans un milieu plus favorisé », peut-on lire dans le rapport. Isabelle Catellier, coordonnatrice santé mentale, itinérance et populations vulnérables au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, explique que pour aller vers la clientèle plus vulnérable, des intervenants travaillent déjà dans les refuges pour sans-abri et dans les services communautaires, entre autres. Janie Houle, psychologue communautaire et professeure au département de psychologie de l’UQAM, affirme que les données publiées aujourd’hui doivent « changer notre façon d’intervenir ». « Plutôt que d’offrir des services pour tous, il faut trouver un moyen d’aller chercher des clientèles plus ciblées », dit-elle. Mme Houle explique notamment que les gens de milieux défavorisés « ne vont pas vers les lignes d’appel ». « Des mesures ciblées sont déjà adoptées. Mais il faut en faire encore plus », dit-elle.

La multiethnicité comme protection

Certains quartiers plus multiethniques, comme Côte-des-Neiges, desservi par le CLSC De la Montagne, sont moins touchés par le suicide. La Dre Drouin indique que parmi les hypothèses pouvant expliquer ce phénomène figure le fait que les croyances religieuses ou reliées au pays d’origine peuvent agir comme « protection » contre le suicide. « Parmi les hypothèses, on parle aussi de la qualité des réseaux sociaux qu’on y trouve et de l’isolement qui est moins grand », ajoute Mme Houle.

Grande détresse chez les jeunes filles

À la lecture du rapport, la Dre Drouin dit s’inquiéter du fait que le taux d’hospitalisation pour tentative de suicide est particulièrement élevé chez les jeunes Montréalaises de 12 à 17 ans. Elle estime que les jeunes vivent de nos jours beaucoup de stress et d’anxiété, et que la santé publique compte accélérer les interventions faites en milieu scolaire à ce sujet.

Où aller ?

Au cours des derniers mois, différents cas de personnes suicidaires ayant été incapables d’obtenir de l’aide dans le réseau de la santé ont fait la manchette. L’infirmière clinicienne Louise Gendron travaille depuis 10 ans au guichet d’accès en santé mentale adultes du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal. « C’est grand, le réseau. Il faut dire haut et fort que dans chaque territoire, il y a des accueils psychosociaux, des centres de crise, des urgences… Quand ça ne va pas, allez-y. On travaille avec rigueur. On fait attention à chaque appel. On est préoccupés par la souffrance des patients. On fait notre possible pour donner les services rapidement. » La Dre Drouin ajoute que la santé publique juge prioritaire de bien faire connaître les services et de s’assurer que tous y aient accès en temps opportun. « Il ne faut laisser personne entre les mailles du filet », dit-elle.

Ligne de prévention du suicide, partout au Québec : 1 866 APPELLE (277-3553)

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