COMMANDITÉ

Qui est la personne la plus stressée au Québec ?

Certaines personnes combattent des incendies ou traversent les chutes Niagara sur un fil de fer, et c’est business as usual. D’autres font des crises de panique assises dans leur cubicule au bureau. On vit tous du stress à différents degrés, mais certains le tolèrent visiblement mieux que d’autres. Comment ? On est partis à la recherche de ceux qui vivent un stress immense au quotidien afin d’essayer d’en tirer quelques leçons.

La recette du stress

Entre chasser une grosse bête poilue pour nourrir son village ou finir une importante présentation pour notre patronne pendant que bébé pleure, les réponses physiologique et psychologique au stress sont sensiblement les mêmes. Malgré des milliers d’années d’évolution, le cerveau ne fait pas la différence entre ces deux situations qui nous font transpirer.

Selon le Centre d’études sur le stress humain de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal, notre système nerveux déclenche une réaction de stress dans les situations suivantes : lorsqu’on manque de contrôle sur une situation, lorsque quelque chose est imprévisible, lorsqu’on est confronté à quelque chose de nouveau ou lorsque nos capacités sont mises à l’épreuve (ou que notre ego en prend pour son rhume).

Et le prix est décerné à…

C’est avec ces critères en tête qu’on s’est demandé qui serait la personne la plus stressée du Québec. Qui sont ceux et celles qui vivent leur quotidien avec l’adrénaline dans le tapis ? Notre radar à stress nous a mis sur la piste d’un militaire qui désamorce des bombes, d’une contrôleuse aérienne et d’un médecin d’urgence.

Adjudant Sylvain Ross, ingénieur de combat spécialisé en neutralisation d’engins explosifs artisanaux

Militaire depuis 18 ans, Sylvain Ross a effectué trois longues missions en Afghanistan, où il avait notamment comme tâche de neutraliser des bombes. Ça demande une dose de sang-froid immense. Et n’allez surtout pas croire que ça se passe comme dans les films. « Y a pas d’affaire de couleurs de fils », dit-il.

À Kaboul et à Kandahar, l’adjudant Ross désamorçait quotidiennement des explosifs, le tout à l’aide d’un robot ou manuellement. C’est un travail de précision et de minutie. « Y a pas de coupage de coins ronds. La note de passage, c’est pas 60 % : c’est 100 %. Sinon, quelqu’un meurt », explique l’homme.

Le stress, il l’a ressenti. En plus de devoir gérer la panique des autres.

Sylvain Ross est l’un des plus spécialisés au pays, mais une bombe, c’est une bombe. Il s’est « fait exploser » à deux reprises. Une fois dans un véhicule à l’épreuve des engins explosifs, et une autre alors qu’il était à moins de deux mètres d’une mine qu’il allait neutraliser. Son équipement l’a sauvé et, heureusement, il a encore tous ses membres. « J’ai eu un trouble de choc post-traumatique et j’ai fait de la thérapie. Mais je me suis réexposé et je suis un cas de succès. Je suis encore un membre actif et fonctionnel des Forces. »

Niveau de stress comparable :

Vivre dans Fort Boyard alors que les tigres sont en cavale et que Félindra panique.

Nicole Hawley, contrôleuse de circulation aérienne à l’aéroport Montréal-Trudeau

Nicole Hawley est contrôleuse aérienne depuis 27 ans. Assise devant son ordinateur, elle dirige les avions qui décollent et atterrissent dans les mêmes corridors. Ce qui veut dire entre 12 et 14 avions toutes les 2 ou 3 minutes. Puis ça recommence.

À cela, il faut ajouter les vents, une piste à déglacer, un animal dans le chemin ou un orage qui approche. C’est une pro du multitâche. Elle doit prendre des dizaines de décisions à la minute pour faire en sorte que votre retour de la Jamaïque se déroule bien. Son emploi est reconnu comme l’un des plus stressants du monde.

L’exactitude est primordiale, et tout est une question de secondes. « Il faut faire la bonne chose au bon moment, dit Nicole Hawley. Cinq secondes et c’est trop tard. Ça demande énormément de concentration. » Ses collègues et elle se relaient et prennent souvent des pauses. « C’est quand on commence à ressentir la fatigue qu’on devient moins efficace. La première chose qu’on perd, c’est le timing. »

Niveau de stress comparable :

Être coincé à l’aéroport pendant une semaine avec juste les magazines à potins du Relay à lire.

Dr Éric Lalonde*, urgentiste et chef du département de médecine d’urgence du CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal

Médecin d’urgence depuis 18 ans, Éric Lalonde est chef de département de quatre salles d’urgence montréalaises, dont celle de l’hôpital du Sacré-Cœur, qui est l’une des plus grosses du Québec. Contrairement à beaucoup d’autres jobs stressantes, la sienne implique des décisions qui ont une incidence directe sur la vie (ou la mort) d’une personne.

Le Dr Lalonde doit prendre en charge des accidentés, des personnes qui ont des fractures ouvertes, un membre de la famille qui crie, etc. Il lui faut alors établir une liste de priorités et gérer son équipe. Pour lui, l’inconnu est ce qu’il y a de plus stressant. « Quand on sait qu’on a un trauma par balle qui s’en vient en ambulance dans 10 minutes, il y a beaucoup d’inconnu, explique-t-il. Lorsque le patient arrive, on devient plus calme, parce qu’on prend des décisions et on agit. »

Et parmi tous les gens qui attendent à l’urgence pendant des heures, il y a la pression de trouver l’aiguille dans la botte de foin. « Le plus gros challenge, c’est que si j’ai une salle remplie de monde avec plus ou moins les mêmes symptômes de rhume, je dois trouver celui qui est vraiment malade, et je ne dois pas rater mon coup », dit Éric Lalonde.

Niveau de stress comparable :

Travailler encore plus fort que les acteurs de Trauma, la série médicale de Fabienne Larouche.

Les leçons du stress

Ce qui revient souvent en parlant à ces personnes, c’est l’importance d’être constamment en formation. Elles réussissent à gérer leur stress en étant toujours au fait des nouveautés. On en comprend qu’il faut sans cesse relire ses notes, connaître les plus récentes techniques, effectuer des simulations et ne rien tenir pour acquis. C’est ce qui permet d’être en contrôle et en pleine possession de ses moyens.

Ce qu’on retient de l’adjudant Sylvain Ross, c’est que personne ne choisit de risquer sa vie sans être passionné. Il faut trouver un travail qu’on aime assez pour endurer le stress qu’il inflige. Aussi, il vaut mieux aller chercher de l’aide professionnelle si les contrecoups de l’emploi nuisent à la santé.

Après avoir parlé avec Nicole Hawley, on comprend que prendre des pauses permet à tout le monde de s’aérer l’esprit et de repartir en force. Cette femme dit aussi aimer faire des jokes et avoir une belle vie personnelle en dehors du bureau. Bref, c’est important de trouver l’équilibre.

Pour le Dr Éric Lalonde, il faut arrêter d’être dans l’attente et la tergiversation, et plutôt prendre des décisions et passer à l’action. Il croit beaucoup aux bienfaits du sport pour relâcher la tension après le travail.

Au final, ces trois personnes ont un tempérament, un sang-froid et un bagage qui leur permettent de mieux gérer le stress et la pression que bien des gens. En fait, la personne la plus stressée du Québec, ce n’est pas l’une d’entre elles. Y a même des chances que ce soit vous.

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