Première canadienne pour une épicerie

Du potager, directement au panier

Tant qu’à être forcé par les autorités municipales à se doter d’un toit vert, l’IGA de l’arrondissement de Saint-Laurent a décidé d’en profiter pour faire pousser des légumes. Ce supermarché est ainsi devenu le tout premier au Canada à se doter d’un vaste potager, ce qui permet aux clients d’avoir accès à des produits maraîchers bios et on ne peut plus locaux.

Le supermarché a ouvert ses portes en mai 2016 et commencé dès lors à faire quelques tests agricoles. Mais le projet prend véritablement son envol cet été, a-t-on expliqué en conférence de presse. L’espace de 25 000 pieds carrés (50 % du toit) déborde d’une trentaine de variétés de végétaux : aubergines, carottes, chou frisé, rabioles, basilic, poivrons, tomates… Les premières récoltes ont été vendues à la mi-juin.

Contrairement aux Fermes Lufa, qui installent des serres sur les toits de la région montréalaise, IGA exploite un potager à ciel ouvert. La production se limite donc à la saison chaude. L’investissement nécessaire est évidemment moindre, mais le coût de construction de la structure et du toit a tout de même augmenté un peu. De 5 %, ce qui est « marginal » selon le Groupe Mach, propriétaire de l’immeuble certifié LEED argent.

La gestion des lieux a été confiée à l’entreprise montréalaise La ligne verte, spécialisée dans les toitures végétales. Celle-ci loue le toit de I’IGA et lui vend ensuite ses récoltes. S’il y en a trop, l’excédent est vendu au marché Atwater. « On est une ferme indépendante comme les autres, mais il se trouve qu’on est sur un toit », explique Léandre Chagnon, de La ligne verte.

Côté prix, les consommateurs ne doivent pas s’attendre à des aubaines, même si les frais de transport sont inexistants. Produire à petite échelle, sur un toit et seulement quelques mois par année entraîne des coûts importants, rappelle M. Chagnon. Les prix de détail sont donc similaires à ceux des produits bios venus d’ailleurs. En revanche, l’empreinte écologique est moindre, les règles de certification sont plus strictes ici qu’au Mexique, et la fraîcheur de ses produits est inégalée, fait-il valoir. « Ma salade sera bonne trois semaines ! »

La nouvelle offre jouit par ailleurs d’un marketing intéressant. En magasin, le petit kiosque où sont regroupés les légumes cueillis sur le toit comporte deux écrans de télévision qui montrent le potager en direct et une vidéo expliquant le projet. De plus, les végétaux portent la marque « Frais du toit », dont le logo est moderne et épuré.

Persévérance et innovation

La « persévérance » et la « volonté d’innover » des copropriétaires du supermarché ont été saluées par le nouveau président de Sobeys Québec (propriétaire de l’enseigne IGA), Pierre St-Laurent, qui a participé à l’inauguration officielle des lieux.

En entrevue, il n’a pas nié que le siège social avait eu des réticences. « Au début, ça a l’air marginal, ce n’est pas connu. Les grosses organisations aiment ce qui est standard. Pendant qu’on fait ça, on ne fait pas autre chose, et on se demande où est la valeur. Mais finalement, tout le monde est super fier et on a le goût d’en faire d’autres ! »

Avant de lancer un autre projet similaire, IGA attend de mesurer les résultats obtenus. La rentabilité financière ne sera pas le principal critère, jure M. St-Laurent, précisant que ça surpasse ses attentes. « Et je suis convaincu que lorsque les clients vont savoir que leurs légumes viennent du toit avec zéro émission […] ceux qui ont des familles et pensent au futur vont probablement triper. »

Lufa applaudit

Selon Pierre St-Laurent, le principal atout de ce projet pour IGA est la démonstration de sa « responsabilité sociale ». « Je pense que les gens vont reconnaître que ce genre d’initiative est bon pour tout le monde. […] Un toit est un espace inutilisé, alors pour l’environnement, c’est extraordinaire. Et je pense qu’on va donner le goût à d’autres entreprises [de faire de même]. »

La chaîne IGA n’est pas seule dans son camp. « Les épiciers d’aujourd’hui, s’inspirant une fois de plus de Whole Foods, adhèrent de façon enthousiaste à la tendance du super-local comme élément de différenciation », affirmait récemment Daniel Levine, directeur de l’Avant-Guide Institute, à Food Dive.

Du côté des Fermes Lufa, on accueille bien le projet d’IGA. « Nous croyons que l’agriculture urbaine est essentielle à la pérennité des grandes villes et de leurs systèmes alimentaires. Nous appuyons tout projet de verdissement des toits et les félicitons pour cette initiative », a déclaré le porte-parole Simon Garneau.

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