Haltes routières au Québec

Un retard à combler

Les haltes routières du Québec se suivent et ne se ressemblent pas. Selon l’endroit où on s’arrête en province, les prestations changent et vont de la halte tout équipée à celle sans eau potable.

L’aire de service Point-du-Jour de Lavaltrie a beau être amputée de bien des services depuis près d’un an, les automobilistes continuent de s’y arrêter, notamment en raison de sa situation idéale, en plein centre de l’autoroute 40. Le fameux restaurant Benny n’est plus, la station d’essence est désertée, mais les toilettes restent accessibles.

À l’intérieur du restaurant abandonné, une affiche faite à la main annonce : « ouverture du resto fin 2018 ». Tout porte à croire qu’il n’en sera rien. « On est toujours en mode planification des travaux, présentement l’ouverture est prévue en 2019 », dit Martin Girard, porte-parole du ministère des Transports du Québec (MTQ).

« C’est la seule place qui a de l’allure sur la 40 quand on part de Québec. Je ne comprends pas que ce soit fermé. Faut qu’il y ait quelque chose, ne serait-ce qu’un café, tout le monde arrête ici », dit Sylvie Girard, rencontrée mardi dernier tandis qu’elle se rendait à Toronto avec son mari et des amis.

Les automobilistes qui empruntent l’autoroute Félix-Leclerc en sens inverse ont pourtant sur leur chemin l’aire de service de la Baie-de-Maskinongé, équipée de trois restaurants, d’une station d’essence, d’un bureau d’information touristique et d’une aire de jeux pour les enfants.

Malgré tous ces services, ce n’est pas la halte routière idéale, aux yeux de François Désy, camionneur depuis 42 ans. Ici comme sur la route, la cohabitation entre les camionneurs et les automobilistes s’avère parfois difficile. « Quand tu arrives ici avec un 53-pieds, tu n’as pas de place, dit-il en balayant du regard le stationnement rempli de voitures. Et quand il arrive quelque chose, le coupable, c’est toujours le chauffeur de truck. »

Les camionneurs veulent plus de services

Des haltes routières plus adaptées aux camionneurs, c’est aussi ce que demande depuis plusieurs années l’Association du camionnage du Québec, qui estime qu’actuellement, aucune halte gouvernementale dans la province n’est adaptée à ceux qui avalent les kilomètres.

« En 2015, on a rencontré le ministère des Transports et on a fait tout le tour des cartes, on a dit nos souhaits les plus extrêmes, nos souhaits minimums. On nous a dit qu’on regarderait ça et on n’est jamais revenu avec rien. »

— Marc Cadieux, PDG de l’Association du camionnage du Québec.

Des douches, de la nourriture « autre que des sacs de chips », un stationnement assez grand et un niveau de sécurité accru, voilà ce que réclame l’industrie du camionnage.

L’Association du camionnage dit avoir été contactée par le ministère des Transports il y a une semaine pour organiser une nouvelle rencontre. « On va encore répéter ce qu’on a dit sur nos besoins, le côté lamentable des ressources qu’il y a en ce moment », poursuit Marc Cadieux, qui voit un lien entre cette rencontre prévue et le « cycle » électoral bientôt à recommencer.

Il y a trois ans, le gouvernement libéral a reporté à après 2017 la phase 2 du plan de réfection des haltes routières après que la première phase de ce projet menée en partenariat public-privé eut mené à des pertes financières pour le gouvernement. Le plan initial était d’instaurer 33 aires de services ; le Québec en compte actuellement 9.

Des investissements « encourageants »

CAA-Québec trouve « encourageant » que Québec ait modernisé certaines haltes dans les dernières années et compte sur une possible suite aux investissements gouvernementaux, malgré les déboires financiers du passé.

« Comme les automobilistes, on constate nous aussi qu’il y a des haltes vétustes, un peu défraîchies et qu’il y a clairement place à l’amélioration », dit le porte-parole de l’organisation Pierre-Olivier Fortin.

Le constat du directeur de la Chaire UNESCO en paysage et environnement de l’Université de Montréal est plus sévère. Les haltes routières québécoises ne donnent simplement pas envie de s’arrêter, dit Philippe Poullaouec-Gonidec.

« Ce qui est déplorable, c’est qu’elles n’ont pas fait l’objet de réflexion depuis 40 ans. C’est comme si c’était resté figé depuis la création de l’autoroute. Pourtant, on ne voyage plus de la même façon, on est à la recherche d’une expérience. Les voitures sont devenues des espaces confortables, sécuritaires et de qualité, mais on arrête dans une halte routière où on n’a pas le confort. Il y a une réflexion à faire », estime-t-il.

« Il faudrait que le Ministère arrête de voir ces haltes comme une fonction : aller aux toilettes », dit Philippe Poullaouec-Gonidec. Des chaises confortables, de la restauration de qualité, de l’information sur la région et plus d’endroits pour amuser les enfants pourraient faire des haltes routières des endroits agréables.

Le MTQ assure que « l’objectif » est toujours d’en arriver à une amélioration des haltes routières et des aires de service. « Il y a des éléments prévus dans le plan des investissements 2017-2027, dit son porte-parole Martin Girard. Ça peut représenter de la rénovation ou des nouvelles constructions, mais il est encore trop tôt pour vous dire où seront les nouvelles haltes, lesquelles seront rénovées. »

Sur l’autoroute 20 en direction ouest, la halte de Villeroy fait partie de celles qui gagneraient à subir une cure de jeunesse. La peinture est défraîchie, les distributeurs de papier de toilette sont rouillés.

« C’est pas dans les pires haltes, mais c’est correct, sans plus. Ce n’est pas très invitant… Avez-vous vu la table à langer ? Elle est toute sale », dit Geneviève Roberge, qui s’y est arrêtée avec son conjoint et ses deux enfants. Qu’aimerait voir son fils dans les haltes routières ? « Des aires de jeux », répond-il spontanément.

Le PDG de l’Association du camionnage du Québec estime que les haltes vétustes projettent une « très triste image » pour l’industrie touristique de la province et fait valoir que la mise à niveau des haltes pour les camionneurs profiterait à tous les usagers de la route.

« Ça peut ne pas être compliqué et coûteux, dit Marc Cadieux. On ne demande pas de recréer des haltes ou de refaire des acquisitions. Il y a déjà des endroits sur la 20 ou la 40 qui sont des centres de service, avec des commerces qui ne demandent que ça, d’avoir plus de stationnement. Il n’y a pas besoin de tout réinventer. »

Et la sécurité ?

La Sûreté du Québec n’a pu nous dire avant la publication de cet article si les crimes sont en hausse ou en baisse dans les haltes routières du Québec. Toutefois, le sergent Daniel Thibodeau affirme que ce sont surtout des crimes mineurs qui s’y déroulent.

« J’ai fait 25 ans comme patrouilleur et les délits concernent surtout des infractions contre l’ordre public, comme des gens en boisson, ou des infractions d’ordre sexuel, comme de l’exhibitionnisme ou des gens qui se font offrir des services sexuels dans les toilettes. Lorsqu’il y a des signalements pour une halte routière, on fait des opérations pour enrayer le problème. Il y a très peu de crimes avec violence, comme des vols qualifiés ou de l’extorsion », dit le porte-parole de la SQ.

Le modèle OnRoute

Un dépanneur ouvert 24 heures sur 24, un guichet automatique, une station d’essence accessible toute la nuit, une zone d’exercice pour les animaux : pour plusieurs Québécois qui visitent l’Ontario, les 23 aires de service OnRoute aménagées sur les routes 400 et 401 en Ontario font figure de modèles à suivre, notamment en raison de la constance de leurs services. La province a conclu en 2010 une entente avec deux entreprises qui ont comme mandat de gérer pendant 50 ans ces haltes routières. « L’Ontario est pas mal plus avancé que nous », estime Marc Cadieux, PDG de l’Association du camionnage du Québec.

Haltes routières au Québec

L’ a b c de la halte routière au Québec

133

Nombre de haltes routières dans la province

9

Aires de service

Ce sont les plus luxueuses des haltes. Elles comprennent toutes une aire de restauration et certaines sont également dotées de station d’essence. Quatre sont situées sur l’autoroute 40, deux sur l’autoroute 20. Les autres se trouvent sur les autoroutes 10, 15 et 55.

47

Haltes routières permanentes ou saisonnières

Les haltes routières permanentes sont bien reconnaissables à leur façade peinte en brun et leurs murs latéraux de pierre. Certaines ont été rénovées, d’autres trahissent une décoration des années 70. Quant aux haltes saisonnières, elles sont ouvertes de la mi-mai à la mi-octobre.

39

Villages-relais

Ce concept, créé en 2008, fait partie du plan de modernisation du gouvernement du Québec. Les villages-relais doivent notamment compter un restaurant, une station-service et une épicerie ouverts toute l’année jusqu’à au moins 21 h.

33

Belvédères

5

Aires de repos pour camionneurs

Source : ministère des Transports du Québec

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